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mée de D. Pedre: Olivier de Mauny en fit autant avec fon corps de réferve, au lieu de s'amufer à la pourfuite des Grenadins qu'il venoit de défaire: alors tout plia le parti de D. Pedre ne rendit plus de réfiftance: tout céda à la fortune de D Henri.

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Fernand de Caftro, toujours fidélement attaché à D. Pedre, voyant que non-feulement la bataille étoit perdue, mais que la vie de fon Roi étoit dans le plus grand danger, lui confeilla de fe retirer, en attendant une occafion plus avantageufe. D. Pedre fuivit fon confeil, fe retira de la mêlée, & fuit à toutes brides avec quatre cens chevaux pour efcorte. Le Begue de Villaines fut le premier qui s'apperçut de fa fuite: il le fuivit avec tant de vîteffe & de vivacité, qu'il le contraignit de fe jetter dans le Château de Montiel, ne pouvant aller plus loin fans rifquer de tomber dans les mains de fes ennemis. Le Begue le pourfuivant toujours, arrive jufqu'à la porte du Château, & la trouvant fermée, il pofte fon fils au devant, avec quatre cents chevaux; & lui-même, avec toute fa cavalerie, inveftit la place de tous côtés.

Quand les Efpagnols du parti de ce

malheureux Roi virent qu'il les abandonnoit la déroute devint générale parmi eux : chacun fe fauva par où il put, & on les pourfuivit jufqu'à quatre lieues du champ de bataille; mais ils s'échapperent, à la faveur de la nuit & des bois.

Cette bataille, qui décida abfolument le fort des deux Rois de Caftille, & qui eft connue dans l'Hiftoire fous le nom de bataille de Montiel, fut donnée le treizieme jour d'Août mil trois cent foixante-neuf 11 y mourut, du parti de D. Pedre, plus de cinquante mille hommes les drapeaux, les bagages, les munitions & le champ de bataille demeurerent au vainqueur avec un nombre confidérable de trèsbeaux chevaux. Il n'y refta de la part de D. Henri que deux mille hommes: il n'y eut quartier ni pour les Maures, ni pour les Juifs; mais les Chrétiens Efpagnols qui furent faits prifonniers, furent mis à rançon.

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Toute cette grande opération fut l'ouvrage de du Guefclin. Il en avoit conçu l'entreprise, en avoit dirigé le projet, arrangé les difpofitions & les marches; & on en dut le fuccès à fa prudence, à fon activité & à fa valeur. Il n'y fut

pas fait la moindre faute contre les principes; & peut-être n'y a-t-il pas d'exemple, dans l'Hiftoire, d'une action fi confidérable où il n'aît été rien reproché. Il n'en fut pas de même du côté de D. Pedre, dont l'armée étoit trois fois plus nombreuse que celle de fon ennemi. Il fit une faute énorme, qui fuc une des principales caufes de fa défaite; ce fut d'avoir partagé fon armée en trois corps feulement, ce qui formoit trois lourdes machines difficiles à remuer, & embarraffées dans leurs évolutions: au lieu que du Guefclin d'une armée de vingt mille hommes avoit formé cinq corps, qui fe tournoient & agiffoient avec légéreté, au gré des commandemens, & qui, chargeant fans ceffe par divers endroits cette multirude pefante, fembloient être. par tout à la fois, & en plus grand nombre qu'ils n'étoient effectivement.

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Le Château de Montiel, où D. Pedre s'étoit refugié, étoit bâti fur un roc vif affez près du Tage, à fix lieues au-deffous de Tolede (1. Ce roc s'é

(1) Il ne faut pas confondre ce Château de Montiel, près Tolede, avec un autre du même nom, qui en eft éloigné de fept journées, vers le Royaume de Murcie.

leve dans une plaine très - découverte ; la fituation en eft fort avantageufe, & l'art y a ajouté tout ce qui peut le rendre inacceffible, & le Château imprenable. La main d'homme y avoit taillé un chemin étroit & roide, traversé de place en place par des angles qui faifoient que l'on ne voyoit pas, en y montant, plus de vingt pieds devant foi, & que du haut de ces redans on voyoit tout ce qui montoit. Cette habitation forte & fauvage appartenoit à un vénérable vieillard, homme de grande qualité, à qui l'âge & les infirmités qui en font inféparables, avoient fait choisir cet afyle entre le ciel & la terre, pour y achever fes jours dans la pratique de fa religion, & dans l'étude de la faine philofophie. Là il repaffoit les foibleffes humaines que peut-être avoit il autrefois éprouvées comme les autres ; ilméditoit fur la frivolité des chofes paffageres, fe détrompoit par fes réflexions de tout ce qui l'avoit attaché à la terre; & il éprouvoit que la fageffe eft utile à tous les âges, & une grande reffource dans la caducité.

Lorfque D. Henri vint faire le fiege de Tolede, ce refpectable Seigneur lui écrivit pour le fupplier de lui conferver

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le repos dont il jouiffoit, qui étoit le feul bien folide qu'il fe fût réfervé, & il affura ce Prince qu'il ne feroit rien contre fes intérêts. Le Roi lui accorda de bonne grace ce qu'il fouhaitoit, & ordonna que le féjour de ce vieux Gentilhomme, ainfi que tout ce qui en dépendoit, fût confervé; & tous les Capitaines de l'armée fe firent un devoir d'y veiller. D. Pedre lui-même, tout incapable qu'il étoit de bien faire, avoit toute la confidération poffible pour ce bon homme tant il eft vrai que la vertu a de la force contre le vice même. Quand il arriva avec fa grande arpour faire lever le fiege de Tolede, il n'attendit pas que ce Gentilhomme lui demandât une fauve-garde : il le prévint, & lui envoya un des fiens lui dire que, comme il avoit avec lui grand nombre d'Afriquains qui font tous voleurs de profeffion, il jugeoit à propos, pour que lui & fes biens fussent refpectés d'eux, de fe loger chez lui avec dix ou douze perfonnes feulement, & qu'il profiteroit avec plaifir de l'occafion de le voir. Le Gentilhomme qui connoiffoit D. Pedre pour ce qu'il étoit, fe feroit volontiers difpenfé de recevoir cette visite; mais il n'y

mée

pour

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