2 donné le jour. Mais, Comte ajouta-t'elle, il faut que Madame de Rofoi tombe elle-même dans l'erreur où elle veut jetter fa fille; il faut que le fuccès qu'elle en attend, tourne contre elle oüi; il faut qu'elle vous croïe hors des chaînes de Mademoifelle de Rofoi, & de plus, engagé dans de nouvelles. Cherchez à la Cour ce qui feroit le plus digne de vous, fi vous étiez libre d'y faire un choix, & paroiffez vous y attacher. Mademoiselle de Rofoi a d'abord montré une forte répugnance pour ce ftratagême ; elle en a fenti tout le danger. Quelle injufte & obligeante crainte, m'écriai-je ! Hé bien cherchons un autre moïen ! ! Non, reprit Mademoiselle de Rocheville; la timide & tendre Alix eft raffurée, elle compte fur votre constance: ce n'eft pas tout, voïez quelquefois Madame de Rofoi, mais fans empreffement; fur tout, paroiffez tranquile au fujet de fa fille; défendez-vous mal, fielle vous montre des foupçons ; fi elle vous preffe, convenez avec un air embaraffe de votre changement. Je ne tarderai pas à être inftruite de l'effet que produira votre ftratagême; alors nous prendrons de nouvelles. mefures. Allez, mon cher Comte, retournez à Paris, & ne vous montrez jamais ici, que je ne vous envoie chercher. Ma foeur, qui m'a confié la clef de cette porte, par où je fuis fortie, m'a donné la facilité de vous voir; mais je lui fais courir trop de rifque, & j'en cours trop moimême, pour en abufer. Quoi ! fui dis-je, je ne verrai point Mademoiselle de Rofoi? Non, me répondit-elle; elle eft obfervée de trop près par les ordres de l'Abbeffe, attentive à exécuter exactement ceux de Madame de Rofoi. Et vous, lui dis-je vivemont, exécutez ce qu'une jufte I crainte de l'avenir, ce que la pitié, la prudence & l'amitié doiwent vous montrer néceffaire. Tremblez d'avoir à vous reprocher un jour des malheurs, auf quels il ne fera plus tems de donner des larmes: cette clef que vous tenez dans vos mains, pourroit les prévenir; fongez qu'elle peut fouftraire Alix aux perfecu tions & aux cruautez de fa barbare mere, & me rendre heureux à jamais. Et vous, Comte, me repartit Mademoiselle de Rocheville, fongez-vous à ce que vous voudriez exiger de moi? Quoi je trahirois la confiance de ma foeur : Quoi ! j'expoferois, cette fille estimable, à être, le refte de fes jours, la trifte victime de ma perfidie Non; ne l'efperez pas, quand même Mademoiselle de Rofor confentiroit à fe prêter à un enlevement. Après de vaines prieres, après avoir juré mille fois que j'adorois Alix, je quittai mon amie, & revins à Paris. En arrivant, je trouvai une lettre de mon pere; il étoit au défefpoir de ce que Mademoifelle de Rocheville ne l'avoit pas. averti du départ de Madame de Rofoi: il fentoit, comme moi, l'occafion favorable & perduë; il me donnoit les mêmes. confeils que j'avois déja pris de moi-même, & que Chelles rendoit inutiles il ajoutoit que je perdois beaucoup par l'abfence du Vicomte de Melun, frere de Madame de Rofoi; qu'il fentoit combien fon féjour auprès de PEmpereur, étoit préjudiciable à mes affaires, puifqu'il étoit le feul homme que Mademoiselle de Rofoi pouvoit opposer à l'injuftice de fa mere, qui refpectoit & craignoit un frere, feul en droit de lui faire des remontrances, & même de la forcer à confentir à mon bonheur. J'avois déja fait toutes ces réfléxions én regrettant l'absence du Vicomte de Melun, dont le retour faifoit tous les defirs & les efpérances de fa niece. J'inftruifis mon pere de tout ce qui fe paffoit, & il approuva la conduite que notre zélée & prudente amie me confeilloit de tenir. Ca J'allai le lendemain chez Madame de Rofoi, pour lui laiffer le plaifir de penfer que je n'avois aucun foupçon; je lui dis Je vois, Madame, que Mademoifelle de Rofoi eft pour moi invi |