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mort: allez faire voir au Roi, & à fes Ennemis, que l'Oncle revit dans le Neveu. Oui! m'écriaije en verfant un torrent de larmes, je vais vanger votre mort, en homme defefperé, d'une perte auffi irréparable. Henri n'entendit point ces dernieres paroles, que la plus fenfible douleur m'arrachoit: il n'étoit plus. Sa mort avoit abattu le courage des Soldats, dont il étoit adoré; & relevé celui des Ennemis : ils avoient déja l'avantage, quand je me mis à la tête des Troupes. La perte que je venois de faire me jetta dans des tranfports de fureur, que la Fortune feconda ; & les Soldats pleins de l'ardeur de vanger la mort d'un Chef, qu'ils regardoient comme leur pere, contraignirent le Seigneur de Boves qui combattoit à la tête des fiens, à rentrer en défordre

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dans le Château, après avoir vû périr la moitié de fes gens.

Le Comte de Flandres, voïant le Château de Boves prêt à fe rendre, implora la clémence du Roi. Sa Majefté contente du repentir d'un Prince vain & humilié, lui accorda la paix, & reprit le chemin de Paris. Peu de tems après fon retour, il eut la douleur de perdre le Maréchal du Mez,grand homme, digne de toute la confiance du Roi, qui le regardoit comme un pere. Le bon cœur de Philippe, & une fage défiance de lui-même, lui firent fentir vivement cette perte; mais il trouva bien-tôt en lui feul, par fa prudence & fa fageffe, par fa politique & fon application aux affaires, les reffources propres à réparer la perte d'un grand Miniftre. Pour confoler Alberic de la mort d'un pere, dont la gloire

rejailliffoit fur le fils, Philippe lui témoigna une amitié fi diftinguée, qu'elle le fit bien-tôt regarder comme un Favori; & malgré fa jeuneffe, il hérita de la confiance d'un Maître, qui ne l'accorde qu'à ce qu'il croit, & à ce qui eft infiniment estimable.

Le Comte des Barres, que la France regarde, avec raifon, comme un Héros naiffant, qui lui promet un jour un grand homme, fe lia d'une tendre amitié avec Alberic, & devint après lui l'homme de la Cour, qui paroiffoit le plus agréable au Roi. Vous fçavez que par leur caractere, & par leurs grandes qualitez, ils fe confervent, & juftifient l'eftime dont Philippe les honore. C'est à cette eftime qu'Alberic doit depuis la mort de fon Oncle, la nouvelle dignité de Maréchal de

France; & des Barres, celle de Grand Sénéchal.

La juste ambition du Roi, pour réprimer l'orgueil & la tirannie des Souverains qui relevent de fa Couronne, s'eft déja fait fentir au Duc de Bourgogne ; & ce Camp magnifique, n'eft qu'un effet de la prévoïance de ce Duc, qui veut faire connoître à Philippe quelles font fes forces, parce qu'il craint les fiennes.

Roger finit fon récit en cet endroit. Raoul lui voïant garder le filence, lui dit: A préfent que vous avez fatisfait ma curiofité par un détail d'autant plus intéreffant pour moi, que vous en étiez l'objet, & que je voulois fçavoir, de votre bouche même, les circonftances de la mort de Henri; apprenez-moi ce qui vous regarde.

Un jour que je me promenois

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avec mon pere, reprit Roger, it me dit en m'embraffant: Mon fils, ne me refusez pas ce que je vais vous demander. Oubliez que je suis votre pere, je crains ce titre auprès de vous; il pourroit me coûter trop cher, en supprimant, de votre part, une confiance que j'exige comme votre plus tendre ami. N'aïez rien de caché pour moi ; vous trouverez dans l'amitié que j'ai pour vous, cette douceur qui en fait le charme. Je suis assez heureux pour croire votre cœur exempt de vices; mais vous êtes dans l'âge où il eft difficile qu'il le foit de toute foibleffe: je ne les appréhende point; vous avez de la raison, ainfi ne craignez pas de me les avoüer. Aïons l'un pour l'autre, une entiere ouverture de cour; je vous communiquerai tous mes deffeins, j'entrerai dans toutes

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