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tenir. Votre pere n'est plus, Mademoiselle, lui dit le mien ; mais il vous reste une mere à qui vous vous devez : c'eft à vous de fécher fes larmes; commencez donc par faire tarir les vôtres. Oui, Mademoiselle, vous devez cet effort à fa tendreffe pour vous. Mademoiselle de Rofoi fe leva, courut à mon pere, & en l'embraffant, elle lui dit: Non, je n'ai point perdu mon pere, je le retrouve en vous mon refpect & la plus tendre amitié, me feront toujours vous regarder comme un autre lui-même. Madame de Rofoi entra comme Alix achevoit ces mots, & parla ainfi à mon pere.

Le malheur dont retentit ce Château, en fait un féjour de trifteffe & de larmes, qui nous ordonne de fufpendre le mariage de ma fille. Affuré de mon

estime & de ma reconnoiffance, retournez à Rethel; mais fouvenez-vous Monfieur

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, que je vous prie de me laiffer trois mois, fans que ni vous, ni le Comte votre fils, faffiez aucune démar→ che pour me diftraire dans ma retraite: la bienféance & le defir de remplir tous mes devoirs, exigent cette conduite & ce retar dement: perfonne ici n'en peut légitimement murmurer : les pleurs que nous arrache la perte de Monfieur de Rofoi, doivent prévaloir fur tout autre fentiment. Et vous, Comte, me ditelle d'un air affectueux, je vous permets de faire vos adieux à ma fille.Elle fortit après avoir achevé ces mots. Mon pere la fuivit : il refta deux heures avec elle, & il la quitta, fans avoir pû obtenir le moindre adouciffement à l'arrêt fatal qu'elle avoit prononcé.

Je reftai vis-à-vis d'Alix, fans avoir la force de me plaindre; je la regardois, & mes yeux pleins de larmes, lui exprimoient feuls ma douleur. Je fus affez longtems dans cet état ; puis tout à coup je m'écriai: Quoi! Mademoifelle, mon bonheur eft differé de trois mois ! Quoi! de trois mois je ne vous verrai! & Ma dame de Rofoi défend de murmurer! Ah! divine Alix, lui obéiffez-vous ? Vous ne répondez point? Parlez. Je n'ofe m'avouer criminelle, me dit-elle, les yeux pleins de larmes. Partez, ma mere l'ordonne: mais fouvenezvous qu'elle ne vous a pas ordonné d'oublier Alix. Quelle injufte crainte me faites-vous appercevoir, Mademoiselle, repartisje douloureufement ! Vous oublier! Non; vous ne le croiez pas! vous n'êtes pas affez cruelle

pour ajouter ce malheur à celui qui m'accable: raffurez-vous, ou plûtôt raffurez-moi, contre ce petit mouvement de crainte, qui offense ma tendreffe ...& qui vous prouve, répliqua Alix, combien elle m'eft chere. Mon pere vint nous arracher à un entretien trifte, & pourtant plein de charmes. J'eus la douce confolation, en quittant Alix, de m'appercevoir que ma douleur & notre féparation, lui faifoient prefque oublier que fon pere avoit ceffe de vivre. Je voulus paffer chez Madame de Rofoi; mais mon pere me dit, que pour n'avoir pas à combattre un Amant qu'elle affligeoit à regret, & dont la douleur lui en cauferoit une fenfible, elle me prioit de partir fans la voir. Alix, en nous difant le dernier adieu, me prouva bien fa tendreffe, par celle

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qu'elle témoigna à mon pere dans fes embraffemens.

Madame de Rofoi n'avoit pas. voulu feulement me permettre d'envoier fçavoir de fes nouvelles, ni de celles d'Alix, pendant les trois mois dont elle différoit mon bonheur. Ce dernier article me parut trop dur; je voulois du moins être inftruit, qu'Alix fe fouvenoit toujours de moi je pris donc, de fon confentement, des mefures avec une Demoiselle dont je vais vous parler. Mademoiselle de Rofoi n'avoit pû refuser à ma douleur, cet adouciffement aux ordres, trop féveres, d'une mere abfoluë.

Mademoiselle de Rocheville, eft le nom de cette eftimable amie de Madame & de Mademoifelle de Rofoi. Elle eft fille de qualité, & cadette d'une bonne Maifon, dénuée des biens de la

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