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ANECDOTES

DE LA COUR

DE

PHILIPPE AUGUSTE.

UGUES, Duc de BourHgogne, Prince digne de regner, avoit trop d'intérêt de fçavoir tout ce qui fe paffoit à la Cour de France, pour ne pas y entretenir des intelligences fecretes. Philippe, connu par le furnom d'AUGUSTE, fi juftement mérité & acquis avoit fuccédé à fon pere Louis

Tome I.

A

le Jeune. Le nouveau Monarque en prenant les rênes de fon Empire, n'étoit appliqué qu'au bien de fon Etat, & cela, dans un âge où les Princes fe repofent volontiers fur l'habileté de leurs Miniftres. Le dedans du Roïaume étoit tranquile; les voifins envieux, en redoutoient la puiffance; & l'exemple récent de Philippe, Comte de Flandres, (a) puni d'une entreprise audacieuse, faifoit connoître de quoi le jeune & le fage Philippe feroit capable. Le Duc de Bourgogne étoit inftruit que le Roi, dans fes conversations prefque toujours férieufes & utiles, déploroit les malheureux Regnes des derniers Rois de la feconde Race, en oppofant toujours à la molleffe de ces Prin

(a) Il étoit Oncle & Parrain de PhilippeAugufte, & avoit gouverné fon Roiaume.

ces, l'activité de Charlemagne c'étoit en effet le Héros que le jeune Monarque fe propofoit pour modéle. Il parloit de fes Conquêtes avec un plaifir animé, & rappelloit avec douleur, les trif tes époques, où la Monarchie Françoife avoit fouffert de fi confidérables démembremens. Hugues étoit trop profond, & tiroit des conféquences trop juftes de tout ce qu'il apprenoit, pour ne pas être perfuadé que Philippe, non feulement ne perdroit aucune occafion, mais encore qu'il tâcheroit d'en faire naî tre, pour rétablir, du moins en partie, cette grandeur paffée, objet de fa jufte & noble ambition.

Le Duc de Bourgogne étoit le moins tranquile des Souverains dont les Etats touchoient à ceux de Philippe, parce qu'il étoit le plus pénétrant. Sa politique

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autant que fon équité, l'engageoit à louer avec chaleur toutes les vertus de cet illuftre & redoutable voifin il fouhaitoit fon amitié ; mais comme il ne vouloit pas qu'on imputât à foibleffe toutes fes attentions, il crut devoir donner à Philippe une idée de fa puiffance, pour lui faire fentir qu'il étoit un ami à ménager, & pouvoit être un ennemi dangereux. Pour parvenir à fon but il déclara dans l'hiver de l'année 1182. qu'à la fin d'Avril, il formeroit un Camp près de Dijon, où il raffembleroit la meilleure partie de fes forces; que comme c'étoit un plaifir qu'il vouloit donner aux Dames de fa Cour, il feroit l'ouverture de ce Camp par des Tournois & des Caroufels,où la galanterie des Seigneurs Bourguignons ne brilleroit pas moins que leur

valeur & leur adreffe, fi des Chevaliers étrangers, avides de gloire, vouloient entrer en Lice

avec eux.

Les Seigneurs Bannerets reçûrent les ordres pour fe trouver, à jour marqué, dans cette belle Plaine qui conduit de Dijon à Nuits, avec leurs Compagnies d'Ordonnance, le nombre d'Archers & autres Gens de pied qu'ils devoient fournir pour leur contingent. Ces Chefs de la Nobleffe de Bourgogne connoiffoient trop la magnificence de leur Souverain, pour négliger de paroître à fes yeux avec cette Pompe guerriere & galante, fi capable de lui plaire. Rien ne fut oublié:

Dès qu'on apprit à la Cour de Philippe, la fête Militaire que Hugues préparoit, tous les jeunes Seigneurs parurent fouhai

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