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le Roi lui a tourné le dos.

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Alix eft enlevée, dis-je douloureusement, & l'on ignore le lieu où la tient fon Raviffeur ! C'en eft donc fait ! Nos cœurs n'auront été unis que pour nous rendre miférables. Notre innocente tendreffe, qui devoit nous rendre à jamais heureux, empoifonnera le refte de nos triftes jours! Ah! divine & tendre Alix, vous pleurez ma perte,je gemis de la vôtre ! Quoi! m'écriai-je dans une nouvelle agitation de fureur, Alix eft enlevée ! Quoi! j'ai perdu la divine Alix! Non; l'Amour fecondé de mon bras, fçaura bien me la rendre. Que dites - vous mon fils, reprit mon pere avec douceur? Y pensez-vous? Votre douleur vous emporte. Songezvous que Mademoiselle de Rofoi eft dans ce moment, au pouvoir d'un autre? Non, mon fils, it

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n'eft plus d'Alix pour vous ! Sa gloire, qu'elle écoutera, la condamne à époufer le Comte de Dammartin: la vôtre, ne vous permet plus de devenir fon époux; & la mienne me feroit trouver la douleur de pleurer votre mort moins amere, que celle d'avoir à rougir d'une foibleffe qui me cou vriroit d'une éternelle honte. Tels étoient les fages raisonnemens de mon pere; mais mon défefpoir ne me permettoit pas de les goûter.

Le Vicomte de Melun entra; je fentis dans fes embraffemens, combien il étoit touché du malheur de fa Niéce & du mien. It fut pénétré de l'excès de ma douleur: il l'approuva d'abord, mais il fe joignit bien-tôt à mon Pere pour la combattre.

Comme mon mariage avec Mademoiselle de Rofoi,avoit été

arrêté, differé & rompu dans la Province,on en ignoroit le projet à la Cour.En y arrivant,je m'étois condamné à un filence que je crofois devoir à Madame de Rofoi, par les titres refpectables de mere de l'Objet que j'adorois, & de foeur du Vicomte de Melun. Mais l'enlevement d'Alix, l'affli&tion de mon pere, mon retour précipité, mon défefpoir, le Roi, enfin qui me plaignit publique ment,tout cela ne m'inftruifit que trop, qu'Alix m'étoit promife, & qu'elle étoit un bien que le Com te de Dammartin m'enlevoit.

Le quatrième jour depuis mon arrivée à Paris, Renaud apprit au Roi, que fon frere s'étant mé nagé fecretement une retraite auprès du Duc de Bretagne, y avoit conduit Mademoiselle de Rofoi: il ajouta, que la Ducheffe Conftance de Bretagne, touchée de

la douleur d'une fille, fi refpectable par fa naiffance, & fi accomplie, l'avoit d'abord prife fous fa protection.

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Le Vicomte de Melun vint chez mon pere, & lui dit devant moi, que le Comte de Dammartin venoit de lui écrire. Sa lettre, qu'il voulut bien me laiffer voir, étoit pleine de foumiffion de refpect, & marquoit un vif repentir de la violence où fa malheureuse paffion l'avoir porté : il finiffoit par affurer le Vicomte mais affez froidement, que & Madame de Rofoi étoient les maîtres de le rendre, quand ils le voudroient, l'époux de Mademoiselle de Rofoi. A ce mot d'époux j'entrai en fureur; je jurai mille fois la perte de Dammartin; je l'appellois, je le défiois, je le traitois de perfide; je lui proteftois qu'il ne poffederoit ja

lui

mais Alix: ma fureur me faifoit oublier qu'il ne pouvoit m'entendre. Le Vicomte fenfiblement touché de mon défefpoir, n'y put ténir; il fe retira fans avoir la force de parler. Mon pere le fuivit, & l'entretint en particulier.

Il y avoit peu d'heures que le Vicomte étoit forti, lorfque le Grand Sénéchal entra. Ah! mon cher des Barres, lui dis-je, chaque inftant ajoute à mon malheur ! Le perfide Robert pouffe fon audace jufqu'à demander à devenir le poffeffeur d'un bien qui m'étoit promis depuis fi longtems; mais avant que de l'obtenir, il faut qu'il m'arrache la vie; ma jufte indignation & mon amour la lui vendront cher: ce 'n'est qu'à ce prix qu'il pourra poffeder Alix. Je fens mieux qu'un autre, mon cher Roger, me répondit le Grand Sénéchal,

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