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opinion que j'ai toujours euë de fon esprit & de sa vertu; l'air de la Cour n'a point empoifonné votre ame. Mon fils, ajoutat-il, n'en foïez pas plus présomptueux ; ne montrez jamais ni mépris pour ceux qui vous feront inférieurs, ou en naissance, ou en mérite; ni orgüeil, de ce que la nature a bien voulu vous favorifer: que les hommes foient forcez, par vos actions, de convenir que vous avez de la vertu; mais foïez toujours modefte; ne vous applaudissez jamais de ce que vous ferez de bien, qu'en désirant de faire mieux ; encore faut-il que ce mouvement soit intérieur. Ces mêmes hommes, qui ne sçauroient vous refuser leurs fuffrages, quand vous ne paroîtrez pas les mendier, se révolteroient, si vous étiez capable d'ostentation; ils la regarderoient comme un reproche de ne pas valoir autant que vous; & de l'objet de leur estime, vous deviendriez celui de leur haine.

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Peut-être, mon cher Raoul, vous ennuié-je en vous rapportant toutes ces conversations; mais le plaisir qu'elles m'ont fait dans le tems & celui qu'elles me font encore, en me les rappellant, ne me permettent pas de les fupprimer. J'en ferois bien fâché, dit Raoul; de pareils difcours renferment trop de sages se, & des leçons trop utiles pour ne pas être charmé de les entendre. O! le digne pere, mon cher Roger; quel aimable caractere! La vertu est une; mais il est des hommes vertueux qui n'inspirent pour elle qu'une forte de respect, sans faire fentir aux autres un reproche interieur, fi

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capable de les corriger de leurs vices. Il en est d'autres, qui la rendent fi aimable & qui la font paroître d'un usage si facile, qu'ils la font aimer; alors elle devient si puissante, qu'il faut nécessairement qu'elle excite ou l'émulation, ou le reproche honteux de refter vicieux. Mais ce que je dis, ne vaut pas ce que vous avez à m'apprendre. Reprenez donc, mon cher Roger, & foïez sûr que je vous écouterai avec autant de plaisir, que d'attention. Roger reprit ainsi :

Pendant quelques jours, mon pere, plein du même esprit de curiofité, & pour m'approfondir encore, faifoit rouler nos conversations fur toute forte de matieres, & souvent, sur les differens événemens arrivez depuis que Philippe étoit monté fur le Trône. Sur tout, il voulut que je l'instruisisse du caractére, des manœuvres, de la difgrace & de la retraite du Comte de Flandres, & que je lui fisse le détail de la Guerre que ce Prince audacieux avoit ose faire au Roi. Je veux aussi, dit Raoul, en interrompant Roger, que vous aïez pour moi la même complaisance: vous sçavez que j'étois en Ecosse (a) à la mort de Loüis le Jeune; les trois années que j'y ai refté, m'ont laisse ignorer tout ce qui s'est passé; & personne encore, depuis mon retour, ne m'en a fidélement instruit: je vous en demande donc, en peu de mots, un récit exact. Je sçai la part que vous

(a) Enguerrand, pere de Raoul, avoit épousé une fille du Roi d'Ecosse. La Maison de Couci avoit des alliances avec la France, la Savoïe & la Lorraine.

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que

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avez euë à la Guerre du Comte de Flandres, & votre gloire m'intéresse encore plus que votre amour: car je me doute, mon cher Roger, que vous aimez. Songez-vous, mon cher Raoul, repartit Roger vous me demandez des chofes, qui, aujourd'hui indifférentes pour vous m'empêcheront de vous instruire de celles qui me regardent, que vous ignorez & qui m'occupent fans ceffe? Ce fera, tout au plus, un moment de perdu pour vous repondit Raoul; vous pouvez me le facrifier, nous avons le tems vous de m'apprendre tout ce que j'ignore, moi de vous écouter. De plus, je sçaurai par vousmême ce que vous fîtes dans cette Guerre, & fur tout les triftes circonstances de la mort de votre oncle : c'est un détail que

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