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affez grand, pour préferer la difgrace à la faveur, s'il eût fallu l'acheter aux dépens de la gloire de fon Roi. Il avoit pour principe qu'un Miniftre en répond à I'Univers; que comme il la partage avec fon Souverain, il doit rougir comme lui, quand quelque chofe la bleffe. Il accordoit rarement fon amitié ; le feul homme de la Cour qui l'avoit entierement acquise, étoit Henri de Rethel, oncle de Roger. Ceux qui ne connoiffoient pas parfai

tement ces deux hommes illuftres, devoient être étonnez d'une union fi intime.

La vertu d'Enguerrand le faifoit craindre & admirer; celle de Henri le faifoit chérir & refpecter. Henri étoit doux & bienfaifant, lent à blâmer, prompt à loüer, égal dans le commerce de fes amis, brave fans oftentation,

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experimenté dans l'art de la Guerre, tranquile dans les revers, modefte au sein de la Victoire, toujours, par cet heureux caracte re, en état de profiter ou de réparer il étoit à la Cour comme dans fon domeftique, fimple & d'un abord facile; il voyoit, fans nul chagrin, les ambitieux, ardens à fe pouffer, à demander, & à obtenir il falloit que les graces vinffent au-devant de lui; & quand il en recevoit, il les regardoit plutôt comme un effet de la bonté de fon Souverain, que comme la récompenfe de fes fervices. Rien ne pouvoit ni l'humilier, ni lui donner de vanité. Jamais il ne fut foupçonné d'un orgücil rafiné, & caché fous des manieres fi fimples : les hommes, dans une longue vie, paffée à la Cour, fe démafquent dans quelques occafions; la ré

putation de Henri, ni l'idée qu'on avoit d'un caractere fi rare, ne fouffrirent jamais la moindre altération. Voilà les Gouverneurs que le fang & une tendreffe paternelle donnerent à Roger & à Raoul. Ce font ces exemples domeftiques & journaliers qui mirent en valeur leur heureux naturel; c'étoit cet heureux naturel qui leur faifoit recevoir avec modeftie, les marques que le Duc de Bourgogne, & toute la Cour, leur donnoient d'une eftime finguliere. Les grandes qualitez de l'un & de l'autre avoient frappé ce Prince, & avoient reüni en leur faveur tous les fuffrages. Les femmes les trouvoient aimables, & les hommes les trouvoient vertueux. Sur tout le Duc de Bourgogne admiroit avec quelle rapidité Roger avoit marché fur les tra

ces de fon oncle, ce qui l'avoit rendu digne neveu de Henri, & digne fils de Thibault, que l'on aura occafion de connoître dans la fuite.

Si Roger de Rethel & Raoul de Couci, avoient prévenu en leur faveur le Duc de Bourgogne; le Maréchal du Mez & le Comte des Barres lui parurent dignes de l'accueil qu'ils en reçûrent. Il n'attribua point leur voïage à la fimple curiofité; il penfa qu'ils étoient tous deux chargez, de la part de Philippe, d'examiner fi fes forces étoient capables de résister aux entreprifes de la France. Comme elles pouvoient le défendre & le maintenir dans fes Etats, il vit fans chagrin arriver le Maréchal du Mez & le Comte des Barres. La valeur du dernier, déja connuë par plus d'une action d'éclat, &

de

l'amitié particuliere dont Philippe honoroit le premier, lui avoient fait naître le defir de connoître perfonnellement ces deux grands Sujets. Il vouloit juger par lui-même, fi l'un, avoit autant de capacité pour la Guerre, que valeur; & fi l'autre, méritoit d'être le Favori de fon Roi. Ii vouloit juger du difcernement de Philippe, par le caractere du Maréchal; il vouloit enfin démêler celui de Philippe, par les défauts ou par les vertus d'un homme, dont la faveur étoit au plus haut dégré. L'eftime que lui infpira Alberic du Mez, confirma ce Prince dans l'opinion qu'il avoit d'un jeune Monarque, dont toute l'Europe admiroit la prudence, la fageffe & l'attention à connoître comme à remplir fes devoirs. Il fentit chez Guillaume des Barres ces heu

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