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Il étoit feul; il me reçut avec une politeffe froide, dont j'aurois été étonné, fi je n'en avois pas fçû la caufe. Comte, je lis dans vos yeux, lui dis-je, que vous me croiez votre Rival: ce difcours vous apprend que j'ai pénétré votre fecret. Oüi; je crois que vous aimez Mademoiselle du Mez autant que je la refpecte; mais je ne lui rends d'autre hommage, que celui de l'eftime la plus pure. La folidité de fon efprit, les charmes de fa converfation, me la font rechercher avec plaifir, & ce n'eft qu'à ces feuls titres, fans que le cœur y ait part, que je lui accorde la préférence fur toutes les autres jeunes Beautez de la Cour. Ce plaifir mene quelquefois jufqu'à l'amour, répondit le Grand Sénéchal. Ne craignez rien, lui repartis-je; je ne ferai jamais vo

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tre Rival. Mademoiselle du Mez eft trop charmante, me dit-il, pour ofer, fans témérité, affurer qu'on ne l'aimera jamais. Sans témérité, lui repliquai-je, connoiffant pourtant tout ce que vaut Mademoiselle du Mez, & pénétré d'eftime & de refpect pour elle, je puis vous jurer que je n'envierai jamais que l'honneur de mériter de fa part un pareil retour. Ce ferment vous paroîtroit peut-être offenfant pour l'Objet qui a fçû vous toucher, fi je n'ajoutois pas que mon cœur eft prévenu de la plus violente & de la plus délicate paffion qui fut jamais. Reprenez donc,mon cher Senéchal, un visage ferein : je fuis votre ami; cependant, je l'avoue, & avec honte, un autre intérêt que celui de remettre le calme dans votre cœur, m'amene ici; je ne vous demande point votre

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fecret; je vous conjure feulement de garder le mien fur la démarche que je fais aujourd'hui, & fur l'aveu que je viens de vous faire, que je ne fuis point amoureux de Mademoiselle du Mez, parce que je le fuis d'un Objet qui peut feul lui difputer l'avantage qu'elle remporte fur toute autre. Si vous êtes aimé, mon cher Roger, me dit des Barres, que vous êtes heureux! Hé ! pouvez-vous ne le pas être ? Il eft vrai, continua - t'il, j'adore Mademoifelle du Mez: l'infenfible a triomphé de mon cœur, & je vois avec douleur combien ce triomphe lui eft à charge. Alors le Grand Sénéchal me conta qu'il étoit, depuis près d'un an, épris des charmes de la fœur du Maréchal qu'elle le rendoit auffi malheureux qu'il étoit paffionné ; que fes foins, foutenus d'un refpect

égal à fon amour, ne trouvoient qu'une froideur qui le défefpéroit; mais que fa délicateffe ne pouvoit confentir qu'il demandât cette illuftre fille à ceux dont elle dépendoit; qu'ainfi, la Maréchale fa mere, & Alberic fon frere, ignoroient fa paffion. Vous fçavez à préfent ma foibleffe, ajouta des Barres, & l'indifférence dont Mademoiselle du Mez la punit. Je l'avoue, tout ce qui approche de cette inhumaine me fait ombrage, & vous, plus que tout autre, me paroiffez redoutable. Si, fans y fonger, vous alliez lui plaire, quel feroit mon malheur Combien ne gémiriezvous pas d'être l'objet qui me fermeroit le chemin de fon cœur? votre amitié pour moi,& votre eftime pour Mademoiselle du Mez, exigent que vous facrifiiez, à l'un & à l'autre, un air d'empreffe

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ment qui pourroit coûter cher à tous les deux. Du moins, répondis-je au Sénéchal, laiffez -moi avoir pour Mademoiselle du Mez les attentions & les politeffes dûës à fon fexe, à fa naissance, &. fur tout à fon mérite. Soïons tous deux raifonnables, ajoutai-je en fouriant. Peut-on l'être, me repartit-il, quand on est Amant & Amant malheureux Je fentis dans la fuite du difcours de des Barres, un defir ardent que je lui ouvriffe mon cœur, comme il venoit de m'ouvrir le fien. Outre que fa confiance exigeoit la mienles circonftances préfentes demandoient que je l'inftruififfe: je connois fa difcrétion, fa prudence, & fon amitié pour moi ; de plus, je craignois qu'il ne foupçonnât ma bonne foi, & que ce ne fût la véritable raifon qui lui faifoit craindre mes empreffe

ne,

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