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fans ceffe; peut-il être pour moi des inftans plus doux que ceux où je m'entretiens d'elle? Mais nous avons ici des bienféances à garder la nuit tombe déja, & l'heure approche où l'on s'affemble chez le Prince; nous devous y être des premiers: notre abfence, notre retardement même Y feroit remarqué. D'ailleurs, je lis dans vos yeux l'impatience que vous avez d'aller au Qartier du Duc de Bourgogne, pour y faire votre cour à l'aimable Madame de Camplit. Puifque vous le voulez ainfi, repliqua Raoul, j'y vais de ce pas; mais j'y vais pour vous juftifier auprès de toutes les femmes aimables, qui vous croient infenfible. Pour faire ceffer leur étonnement, je leur apprendrai la caufe de votre indifférence pour elles ; je veux leur épargner avec vous,les frais d'une

coquetterie en pure perte pour
leur vanité. De même que les
charmes de Madame de Camplit,
répondit Roger, ont justifié dans
votre efprit la foibleffe du Duc
de Bourgogne pour elle, ils me
garantiront de votre indifcrétion;
en les voïant, vous ne fongerez
plus à parler de moi. J'avouë
mon cher Roger, repartit Raoul,
que Madame de Camplit m'amu-
fe infiniment; l'agrément qu'elle
a dans l'efprit & dans toutes fes
manieres, échauffe mon imagi-
nation: cependant ne craignez
rien
pour mon repos; je ne fuis
ni affez humble, ni affez vain,
pour devenir un Rival ferieux du
Duc de Bourgogne. Je trouve
Madame de Camplit aimable,
fans la craindre: le plaifir que je
fens à la voir', ne me caufe que
des defirs qui ne font mêlez d'au-
cune inquiétude ; & l'idée qu'el-

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le me laiffera de fes charmes, en quittant le Camp, me fera toujours plaifir, & ne m'inquiétera jamais. Madame de Camplit est toute dans mon imagina tion, & non dans mon cœur. Allons donc, mon cher Roger, faife notre cour au Duc de Bourgogne; moi, pour y voir Madame de Camplit, qui, fans être touchée en ma faveur, écoutera avec complaifance ce que je lui dirai ; vous, pour vous arracher, s'il fe peut, à vous-même.

C'étoit moins la beauté de Madame de Camplit, qui l'avoit rendue maîtreffe abfolue du cœur & de l'efprit de Hugues de Bourgogne, que beaucoup d'habileté : fes manieres careffantes, un badinage léger, une raillerie fine des faillies heureuses, un pinceau vif & brillant pour peindre ou les caractéres ou les ridicules, des

,

idées fingulieres, & finguliere-
ment renduës; tout cela réuni
ensemble, en faifoit une femme
charmante. Elle étoit trop atten-
tive à conferver fa conquête,
pour laiffer le Duc de Bourgogne
dans une tranquilité dangereufe;
auffi ne s'armoit-elle jamais d'une
feverité, qui auroit éloigné ceux
que fes
appas captivoient. Elle
vouloit des victimes toujours tou-
tes prêtes à immoler à la jaloufie
du Duc; jaloufie quelle fçavoit
faire naître, nourrir & arrêter,
felon qu'elle le jugeoit à propos.
Son grand art étoit de ne ja-
mais paroîrre exiger rien de lui,
que pour fa propre gloire : fon
intérêt se tenoit toujours caché
fous le voile de celui du Duc de
Bourgogne. Elle fe fervoit du
prétexte d'aimer les Fêtes & les
Spectacles, pour l'amufer fans
ceffe. Ce Prince croïoit s'acqué-

rir

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rir des Créatures, en répandant des graces; mais ces mêmes graces affermiffoient toujours le pou voir de Madame de Camplit, qui feule, malgré le jufte difcerne ment de Hugues, décidoit qui les méritoit le mieux ainfi le Sujet revêtu d'une nouvelle di gnité, ou comblé des libéralitez du Duc, croioit tout tenir de Madame de Camplit.

Ce fut de fon caractére, de fon adreffe, & du pouvoir qu'elle avoit fçû prendre fur l'efprit du Duc de Bourgogne, que le Sire de Couci & le Comte de Rethel s'entretinrent jufqu'au moment où ils arriverent au Camp. Le Jeu, la Mufique, le Bal, la Galanterie, tout convioit au plaifir. Le feul Comte de Rethel, au milieu de ces amusemens, ne fe livroit à aucun d'eux; ils ne fervoient au contraire, qu'à le jetG

Tome I.

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