Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Il est visible par ce qui a été dit, que plus un tuyau excede la longueur de 28 pouces, & en même temps moins on y laiffe d'air avant le renversement, plus cet air aprés le renversement doit être dilaté. Il eft difficile d'avoir de fort longs tuyaux, & ceux de M. Caffini le fils n'avoient guere que 44 pouces. M. Amontons pour faire l'expérience plus en grand s'avifa de faire faire un tuyau dont un bout fe terminoit en une trés-groffe Olive de la figure d'un cervelas. Ce bout étoit celui d'enhaut après le renversement, deforte que l'air qui y montoit fe dilatoit beaucoup dans un fi grand efpace, & telle étoit la сараcité de cette Olive que quant à cette dilatation de l'air elle valoit un tuyau qui eût eu 475 pouces de long & un diametre égal à celui d'un tuyau ordinaire long de 46 pouces qu'avoit M. Amontons. Le tuyau entier avec fon Olive valoit un tuyau long de prés de 512 pouces, & du même diametre que celui de 46 pouces.

M. Amontons fit les expériences avec ce nouveau tuyau & n'y ayant laiffé une fois que 2 pouces 6. lignes d'air, il trouva qu'aprés le renversement cet air devoit s'être dilaté prés de 200 fois plus qu'il n'étoit auparavant, & que cette grande dilatation fuivoit encore la proportion de M. Mariotte. A plus forte raison de moindres dilatations la fuivoient-elles.

Voilà ce qui peut furprendre les Phificiens même. Les differentes dilatations où eft l'Air depuis le niveau de la Mer jufqu'au haut des Montagnes, ne confervent pas la proportion des poids, & elles la confervent d'autant moins que ces Montagnes font plus élevées, c'est à dire, que dans cette étendue les dilatations des deux extrêmités font trop differentes entre-elles pour être renfermées les unes & les autres dans les bornes des dilatations moyennes où la proportion peut avoir lieu; & cependant quel les Montagnes a-t-on jamais veuës, où l'air loin d'être dilaté 200 fois plus qu'il ne l'eft au niveau de la Mer, le fût feulement une fois davantage car il faudroit pour cela que le Mercure fur le haut des ces Montagnes baif

fât de 14. pouces felon la regle de M. Mariotte, & à peine baiffe-t'il de 5 ou 6 fur les plus hautes où l'on ait obfervé. Comment dont l'Air auffi prodigieufement dilaté qu'il l'est dans le tuyau à Olive de M. Amontons fuit-il la proportion des poids, & comment ne la fuit-il plus dans le peu de dilatation qu'il a au haut des Montagnes ? l'Air libre eft-il different de celui qu'on enferme dans un tuyau? ou l'Air qui eft depuis la furface de la Terre jusqu'au haut des Montagnes doit-il être confideré comme une matiere heterogene & inégalement fufceptible de dilatation en fes differentes parties, deforte qu'il entrera dans fes differentes dilatations quelque autre principe que l'inégalité des poids, au lieu que l'Air pris fur la furface de la Terre fera parfaitement homogene, & ne se dilatera ou ne fe condenfera que felon les poids?

Il y a du moins quelque apparence que l'Air dilaté dans un tuyau n'est à fait de la même nature que tout pas l'Air du haut d'une Montagne. Si l'on met de l'eau tiède dans la Machine du vuide, elle bout trés-fort, dés qu'on a pompé la moitié de l'air, parce que celui qui étoit naturellement mêlé dans cette eau, & qu'on avoit déja un peu échauffé, étant foulagé de la moitié du poids qui le preffoit, tend à fe dégager entierement. De-là M. Mariotte avoit conjecturé que fi l'on étoit à une hauteur où le poids de l'Atmosphere fût diminué de moitié, le fang, beaucoup plus chaud que de l'eau tiéde, & toûjours plein d'air, bouillonneroit de maniere qu'il ne pourroit plus circuler, & il faut convenir que la conjecture étoit affés bien fondée. Cependant Ms. Caffini & Maraldi qui ont monté à des hauteurs, où, felon leur calcul, le poids de l'Atmosphére étoit à peu prés la moitié moindre, n'ont fenti aucune incommodité caufée par la rarefaction de l'Air. Beaucoup de gens qui ont été encore plus haut ne s'en font pas aperçus davantage. On peut donc foupçonner qu'il y a quelque difference entre l'air libre & l'air d'un tuyau, également rarefiés l'un & l'autre.

[ocr errors]

Quoiqu'il en foit, toute cette matiere demande encore

de grands éclairciffements. M. Amontons avoit imaginé, & il commençoit à exécuter des expériences qui auroient pû donner de nouvelles lumieres, mais il mourut. L'Academie ne perdra pas de veue ce deffein. Jufqu'à prefent il faut fe contenter de bien connoître la difficulté, car c'est-là une connoiffance, & quelquefois même affés confiderable.

V.les M. P. 229.232. 234.267.

SUR UNE
UNE IRREGULARIT E'

V

DE QUELQUES BAROMETRES.

OICI encore, à peu prés fur la même matiere, de grands fujets de doute, & un nouveau besoin d'éclairciffements.

Il y a déja quelque temps qu'on avoit remarqué à l'Obfervatoire que deux Barometres fimples, remplis du même Mercure, chargés de la même maniere, pareils en tout, pouvoient cependant ne s'accorder jamais, c'est à dire n'être jamais exactement & précisément à la même hauteur. Comme la difference étoit legere, & que l'on eft accoûtumé à ne trouver jamais une entiere précision dans tout ce qui eft d'exécution & de pratique, on n'é. toit pas fort furpris de ce Phenomene, & on fe contentoit d'en rapporter la caufe en général à quelque différence de conftruction infenfible & inévitable.

[ocr errors]

Mais un Barometre fimple de M. le Chancelier, dont on verra l'Hiftoire dans les Memoires de M. Amontons, & qui fe tenoit 18 ou 19 lignes plus bas que les autres étonna fort toute l'Academie. Quand on l'inclinoit, & que l'on faifoit venir le Mercure jufqu'au haut du tuyau, il le rempliffoit exactement, & l'on n'y voyoit aucune bulle d'air, d'où l'on concluoit neceffairement que le vuide étoit parfaitement bien fait, & qu'il n'étoit refté aucun air qui pût tenir le Mercure plus bas qu'il ne devoit être.

Ce

Ce n'étoit point non plus que le Mercure eût une pefanteur extraordinaire, car, outre que l'on n'a point encore vû un Mercure qui pefât plus qu'un autre, quand on mettoit d'autre Mercure dans ce même tuyau, il ne fe tenoit pas plus haut, & le Mercure de ce tuyau tranf porté dans un autre s'y tenoit à la hauteur qu'avoient les autres Barometres en ce temps là. D'où pouvoit donc venir une fi grande inégalité de hauteur, & une fi étrange irrégularité ?

Lorfque M. Amontons apporta ce nouveau fait dans une Affemblée, on propofa fur le champ plufieurs penfées differentes. Les uns conjecturoient qu'il peut y avoir une matiere moyenne entre la matiere fubtile qui remplit le haut des Barometres, & l'air groffier que le verre empêche d'y entrer, & que le verre du Barometre de M. le Chancelier pouvoit avoir des pores plus grands que les verres ordinaires, & laisser entrer cette matiere, dont le poids abaiffoit fi confiderablement le Mercure. D'autres croyoient que ce tuyau pouvoit avoir quelque humidité graffe, dans laquelle étoit contenu de l'air qui se dilatoit beaucoup dés que le vuide étoit fait. D'autres enfin foupçonnoient que peut-être ce verre étoit tel, que le Mercure en corrodoit la fubftance, & par-là dégageoit de l'air enfermé dans fes cellules, & en effet, en examinant ce verre avec un Microscope, ils croyoient le voir plein de bulles, comme les Larmes de Hollande, du moins en fa partie fuperieure. Chacun propofoit les expériences, qui pouvoient appuyer ou détruire fon opinion, mais on ne pouvoit pas les faire toutes fur un même tuyau, & il y en avoit quelques-unes dont le fuccés dépendoit d'un temps affés long.

M. Amontons étoit perfuadé qu'il entroit de l'air fubtil les par pores du tuyau de M. le Chancelier ; & comme c'étoit lui qui en étoit faifi & que le fait avoit d'abord paffé par les mains, il fut chargé par l'Academie d'examiner cette matiere, & il commença par les expériences qui avoient rapport à fon opinion.

1705.

C

* p. 21.

Il s'aperçut d'abord d'une nouvelle circonftance du Phenomene affés finguliere; c'eft qu'ayant plufieurs fois vuidé & rechargé de Mercure ce tuyau qui étoit le fujet de toutes ses recherches, il trouva qu'aprés cela fa difference de hauteur d'avec les autres Barometres étoit diminuée de moitié, & qu'il n'étoit plus que de 9 lignes plus bas.

Ensuite on vint à favoir que quelque temps auparavant il avoit été lavé en dedans avec de l'Efprit de vin par M. Homberg qui en avoit voulu ôter une tache, aprés quoi le Mercure s'y étoit tenu plus bas que dans les autres Barometres, & alors M. le Chancelier s'étoit aperçû de fon irrégularité.

M. Amontons crut que tout cela s'accordoit affés bien avec fa pensée. L'Efprit de vin ayant bien nettoyé le verre avoit enlevé de dedans fes pores tous les petits corpufcules étrangers qui auroient fermé le paffage à l'air, & ce même tuyau ayant été plufieurs fois déchargé de fon Mercure & rechargé depuis qu'il étoit entre les mains de M. Amontons, le Mercure y avoit laiffé quelque ef pece de craffe fort déliée, qui avoit bouché une partie des pores du verre, ou en avoit rendu le paffage plus difficile. De-là venoit que le Mercure n'y étoit plus fi bas. Et en effet M. Amontons ayant de nouveau lavé ce tuyau avec de l'Efprit de vin, le Mercure s'y remit enfuite auffi bas qu'il étoit d'abord.

Cette craffe que l'on fuppofe que le Mercure peut laif fer en paffant & repaffant plufieurs fois dans un même tuyau ne manque pas tout à fait de vraisemblance. M. Amontons fit voir des Bouteilles où il y avoit du Mercure, qu'il avoit portées dans fes poches pendant un an & plus. Non feulement elles étoient devenues fort fales en dedans, mais une partie du Mercure s'étoit changée en une poudre noirâtre, ce qui convient parfaitement avec ce qui a été dit fur ce fujet dans l'Hiftoire de 1700. mais comme il paroît que le Mercure ne produit cette faleté, que par un mouvement repeté un grand nom

*

« AnteriorContinuar »