Imágenes de páginas
PDF
EPUB

je de vous & de nos malheurs Allez, cher Comte, ne perdez pas un moment. Que ma mere vous voie à Paris prefque auffitôt qu'elle y arrivera, & demain informez-moi de tout ce qui fe fera paffé. Hélas ! s'écria-t'elle, que le plaifir que j'ai de vous voir, me fait fentir vivement la douleur d'en être privée ! Je ne vous verrai plus. Vous allez partir pour exécuter les ordres du Roi; mais il le faut : que dis-je ? quand même vous ne vous éloigneriez pas, je ne vous verrois plus: l'aveu que vous allez faire à ma mere, vous en ôteroit les moïens; mais j'en efpere beaucoup. Adieu, cher Comte; allez travailler à vaincre le malheur qui nous pourfuit.

Depuis ce tendre adieu, jusqu'au moment où je quittai Mademoiselle de Rofoi, il y eut

plus d'une heure d'intervalle. Me falloit-il moins de tems pour la remercier de fes bontez, pour lui marquer mes tranfports, pour lui exprimer avec quelle inquiétude j'allois m'éloigner, pour lui faire répéter que, malgré les tentatives & les efforts de fa cruelle mere, elle ne feroit jamais qu'à moi? Enfin après lui avoir juré mille fois que je l'adorois, nous nous feparâmes. Je la vis s'éloigner avec un regret & une douleur inexprimable ! lorfque je l'eus perduë de vûë, j'allai retrouver mon Introducteur, que je priai de me faire fortir prompte

ment.

Je revins à Paris d'une viteffe extrême. J'allai auffi-tôt chez Madame de Rofoi; elle étoit feule. Je lui dis, en l'abordant: Il ne refte plus chez vous, Madame, nulle trace de cette indifpofition

fubite qui vous prit avant hier; fans doute l'air de Chelles vous a fait du bien? Qui vous a inftruit, me dit Madame de Rofoi toute troublée, que ma fille eft à Chelles, & que j'ai été la voir? Dites, Madame, repliquai-je que vous avez été voir votre fidelle Rocheville. Quoi! pourfuivis-je, vous avez eu la cruauté de paffer vingt-quatre heures à Chelles fans voir Mademoifelle de Rofoi? De quel crime la puniffez-vous? Et vous, me repartit-elle avec fierté, de quel droit m'en demandez-vous.compte? Du droit, lui répondis-je vivement, qu'un pere, vous & Mademoiselle de Rofoi me donnent. Je vois votre étonnement, Madame ; vous cherchez dans ce moment de quelle maniere je puis avoir été inftruit. Hé bien ! je vais vous l'apprendre. Nous

!

[ocr errors]

étions dans Chelles en même tems, vous au dehors avec votre bien-aimée Rocheville, moi dans l'intérieur où le hazard m'a d'abord fait trouver Mademoifelle deRofoi:c'est en vain qu'elle a voulu m'éviter. Quoi me dit Madame de Rofoi d'une voix effraïée, vous êtes entré dans Chelles? Vous avez vû ma fille? Juste Ciel s'écria-t'elle, quel coup imprévû! Vous êtes entré dans Chelles? Vous avez vû ma fille? Oui, Madame, repliquai-je, j'ai fçû m'ouvrir les portes du Cou vent; oui, j'y fuis entré ce matin, dans le moment, qu'appuïée fur Mademoiselle de Rocheville, vous alliez vous promener. J'ai paffé fous vos yeux: vous m'avez regardé, mais un déguisement vous a fait me méconnoître. Quoi! Madame, c'est vous qui me refufez Mademoi

felle de Rofoi: Elle eft, comme moi, permettez-moi de le dire la victime de votre injuftice. Hélas fa foumiffion à vos ordres cruels, mon respect pour vous ne vous ont-ils jamais reproché tant de rigueur? Vous ordonnez à Mademoiselle de Rofoi de renoncer à notre union: fa douleur, fes larmes, mon désespoir, n'ont pû vous attendrir. A qui donc, Madame, me facrifiezvous? Quel eft l'heureux mortel que vous me préferez, au mépris de vos engagemens & du bonheur d'une fille unique? Ah! Madame, ajoutai - je, pouvezvous ne pas écouter la pitié, la nature, & votre gloire ? Serai-je enfin affez infortuné, pour ne plus trouver en vous Madame de Rofoi? Qu'eft-elle donc devenuë, cette femme fi refpectable & fi jaloufe de fes devoirs? Parlez

« AnteriorContinuar »