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Sauvages quelques opérations femblables; mais elles étoient renfermées dans des bornes très-étroites, & ne s'étendoient qu'à un fignalement groffier de guerriers allant en guerre, à des marques de nombre, ou bien à des reconnoiffances. Les quipos ou les noeuds des Péruviens, méritent un peu plus d'éloges, puisqu'en effet ils avoient plus d'étendue & par conféquent une plus grande utilité; cependant ils étoient fort inférieurs aux fignes ou aux hiéroglyphes des Égyptiens. On ne peut douter que ces caractères n'ayent été très-peu étendus lorsqu'ils ont commencé à paroître en Égypte; mais cette découverte, quoique fimple & groffièrement pratiquée dans fon origine, ne doit pas moins être regardée comme un prodige de l'efprit.

Malgré l'obscurité de l'histoire des Égyptiens, on voit clairement la route que l'écriture a fuivie pour arriver à fa perfection, fans qu'il foit poffible de démêler ni la date de l'invention des hiéroglyphes, ni celle de leur progrès, car il eft certain qu'ils en ont eu; felon l'ordre de l'efprit humain, ils ne peuvent avoir été inventés auffi compofés ou plûtôt auffi allégoriques qu'ils l'ont été dans la fuite. Malgré cette augmentation, l'examen de ces mêmes fignes démontre toujours l'extrême fimplicité de leurs notions, lorfqu'ils faifoient ufage d'une écriture qui n'étoit que le trait ou le dessein particulier d'un objet réel. En confidérant cette manière de communiquer sa pensée, il est aifé de concevoir fi tout un peuple ne forme pas bien des caractères dont la convention eft fimple: à plus forte raison, il ne deffinera pas correctement des figures qui devoient ressembler à des objets déterminés; car tels étoient les commencemens de cette admirable invention. Par conféquent on peut croire que le deffein, rarement bien exécuté, fut très-aifément corrompu dans la main de tous ceux qui voulurent le pratiquer: & que par fucceffion

que,

D'Ifis & d'Ofiris

de tems, il ne conferva qu'une trace légère de fa première origine: alors il fallut apprendre à lire, c'est-à-dire, connoître ces traits, tandis qu'auparavant l'objet peignoit l'idée à tous les hommes, quelque différent que pût être leur langage. L'augmentation des connoiffances exigea fucceffivement plus de moyens pour l'expreffion: & l'on s'apperçut aifément qu'il étoit impoffible de faire concevoir par le moyen des hiéroglyphes fimples, toutes les chofes idéales ou dépendantes de l'efprit, néceffaires cependant à exprimer, comme le tems préfent, le futur, le paffé, &c. Les fignes corrompus donnèrent la facilité d'en imaginer, & par conféquent l'écriture courante fe perfectionna. Quand la plus légère réflexion ne nous apprendroit pas que l'ufage & les befoins ont été fuffifans pour augmenter le nombre des caractères, cette écriture étant une fois établie, la néceffité dont elle étoit pour toutes les parties de la fociété, & l'usage continuellement répété par un très-grand nombre d'hommes, préfentèrent, pour ainfi dire, fans étude & par la feule fucceffion du tems, les combinaisons dont un art eft fufceptible.

L'établiffement de la véritable écriture auroit dû naturellement détruire & effacer jufqu'au fouvenir des hiéroglyphes; mais les Prêtres Egyptiens eurent grand foin de les conferver pour l'interprétation des loix, le détail des faits hiftoriques, & le culte des Dieux. Par ce moyen ils devinrent les maîtres de toutes ces parties renfermées dans des fignes toujours fufceptibles de fignifications différentes, ou d'applications très-arbitraires. On peut en juger par l'inscription du temple de Minerve à Saïs, que Plutarque nous a confervée.

On voyoit, dit-il, un petit enfant, un vieillard & un trad. d'Amyot. épervier, & tout auprès, un poisson, er à la fin, un hippopotame; ce qui fignifioit felon lui : O arrivans & partans, jeunes & vieux, Dieu hait toute violente injuftice; car par

l'épervier ils repréfentent Dieu, par le poisson, haine, abomination,& par l'hippopotame, toute impudence de mal faire.

Le Lecteur peut juger par cette inscription, de l'ancienne manière d'écrire, & du peu de confiance qu'on pouvoit prendre dans la lecture ou plûtôt dans l'interprétation de ces fortes de caractères, principalement dans un pays où la chaleur du climat dilate, pour ainfi dire, les idées & porte les hommes à l'allégorie; mais on a fi fouvent & fi fçavamment parlé des hiéroglyphes, qu'il feroit inutile de s'en occuper ici plus long-tems.

La controverfe qui s'eft renouvellée depuis ces dernières années dans l'Europe, ou plûtôt dans la France, à l'occafion des Égyptiens, intéreffe tous les Sçavans & particulièrement les Antiquaires. Elle doit au moins les engager à communiquer les monumens qu'ils poffèdent. Je n'avois pas regardé jufqu'ici les morceaux chargés de caractères fous le point de vue d'utilité dont ils me paFoiffent aujourd'hui; je donnerai donc plus particulièrement que je n'ai fait, non-feulement les caractères de cette nation, mais je pourrai quelquefois m'étendre fur ceux dont il feroit poffible de douter. Il feroit peut-être avantageux d'étudier jufqu'aux Abraxas, quelque modernes qu'ils foient; car les Syriens étoient plus inftruits que nous de ce qui concerne les Égyptiens : & le parti qu'on peut tirer du Cophte, tout corrompu qu'il eft, autorife cette opinion; d'ailleurs, les caractères Phéniciens, ceux des anciens Grecs, ceux même des Arabes, & par conféquent des Syriens, enfin toutes les écritures des trois parties du monde anciennement connu, dérivent en général de celle des Égyptiens: cette propofition peut paroître trop étendue; mais on conviendra du moins que l'écriture eft la plus importante recherche à l'égard de l'Égypte, & qu'on ne peut percer l'obfcurité dont fon écriture eft voilée, que par la représentation multipliée des caractères.

Cette Planche étant la première que j'aye uniques ment confacrée aux hiéroglyphes, fera remplie par les plus anciens de ceux que je poffede, & tels qu'on en Vol. I. Plan. II. voit de répandus dans les Volumes de ce Recueil qui n°. II. & Plan.IX. précèdent celui-ci.

n°. III.

Vol. II. Plan. IX. n°. IV. & V.

Vol. III. Plan. III. n°. III.

N. I.

La gravure de cet ancien hiéroglyphe eft exécutée fur la bâfe d'un fcarabée de turquoife, dont le tems a un peu altéré la couleur ; elle tire aujourd'hui sur le verd. Ce petit monument repréfente un Cheval & un Crocodile, placés dans le champ de la pierre au-deffus l'un de l'autre, & regardant du même côté. Le premier de ces animaux ne peut être plus mal deffiné. Il n'eft pas étonnant que le fecond foit un peu mieux rendu; on voyoit en Égypte plus de Crocodiles que de Chevaux.

L'intelligence de ces caractères, quand on a voulu exprimer une idée compofée, étoit abfolument dépendante d'une allégorie qui exigeoit néceffairement des conventions. L'inscription de Saïs rapportée ci-dessus, non-feulement en eft une preuve; mais elle fait voir combien l'interprétation étoit problématique, même pour les habitans du pays. La représentation qu'on voit fur le scarabée de ce numero, jointe au travail fouillé de fa gravure, me perfuade que cet hiéroglyphe & ceux qui font compofés de plus d'une figure, font ordinairement moins anciens que les plus fimples. Telle feroit la figure d'un arc qu'on pourroit regarder, felon le témoignage de la Genèfe, comme un caractère qui fignifioit alliance, traité, &c.

No. II.

M. de Guignes a trouvé, en cherchant les rapports de la Chine avec l'Égypte, un caractère absolument figuré comme une coëffure Egyptienne, & qui fignifie

puiffance

puissance dans le Dictionnaire Chinois. La reffemblance de cet hieroglyphe avec la gravure de ce scarabée m'a d'autant plus frappé, que j'ai trouvé ce caractère répété plufieurs fois fur les monumens Egyptiens; j'en ai mê

me rapporté un dans le Volume fecond, & un autre Planc. IX. n°.IV. dans le troisième: l'un & l'autre font furmontés d'un Plan. IV. no. V. croissant; d'ailleurs ils préfentent très-peu de différences. Celle de leur matière eft la principale, & fuffit pour prouver la répétition de ce caractère: elle ne m'excuse cependant pas de l'avoir rapportée, pour ainsi dire, une feconde fois; mais la quantité des morceaux qui compofent chacun de ces Recueils, ainfi que les années d'intervalle qui fe trouvent entre deux Volumes, méritent une forte d'indulgence.

Je n'ai eu d'autre objet, en rapportant cette coëffure dans les Volumes précédens, que celle de la curiofité ou pour mieux dire, de la fingularité dont j'avois été frappé. M. de Guignes m'engage à regarder ces Antiquités d'un autre œil, & les mots de puissance, d'autorité, de primauté, &c. étant en quelque façon fynonymes, les amulettes de l'Égypte de ce n°. me paroiffent des marques de grades fupérieurs; la coëffure gravée fur cette cornaline n'eft point accompagnée du croiffant, & elle eft par conféquent différente de celles que j'ai déja rapportées.

No. III.

La représentation d'une autre coëffure gravée fur la bâfe de ce scarabée de cornaline, confirme l'usage fréquent de ce caractère, & prouve par les petites différences qu'on y peut remarquer, que toute efpèce de coëffure étoit bonne pour fignifier & exprimer le mot de cet hiéroglyphe.

N. IV.

Cet autre scarabée formé par un jafpe gris dont l'espèce

Tome IV.

F

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