Imágenes de páginas
PDF
EPUB

parut pas le foupçonner; au contraire, elle dit que fi Renaud de Dammartin lui eût fait l'honneur de lui parler, elle lui auroit épargné la peine de s'ouvrir au Roi, en lui apprenant qu'elle avoit des engagemens pour fa fille.

L'arrivée du Vicomte de Melun fit naître les efpérances du Comte de Dammartin: il lui parla; mais il trouva le Vicomte déja prévenu par le Roi; je veux dire, que ce Prince s'étoit affez expliqué au Vicomte, pour qu'il rejettât toutes les propofi tions qu'on pourroit lui faire pour fa Niece, à mon préjudice. Ce fage Prince lui avoit appris les engagemens de fa foeur avec mon pere: il avoit fait plus; fa bonté étoit allée jufqu'à dire au Vicomte, que c'étoit à lui à vain→ cre la répugnance que Madame de Rofoi montroit pour un ma

riage fi convenable. Le Roi n'en dit pas davange au Vicomte; il voulut épargner à ce frere plein d'honneur, la honte dont il fe feroit crû couvert, s'il avoit арpris l'égarement & les artifices de fa fœur.

Mon pere fut chez le Vicomte de Melun dès le lendemain qu'il eut parlé à Madame de Rofoi; il fut furpris & charmé de le trouver déja inftruit. J'ai parlé à ma fœur, lui dit le Vicomte; elle est convenuëdes engagemens de fon mari avec vous; elle m'a de plus affuré qu'elle étoit dans le deffein de les tenir. Je l'avoue cependant, j'ai apperçu chez elle, ainfi que le Roi m'en avoit prévenu, de la répugnance à voir ma Niéce, Comteffe de Rethel, du moins fi promptement. Elle m'a dit que des raifons, dont elle ne pouvoit m'inftruire, l'obli

geoient à différer encore quelque tems; puis elle a ajouté que, comme mere, elle étoit la maitreffe abfoluë de donner ou de refufer fa fille. A ce difcours, j'ai répondu en frere qui veut qu'une four fe refpecte, respecte la volonté d'un mari, & les engagemens qu'il avoit pris avec un homme tel que vous. Mon pere fentit la néceffité de ne rren laiffer ignorer au Vicomte : il parla; mais le Vicomte, prévenu d'eftime pour fa fœur, la défendit long-tems. Il oppofa à mon pere la maniere dont elle recevoit les foins de Guebriant, & le deffein où elle paroiffoit être de récompenfer fa refpectueuse tendreffe. Il eft vrai que Madame de Rofoi, depuis quelque tems, n'alloit que très-rarement à la Cour, & qu'invifible chez elle à tout le monde, elle ne voïoit que GueM▾

briant. Après une longue converfation, le Vicomte convaincu, dit à mon pere: Il faut, fans paroître fçavoir le motif odieux des retardemens de ma fœur, la contraindre à confentir au retour du Comte votre fils: il faut qu'inceffamment elle le rende poffeffeur d'un bien, qui, felon les loix de l'honneur, lui appartient. Hélas! le Vicomte n'exécuta que trop bien ce projet. It lui parla, & d'un ton â ferme qu'elle lui promit enfin de m'écrire, pour m'annoncer mon bonheur, & pour me rappeller. Elle lui demanda feulement deux jours, en l'affurant qu'en fa préfence, elle exécuteroit la parole qu'elle lui donnoit. Le Vicomte dit à mon pere ce qu'il avoit obtenu de Madame de Rofoi. Ce court délai ne leur parut point fufpect: il fut cependant trop

[ocr errors]
[ocr errors]

long ce fatal délai, & vous allez l'apprendre.

Le jour que Madame de Rofoi dévoit m'écrire, mon pere me dépêcha un Courier: il m'ordonnoit de partir fur le champ, & de me rendre auprès de lui; il n'y avoit rien de plus dans fa lettre. Cette briéveté m'allarma; je n'ofai jamais me flatter que ce rappel précipité, & dont on me taifoit le fujet, m'annonçât quelque chofe d'heureux. J'arrive fentre. Mon pere, en m'embraffant tendrement, me couvrit le vifage de larmes, en me difant, après avoir été un moment fans. pouvoir parler: Ah! mon fils, quelle nouvelle ai-je à vous apprendre? Mon pere! m'écriai-je avec un effroi mortel, qu'avezvous à me dire? Mon fils, reprit il en me ferrant toujours dans fes bras, armez-vous de toute votre

« AnteriorContinuar »