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Vous êtes étonné de me voir dans ces lieux, me dit-elle en me · présentant la main pour l'accompagner: je m'en étois éloignée à regret, pour complaire à un é poux;j'y reviens,avec plaifir,comme dans ma véritable Patrie. Je ne fuis point étonné, Madame,lui repliquai-je, de vous voir où il vous convient fi bien d'être; mais j'avoue que je fuis furpris de vous y voir fans Mademoiselle de Rofoi. Pourquoi, Madame, ajoutai-je, priver la Cour d'un fi bel ornemente Je crains trop, me répondit-elle, de vous affliger, pour vous apprendre ce qui l'empêche de paroître ici. Son obftination eft extrême; cependant je la forcerai à venir faire la révérencé au Roi & aux Reines: vous l'y verrez. Je crains bien, Madame, repartis-je, de ne l'y voir jamais. Ce féjour, me repliqua -t'elle,

vous offre tant d'Objets aimables! croïez-moi, Comte, vangez-vous de ma fille; oubliez-la. Mademoiselle de Rofoi, lui disje, peut ne jamais faire mon bonheur; mais jamais je ne cefferai de l'adorer. Madame de Rofoi rougit à ce discours, baiffa les yeux, & ne me répondit rien. Un moment après, elle me dit d'un air affectueux; Je ne prétens pas que le caprice de ma fille, me prive du plaifir de vous voir; j'exigerai même d'elle, de ne pas vous fuir. Je ne viendrai pas demain à la Cour, ajoutat'elle, & vous ferez le maître de venir chez moi. Ce difcours nous mena jufques dans la Cour du Roi, où je la quittai sans lui répondre.

Je n'eus rien de fi preffé que de me retirer chez moi, pour y rêver en liberté,à ce nouvelévenement;

j'en étois troublé, & cependant j'efpérois en tirer avantage. Mademoiselle de Rofoi, difois-je, n'eft donc plus entourée de cès murailles & de ces foffez inacceffibles. Je pourrai donc l'arracher à la perfécution de fa jaloufe mere. Oui! cruelle, m'écriois-je; votre fatal égarement vous ôte la raifon, jufqu'au point de venir vousmême me livrer votre fille ! Votre prudence enfin vous abandonne ! je fçaurai bien en profiter.

J'étois occupé de ces différen tes idées, je cherchois déja les moïens de réuffir dans mes projets, lorfqu'on me rendit un Billet. Quelle fut ma joie, en reconnoiffant le caractere de Mademoiselle de Rocheville!Je l'ouvris avec précipitation; mais cè qu'il contenoit me porta un coup bien fenfible: en voici à peu près les termes..

Vous avez déja vû, fans dou te, Madame de Rofoi à la Cour où fa funefte paffion l'a conduite. Venez à Chelles, vous m'y verrez avec la malheureufe & tendre Alix; mais venez-y dans ce moment, avec celui qui vous rendra ce Billet.

Que devinrent toutes mes efpérances, à la lecture de ces quatre mots ? Ils renverferent en un moment tous mes projets,&ne me prouverent que trop', que la prévoiance de Madame de Rofoi étoit une fuite de fes artifices. Que je fus affligé, en apprenant que cette cruelle femme venoit de mettre entre fa fille & moi, une nouvelle barriere encore plus affurée que le Château de Rofoi Je partis, dans l'inftant, avec celui qui venoit de m'apporter une fi funefte nouvelle. Il me conduifit,par des fentiers détour

nez, près d'une porte pratiquée à l'extrémité de l'enclos du Monaftere; il me fit arrêter dans un endroit fort couvert, & me dit d'attendre. Une demie heure après, j'apperçus Mademoiselle de Rocheville; je voulus courir à elle, mais elle me fit figne de ne pas avancer.

A peine m'eut-elle joint, que je lui dis; Vous allez m'appren→ dre que je fuis plus malheureux que jamais, & j'aurai à vous le reprocher. Ah! ma chere amie! pourquoi n'avoir pas inftruit mon pere ou moi, du départ de Madame de Rofoi Je poffedois Alix....Je vous l'ai déja dit, me repliqua Mademoiselle de Rocheville, que je ne me prêterois jamais à cette violence fans l'aveu de Mademoiselle de Rofoi. Au moment que fa mere eut pris la réfolution d'aller à Paris

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