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Rome, on en donna avis aux jéfuites de Lyon, qui l'enfermerent; mais il trouva moyen de s'échapper. Voilà pourquoi il fut enveloppé dans l'arrêt de M. le Bret, qui porte que fon procès lui fera fait comme au P. Dumas. On peut voir dans le livre que nous avons cité, ce qu'eur à fouffrir une pénitente de ce jéfuite. Elle fut mise en prifon, & on la traita avec la derniere rigueur pour l'obliger de découvrir quelque chofe à la charge du P. Poncet.

de Vaifon

protégeoit

Les mauvais traitemens que M. l'évêque de Vaifon fouf- XXXVII. frit en ce tems-là font encore plus étonnans. Il étoit fujet du M. l'évêque pape, comme évêque de Vaison; mais les jéfuites qui étoient perfécuté les auteurs de toutes ces violences, ne s'en mirent point en parce qu'il peine. Ce prélat leur étoit odieux à caufe de fa théologie les filles de morale, que , que l'on appelle la Théologie de Grenoble, dont il l'Enfance. étoit l'auteur. Mais on prit pour prétexte de le traiter avec tant d'indignité, de ce qu'il avoit reçu les filles de l'Enfance dans fon diocèfe, quoique ce n'eût été que fous le bon plaifir du pape fon fouverain; comme fi des vierges injuftement perfécutées pouvoient chercher un meilleur refuge que dans la charité des évêques & du faint-Siége. Elles y avoient deux maisons, où elles étoient la bonne odeur de Jefus-Chrift. Au mois de Septembre 1688, on envoya quatre compagnies de dragons à Vaison, pour se faifir de l'évêque. Ils arriverent la nuit. A peine donna-t-on à ce prélat, qui étoit au lit, le tems de s'habiller. On fouilla par-tout pour chercher des papiers, & jufques dans fes poches. Le commandant le traita avec la derniere infolence. Ce faint prélat fouffrit tous ces outrages avec beaucoup de patience & de douceur. Il avoit avec lui trois excellens eccléfiaftiques qui l'aidoient dans les fonctions de fon miniftere : ils furent arrêtés comme lui, & on leur enleva tous leurs fermons & leurs lettres. M. Ifoard, qui fervoit d'intendant à M. de Vaison, fut de même arrêté. M. de Vaifon & fes eccléfiaftiques furent menés au Pontfaint-Efprit, où le prélat fut mis dans une espece de cachot de la citadelle, & les eccléfiaftiques enfermés dans des casernes. Dix jours après, on en tira M. de Vaifon pour le conduire à Nisines, & de-là à l'isle de Rhé près la Rochelle,

XXXVIII.

Beaucoup d'autres per cutées inju

ftement.

où il fut environ quinze mois fans voir perfonne, ni pouvoir dire la meffe. Mais le pape ayant réclamé ce prélat fon fujet, il fut mis en liberté. On avoit donné ordre de le conduire jufqu'à Nice pour faire accroire qu'on le remettoit entre les mains du pape qui lui feroit fon procès. Mais le faint pere lui fit écrire par le cardinal Ottoboni fon neveu, de retour

ner dans fon diocèfe.

M. Ifoard fut conduit à Avignon, & de-là à Aix par douze fufiliers qui ne pouvoient fe laffer d'admirer fa vertu. Il fut mené enfuite à Marseille, enfermé dans la citadelle, & fut condamné au bannissement par l'arrêt de M. le Bret, comme nous l'avons dit. Les eccléfiaftiques de M. de Vaison, après avoir été vingt-un (6) jours dans la citadelle du Pont-faintEfprit, enfermés deux à deux dans des chambres grillées, fans pouvoir entendre la meffe les jours de dimanche & de fêtes, & ayant à peine de quoi fe nourrir, furent conduits au fort de Nifmes, où ils étoient encore plus maltraités que dans celui du Saint-Efprit. Ils étoient logés dans des espèces de cachots: M. de Baville, intendant de Languedoc, en étant informé les en fit retirer. Ils y étoient demeurés un mois, & ils y contracterent de grandes infirmités. M. Simon, l'un d'eux, fut conduit dans la citadelle de Montpellier, & il fut renfermé dans un lieu où à peine pouvoit-il refpirer. Il y paffa dix mois. M. de Baville informé de fon état, y porter quelque adouciffement, & au bout de huit autres mois il fut mis en liberté. M. Carbonel fut conduit au fort de Brefcou où il paffa dix-huit mois. M. Chapui (c) qui étoit détenu dans la citadelle du Saint-Efprit, fut élargi par les bons offices de M. l'archevêque d'Arles. Un M. de la Combe, prêtre, qui dans le tems de l'affaire de M. Peyffonel, s'étoit retiré dans le diocèse de Vaison, fut auffi arrêté & conduit au fort de Pequai, où il étoit réduit à boire de l'eau falée: & pendant qu'il y étoit, fans avoir été oui, & même fans avoir été informé de ce qui fe paffoit en Provence, il fut condamné à un banniffement de fept ans. On peut voir

y

(b) [Notre exemplaire dit vingtcinq.]

fit ap

(c) [Notre exemplaire dit M. Chapus.]

dans la fuite de l'Innocence opprimée, quel étoit le mérite de ces vertueux ecclefiaftiques. Un excellent curé du diocèfe de Vaifon, nommé M. Brets, fut encore arrêté, & tous fes papiers faifis. Il fut conduit à la citadelle de Marseille, où il a été vingt-un mois dans un cachot; enfin il fut élargi comme les autres fans aucune forme de procès. En même tems que M. de Vaison fut arrêté, on perfécuta auffi les filles de l'Enfance qui s'étoient retirées dans fon diocèse.

V.

du monaftere

Une autre affaire bien odieufe, & qui fe trama vers le mê- XXXIX. me tems (d) par les intrigues de l'archevêque de Paris (de Destruction Harlai) & du P. de la Chaife, c'est la deftruction du mona- de Charonne. ftere de Charonne dans le fauxbourg S. Antoine à Paris. C'étoit une communauté de filles de la réforme du faint homme le P. Fournier (e), curé de Mattincourt en Lorraine, & qui avoit été établie à Charonne par Madame d'Orléans, tante du roi. Il étoit expreffément défendu par les conftitutions de cet ordre d'avoir des abbeffes, mais feulement des fupérieures triennales. Mais le P. de la Chaife qui vouloit se rendre maître d'une communauté où fes confreres n'avoient point d'entrée, la rendit suspecte au roi & à l'archevêque de Paris, & perfuada enfin la Cour d'y mettre une abbeffe, pour rétablir, difoit-il, le bien fpirituel & temporel de ce monaftere; & il fit nommer une religieufe de Citeaux (f) qui étoit tout-à-fait propre à feconder fes vues. Mais le pape ayant été averti de la cabale des jéfuites, refufa les bulles, & ordonna aux religieufes d'élire leur fupérieure selon les formes ordinaires. Le P. de la Chaife s'embarraffa peu de l'ordre d'Innocent XI, & du refus des bulles; il perfuada à l'archevêque de Paris de faire prendre poffeffion à cette prétendue abbeffe, & de l'inftaller dans le monaftere de Charonne. M. de Harlai, qui étoit de l'intrigue, rendit

(d) [C'eft à-dire, quelques années avant celle des filles de l'Enfance. ] (e) [Ou plutôt Fourrier, comme

le met notre exemplaire. J

(f) Notre exemplaire dit, de l'ordre de laint Bernard.]

donc une ordonnance conforme aux vues du pere confeffeur; & en conféquence le 22 Janvier 1680, la prétendue abbesse fut mise en poffeffion, mais avec un fcandale & des violences qui font horreur.

Comme les religieufes refuserent de la recevoir, on rompit les portes du monaftere pendant que ces faintes filles étoient humblement profternées devant l'autel, pour implorer l'affiftance divine en chantant les fept pfeaumes de la pénitence. La prétendue abbeffe qui n'avoit de religieuse que l'habit, y exerçant toute forte de violence & de mauvais traitemens, ces pauvres filles eurent de nouveau recours au pape, pour implorer fon fecours paternel. Innocent XI. ne put apprendre ce fcandale fans en être vivement touché. Il leur écrivit donc un bref daté du 7 Août 1680, où il leur défend d'obéir à la prétendue abbeffe, caffe & annulle l'ordonnance de l'archevêque de Paris, & leur ordonne de procéder à l'élection canonique d'une d'entre elles pour être leur fupérieure [triennale]. Les religieufes obéirent donc & firent leur élection felon les formes accoutumées. Mais M. de Harlai & le P. de la Chaife, outrés que ces bonnes filles euffent obéi aux ordres du faint pere, porterent plainte au parlement contre le bref du pape; & fur l'expofé le plus faux qui fût jamais, il fut rendu un arrêt le 24 Septembre fuivant, qui défend aux religieufes d'obéir au bref & de l'exécuter, & leur enjoint d'obéir aux ordres de l'archevêque de Paris. Mais les religieufes perfiftant à ne vouloir pas obéir à l'intrufe, en conféquence d'un nouveau bref du pape qui avoit confirmé l'élection qu'elles avoient faite, il fut rendu un second arrêt à l'inftance de M. de Harlai & du P. de la Chaife, qui ordonnoit que cette communauté feroit éteinte, & que la maison feroit vendue. A peine cet arrêt fut-il rendu, que l'archevêque de Paris le fit exécuter de la maniere la plus barbare. On envoya auffi-tôt des archers, qui arracheforce & avec des violences inouies ces pieufes vierges, & les chafferent hors de leur monaftere fans leur donner de retraite: on renverfa les autels de leur églife, & on profana les lieux faints. Ces religieufes ainfi abandonnées, fu

rent par

rent

rent obligées pour fubfifter, de fe retirer les unes dans des villages pour y travailler, les autres de mandier leur pain d'autres tomberent dans les derniers malheurs. C'eft ainfi que fut détruit un des plus faints monafteres qui fùt dans le royaume, par la paffion de M. de Harlai, archevêque de Paris, qui ne fut en cela que l'inftrument du P. de la Chaise, qui le mettoit en œuvre pour le faire fervir à fes deffeins. On peut voir l'hiftoire de cette cruelle perfécution dans un écrit intitulé: Confidérations fur les affaires de l'Eglife, &c. & un autre qui a pour titre : L'Eglife de France affligée.

V I.

X L. Perfécution

les Ca

Ce qui arriva au mois d'Octobre 1682 à l'occafion de quelques ballots de livres faifis à S. Denys, & qui fut cause occafionnée de l'emprisonnement d'une multitude de perfonnes, eft par la diftri encore un des chcf-d'oeuvres de la paffion des jéfuites, qui fe bution de l'Apologie fervirent à leur ordinaire de l'archevêque de Paris (de Har- pour lai,) pour fatisfaire leur haine contre ceux qu'ils vouloient tholiques. perdre. Une partie de ces ballots contenoit un nombre d'exemplaires de l'Apologie pour les Catholiques, que M. Arnauld avoit compofée depuis peu contre un livre du miniftre Jurieu, où ce furieux écrivain fe déchaînoit non-feulement contre l'églife Romaine, mais encore contre Louis XIV, contre le clergé de France, contre l'archevêque de Paris, dont il faifoit un portrait affreux, contre le P. de la Chaise & les jéfuites, qu'il chargeoit même de plufieurs crimes dont, ccs peres n'étoient peut-être pas coupables. M. Arnauld voyant que perfonne ne répondoit à ce miférable livre, crut rendre un grand fervice à l'Eglife en repouffant les calomnies du miniftre Jurieu; & par une générofité qui fait bien. - voir le caractere de M. Arnauld, & qui a peu d'exemples il entreprit de juftifier M. de Harlai, le P. de la Chaife & fes confreres, & tous ceux qui lui paroiffoient accufés injustement par le miniftre Jurieu. La poftérité aura peine à croire qu'un livre fi utile, fi néceffaire, fi honorable à la Religion catholique, livre où il n'y avoit pas un mot qui eût Tome XIII.

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