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la grace

de la nouveauté : mais mon fils, la Cour eft à votre égard, comme une famille dans le fein de laquelle vous avez été élevé, qui vous eft chere, & qui cependant vous ennuie. Il faut chercher des Païs, des Objets,des mœurs & des ufages différens des nôtres. La nouveauté pique la curiofité, la curiofité donne occafion de s'inftruire: on veut fçavoir ce que l'on ignore; ce defir donne à notre ame un mouvement, où plûtôt il eft lui-même un mouvement propre à effacer des idées contraires à notre repos, & dont on ne fçauroit trop tôt fe défaire. Allez, mon fils, allez parcourir l'Italie ; elle eft un Theatre digne de votre attention. L'envie de connoître ce qui vous est étranger, d'en faire la comparaison avec ce qui vous eft familier, de cher

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cher pourquoi tous les hommes, dont le cœur eft le même, n'ont pas les mêmes préjugez, vous donnera occafion de réfléchir & vos réfléxions feront au profit de votre efprit & de votre raifon. La folidité du difcours de mon pere me détermina moins à lui obéir, que l'efpoir d'obtenir quelques fecours contre ma doufeur, par l'éloignement des lieux où tout me rappelloit des idées que j'aurois bien voulu effacer. Je partis, & mon pere, qui brû Foit d'impatience d'être à Rethel, en reprit la route au moment que je pris celle de l'Italie.

Me voilà en Italie : j'y voïois de belles chofes, fans les chercher avec cet empreffement que mon pere avoit attendu de moi. J'avoue pourtant qu'il étoit des inf tans de relâche à ma trifteffe: la variété des Objets, les refpeta

bles monumens de l'Antiquité, le nombre d'illuftres Etrangers, leur attention à réfléchir & à raifonner fur ce qu'ils voïoient m'occupoient quelquefois affez, pour que je fentiffe moins un malheur, dont le fouvenir me fuivoit par tout.

J'avois erré près d'un an ; j'étois à Venife, d'où j'avois écrit au Vicomte de Melun & à mon pere, lorfque je vis arriver un Courier qui me rendit une Lettre. Je l'ouvris avec précipitation: quelle fut ma furprise, mon trouble, ma joïe! C'étoit une Lettre du Vicomte. Ah! mon cher Raoul; il m'apprenoit que la Comteffe de Dammartin étoit maitresse de sa destinée, tant par la mort de fa mere, que par celle du Comte de Dammartin ; il ajoutoit, qu'il croïoit devoir m'avertir de deux événemens fi

peu attendus, & finiffoit en ces termes. J'ai recommandé au Courier que je vous envoie, de faire toute diligence; il m'aura obéi: je crois cependant que celui que vous chargerez de votre réponse, en fera encore une plus grande. Enfin, mon cher Roger, s'écria Raoul, je puis reprendre haleine; je refpire. Quel ferrement de coeur le récit de vos malheurs ne m'a-t'il pas caufé jufqu'à ce mo ment ! Je ne me fuis jamais fenti fi touché. Je n'ai jamais vû la Comteffe de Dammartin; lorf que je revins du Camp de Bourgogne, Madame de Rofoi ne parut point à la Cour, pendant les dix ou douze jours que j'y restai. Je n'ai donc pû voir fa fille; mais vous me l'avez fait connoître, mon cher Roger, par des endroits qui me l'ont renduë refpectable. Je l'eftime, je l'aime.

Que je ferai content quand je la verrai la Comteffe de Rethel ! Mais achevez, que je fçache fi vous ferez bien-tôt l'un & l'autre, aussi heureux que vous avez été miférables.

A cette nouvelle, reprit le Comte de Rethel, je ne me donnai pas le tems de m'abandonner à la joie ; je m'occupai d'abord de mon départ, qui fut deux heures après l'arrivée du Courier du Vicomte. Tout répondit fi heureusement à mon impatience, que j'étois déja à Paris, que le Vicomte me croioit encore bien éloigné. Nos embrassemens furent donnez & reçûs avec une égale chaleur: nous nous dîmes peu de chofes; cependant nous fumes perfuadez que nous n'avions rien à defirer l'un de l'au

tre. Il m'apprit que la Comteffe de Dammartin, étoit toujours en

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