Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Mademoiselle de Rocheville en recevoit prefque tous les jours de Madame de Rofoi, & me renvoïoit fes lettres : j'y voyois avec plaifir fes inquiétudes & fes craintes; mais j'étois fâché d'y appercevoir des doutes: il étoit des inftans où elle ne croïoit pas mes empreffemens pour la fœur d'Alberic, auffi naturels que j'aurois fouhaité qu'elle en eût été per fuadée. Comme elle penfoit que je croiois fa fille auprès d'elle, & par conféquent à portée d'être inftruite par elle-même de tout ce qui fe paffoit à la Cour, elle s'imaginoit que, toujours amoureux de Mademoiselle de Rofoi, je voulois la piquer, & effaier par cette feinte, de la ramener. Cette idée fortifioit quelquefois fes foupçons, souvent détruits par l'appréhenfion que ma conduite ne fût que trop fincere.

Un jour en paffant à côté de moi, elle me dit d'un air riant, & affez haut pour être entendu de Mademoiselle du Mez, auprès de qui j'étois; Comte, je vous en fais mon compliment; vous jouez d'un air bien naturel le rôle que vous avez projetté; vous connoiffez les femmes à merveille: il faut bleffer leur vanité pour vaincre leur caprice. Embarraffé de ce difcours, je l'aiffai paffer Madame de Rofoi fans lui répondre; mais je vis, avec quelque peine,Mademoiselle du Mez rougir, & me regarder d'un air inquiet.

Quelques jours après, Madame de Rofoi fortant de chez la Reine, où j'allois entrer, me faifit par le bras, & me mena dans l'embrafure d'une fenêtre.Je puis, fans fcrupule, vous arrêter, me dit-elle; Mademoiselle du Mez

n'est pas encore chez la Reine; vous avez le tems de rn'avouer s'il eft vrai qu'elle vous confole de la légereté de ma fille.J'avoue, Madame, repliquai-je froidement, que l'inégalité de Mademoifelle de Rofoi m'a effraïé depuis que j'ai pû y réfléchir avec moins de prévention. Quoi ! reprit-elle, il feroit vrai que vous n'aimeriez plus ma fille ? Parlezmoi naturellement; j'aurois à me plaindre, fi vous vous déguifiez avec moi vous fçavez que je vous aime, & avec quelle peine j'ai cedé aux caprices d'Alix ainfi, je ferai volontiers d'intelligence avec vous, pour l'humilier à l'aide d'une feinte trèspropre à la ramener en votre faveur. Vous me fuppofez, Madame, lui répondis-je, plus de fineffe que je n'en ai ; je fuis vrai, incapable de me contraindre, &

;

mes actions ne font jamais que l'effet du panchant qui m'entraîne. J'aimois, il eft vrai, Mademoiselle de Rofoi; fes charmes font féduifans; mais il faut plus que des charmes dans une femme, pour rendre un mari parfaitement heureux. Croïez-vous, me repartit Madame de Rofoi, trouver dans Mademoiselle du Mez ce que vous paroiffez defirer? Qu'il feroit heureux de s'en faire aimer, repris-je vivement ! La bonté, la droiture, & la folidité de fon caractére, jointes à son esprit & à fa beauté, font naître ce defir, & ne laiffent rien à fouhaiter chez elle. Vous penfiez de même d'Alix, répondit Madame de Rofoi: le tems vous a défabufé; il pourroit auffi rendre ce mauvais office à Elifabeth du Mez. M'étant permis de la voir prefque auffi fouvent que je le fou

haite, repartis-je, je pourrai dans quelque tems, ou juftifier ou détruire ce que vous paroiffez penfer en ce moment. Voilà donc, me dit - elle, Alix débarraffée de votre tendreffe. Le confeil que vous m'avez donné de renoncer à elle, repliquai-je, a été un ordre pour moi; vous avez eu même affez de bonté pour me confeiller de faire un nouveau choix. Il est vrai, me répondit-elle; mais vous ne faites pas celui que j'aurois voulu que vous fiffiez pour être parfaite ment heureux. Je vis que Madame de Rofoi attendoit ma réponfe,qui ne fut autre qu'une profonde révérence : car voïant venir Mademoiselle du Mez, je courus à elle, & lui préfentai la main pour la conduire chez la Reine.

Dès ce moment, Madame de Rofoi alla à Chelles. Ah! ma

« AnteriorContinuar »