Imágenes de páginas
PDF
EPUB

le Comte des Barres, devoient être la récompense de celui qui vous aime le plus tendrement je n'aurois plus à craindre les Rivaux,que vos charmes me font redouter. La délicateffe de ma paffion, continua-t'il, m'a fait garder le filence jufqu'en ce jour :; je voulois que mes foins & mon refpect vous parlaffent en ma fa-. veur, & j'aurois crû être indigne de vous, fi j'avois feulement pen fé à faire une démarche pour vous obtenir fans votre aveu.. Me le refuferez-vous, Mademoifelle? Parlez.... Que vous êtes cruelle... La générofité de votre ame vous reproche t'elle de faire un miferable? Mais vous gardez un filence, fans doute funefte pour moi. Hélas vos yeux font muets, ainfi que votre bouche! Mon eftime pour vous, repliqua Mademoiselle du Mez,,

celui

m'a fait garder le filence & me le fait rompre cette eftime eft telle, que je voudrois pouvoir vous rendre heureux, Votre vertu, plus encore que votre illuftre naillance foutenuë d'une dignité éclatante, me fait regreter de: ne pouvoir païer de mon cœur, que vous m'offrez; il n'est que trop digne de moi. Vangezvous du refus que j'en fais ; ou-bliez une ingrate, qui ne peut ceffer de l'être, ajoûta-t'elle, en - laiffant, malgré elle, échapper un foupir. Ah! Mademoiselle s'écria le Grand Sénéchal n'ofe interpréter le foupir qui accompagne le cruel arrêt que vous me prononcez. Que dis-je ? je veux en vain douter de mon malheur. Hélas! je le vois, il n'eft que trop certain. Made-moiselle du Mez rougit à ce difcours, & répondit: La tendresse

je

[ocr errors]

que vous avez pour moi, & que je n'ai jamais flattée, ne vous donne pas le droit d'interpréter un foupir, que mon eftime pour vous peut m'avoir arraché. Je veux bien cependant vous donner l'affurance, que vous ne me verrez point vous préférer le Barón de Montmorenci; peut-être même ne me verrez-vous jamais difpofer de ma main en faveur de perfonne.

Le Grand Sénéchal fortit, le cœur plein d'amour & de jaloufie. Il fe rappelle ce que Mademoiselle du Mez vient de lui dire; il pefe jufqu'au moindre mot; il fe retrace tous fes mouvemens; il réfléchit fur ce foupir échappé ; enfin il conclut qu'elle aime. Le voilà occupé à chercher celui qui lui ferme la route de fon cœur, Son imaginatien lui fait paffer en revûë tout ce qui lui

paroît à la Cour, digne de plaire: il eft long-tems fans fe fixer fur aucun Objet. Il répéte ces derniers mots de Mademoiselle du Mez: Peut-être même ne me verrèzvous jamais difpofer de ma main en faveur de perfonne. Il fe fou vint alors de la vivacité de Mademoiselle du Mez, quand, à fon retour du Camp de Bourgogne, elle lui demanda, avec empreffement, des nouvelles du Comte de Rethel; combien de fois elle lui avoit fait des queftions fur la mélancolie à laquelle on le difoit livré, fans que tous les plaifirs de la Cour de Bourgogne euffent pû le diftraire. Il fe rappella avec quelle complaifance elle entendoit raconter les marques de diftinction & d'eftime, que le Comte de Rethel y avoit reçûës. Mon malheur, fe demandoit-il à lui-même, n'auroit-il

pas

choi

Ly

fi Roger pour être le vainqueur de ce que j'aime ? Sans y fonger & fans le vouloir, Roger me ren-droit-il auffi miférable qu'ili eft à plaindre? Mademoiselle du Mez fe flåtte fans doute, de toucher le cœur du tendre Comte de Rethel: défabufons-la: tirons-là d'une erreur trop dangereufe pour fon repos & pour le mien..

Donnons des armes à fa vanité pour triompher de fa foibleffe, & en même tems montrons-nous

[ocr errors]

le plus foumis & le plus paffionné des hommes:

[ocr errors]

Le Comte des Barres cherchoit avec foin un heureux hazard,, pour inftruire Mademoiselle du Mez de ce qu'elle ignoroit: il ne tarda pas à le trouver. On apprit à la Cour que le Com te de Rethel étoit depuis quel-ques jours, à celle du Comte deChampagne. Le Maréchal racon-

[ocr errors]
« AnteriorContinuar »