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cœur des efpérances, qui, malgré tant d'obstacles, ne feront pas trompeufes. Je fus bien plus affligé que furpris, de la fageffe que `renfermoit le difcours du Roi, & malgré le peu d'adouciffement que j'y trouvois pour ma fituation, je ne pus le défapprouver.

Je paffai la nuit fans me coucher, allant, venant, m'arrêtant dans ma chambre comme un homme égaré. Tantôt je me reprochois mon imbécile fraïeur devant Madame de Rofoi, à qui je venois de donner des armes contre moi, & plus encore contre fa fille, ou plûtôt fa Rivale: tantôt je murmurois contre un devoir qui me forçoit à fuivre les ordres du Roi. J'étois fur tout dévoré du defir de voir Mademoiselle de Rofoi avant que de m'éloigner. Je voulois l'inftruire moi-même de tout ce qui fe paf

foit ; je voulois de plus, pour me raffurer au milieu de tant de nouveaux orages, l'entendre me jurer encore qu'elle ne feroit jamais qu'à moi.

Après avoir cherché long-tems de quels ftratagêmes je pourrois me fervir pour pénétrer jufqu'à Alix, j'en imaginai un. Je partis, dès qu'il fut jour, avec le feul Clouville; vous fçavez la confiance que j'ai en ce Gentilhomme. J'arrivai dans le Village de Chelles. Clouville fut aufitôt s'informer fi le Jardinier de l'Abbaie n'avoit point une femme ou des enfans: il fçut qu'il avoit un fils marié ; il fut le chercher, le trouva & l'amena. Je commençai ma conversation avec lui, par lui donner des marques de ma libéralité, qui l'étonnerent. Je lui dis enfuite de trouver le moïen de me faire

parler à fon pere. Je vais vous le chercher, me répondit - il; comme je travaille avec lui dans l'Abbaïe, j'ai la liberté d'y en trer, & je vais vous l'amener. Une heure après, je vis arriver le pere & le fils. Je demandai au bon-homme,en m'y prenant avec lui de la même maniere que j'avois fait avec fon fils, s'il ne pourroit point m'introduire dans Chelles, comme un Garçon Jardinier dont il avoit befoin. Le bon-homme ne m'en fit aucune difficulté ; j'avois trouvé le vrai fecret de les applanir toutes : il me dit feulement qu'il ne pouvoit me faire entrer que le lendemain, ajoutant que je pourrois loger chez fon fils, où il croioit à propos de me cacher. J'y allai fur le champ ; car je craignois d'être vû de quelqu'un des Gens de Madame de Rofoi, qui

pouvoit envoier à Chelles : mais je courus un bien plus grand rifque le lendemain.

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Madame de Rofoi étoit partie de Paris peu d'heures après moi -elle avoit couché dans l'Abbaie elle étoit déja levée, elle alloit fe promener appuïée fur Mademoifelle de Rocheville,lorfque je me trouvai prefque vis-à-vis d'elle, marchant à côté du bon-homme qui me conduifoit dans l'enclos du Couvent. La rencontre de Madame de Rofoi me caufa un trouble extrême; je tremblai qu'elle ne me reconnût : elle me regarda en paffant; mais mon déguifement, & un petit détour que je pris comme par refpect, l'empêcherent de me diftinguer.

Me voilà donc, les inftrumens de jardinage à la main d'une façon affez mal-adroite; mais le bon-homme m'apprenoit à m'en

fervir. Je lui dis de me mener dans l'endroit où fe promenoient les Penfionnaires, & de m'y laiffer feul; il le fit: il me marqua l'ouvrage que je ferois, ou que je feindrois de faire. Quelques heures après, je vis arriver Mademoifelle de Rofoi feule. Quelle fut mon émotion en la voiant! Elle paffa prefque à côté de moi, & fans me regarder, elle gagna une allée très - couverte, où le jour perçoit à peine. Je la fuivis de loin. Quand elle fut au bout de l'allée, elle fe retourna pour faire encore le même chemin ; je continuai le mien pour aller droit à fa rencontre elle me regardavenir à elle; je vis qu'elle m'examinoit, & qu'elle rougiffoit. Je m'arrêtai, je tirai de ma poche une boëte d'or que fon pere m'avoit donnée; à peine l'eut-elle apperçue, qu'elle me dit, d'une

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