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décider le foulevement que l'affection qu'on a pour vous a excité en votre abfence je vous y fuivrai de près, malgré tous les empêchemens humains; Dieu feul pourra s'y oppofer ».

Pendant qu'ils étoient à difccurir, il penfa leur arriver un terrible malheur: le Géolier fe défia que ces trois Pélerins, qui avoient montré tant d'empreffement à voir du Guefclin, & qui tenoient avec lui une converfation fi vive, ne fuffent des gens de qualité déguifés, ou des efpions. Il en parla à fa femme, & lui dit, que la fortune leur préfentoit une belle occafion, & qu'il en falloit profiter, en avertiffant le Prince de Galles de ce qui fe paffoit, & que fi la chofe fe trouvoit vraie, ils auroient infailliblement une récompenfe proportionnée à un li grand fervice. La femme plus généreufe que fon mari, lui remontra qu'il établiffoit-là fa fortune fur un fondement qui n'étoit ni certain, ni vraisemblable: que fi ces Pélerins n'étoient en effet que ce qu'ils paroiffoient, ce feroit pour lui & pour elle une honte éternelle d'avoir tenté une pareille trahifon, & que tout ce qui leur en reviendroit feroit d'être généralement méprifés que d'ailleurs

rien ne preffoit puifqu'ils ne fortirbient qu'après leur dîner; que cependant pour ne négliger ni leur fortune, ni le fervice du Prince, il falloit examiner de près quelles gens ce pouvoit être, & qu'e 'elle verroit bien à leur mine & à leur contenance, ce qu'ils en devoient penfer. Le mari approuva le projet, & elle feignit d'aller les confidérer, mais en entrant dans la chambre où du Guefclin étoit avec ses quatre convives, elle leur raconta ce qui venoit de fe paffer entr'elle & fon mari, ce qui jetta du .Guefclin & les autres dans une terrible confternation, de crainte que cet homme n'allât les trahir par l'efpoir d'une récompenfe. Mais elle les rafura en difant qu'elle s'étoit emparée des clefs, & elle les lui remit.

Cependant le dîner fut fervi, & du Guefclin, , pour avoir toujours les yeux fur ce dangereux homme, le fit refter à diner, lui & fa femme avec la compagnie, & le repas fut auffi gai qu'il pouvoir l'être. Sur la fin le mari quitte la table peut-être à mauvais deffein, cherche les clefs des portes pour fortir, & ne les trouvant point, il appelle fa femme qui femt de ne favoir pas où elle les avoit mifes ce qui le fit en

trer en mauvaise humeur : du Guefclin entendant leur conteftation, fort de la chambre avec un gros bâton à la main & fous prétexte de la brutalité du Géolier envers fa femme, il lui en donne tant de coups, qu'il ne pouvoit plus fe remuer. Enfuite il va prendre les clefs, & fait fortir les trois Pélerins, qui bien contens d'en avoir été quittes pour la peur, partirent bien vite de Bordeaux. D. Henri pour reconnoître le bon fervice du Gentilhomme, lui donna de quoi payer fa rançon, se mettre en équipage & l'aller rejoindre.

Cependant il y avoit déja long-temps que Bertrand étoit prifonnier, & qu'on ne parloit point de le mettre à rançon, & en liberté. Le Confeil d'Angleterre s'y oppofoit ouvertement, parce qu'on le regardoit comme capable lui feul de déranger les projets des Anglois; on en penfoit autant à Bordeaux, & on craignoit que la fortie de ce grand Capitaine ne donnât un nouveau branle aux affaires; ainfi d'une part & de l'autre, il étoit déterminé qu'on le garde

roit.

Une aventure finguliere en ordonna autrement. Le Prince de Galles étant un jour en conversation avec un nom

bre de Seigneurs de fa Cour, le Sire d'Albret lui demanda s'il pourroit fans le fâcher l'inftruire d'un bruit qui couroit, & auquel des ennemis ou gens mal intentionnés pourroient donner quelqu'interprétation au préjudice de fa gloire: » Non-feulement, dit le Prince en l'embraffant, vous le pouvez, mais vous m'obligerez, & je recevrai cer avis comme une marque de votre attachement pour moi ». D'Albret railuré par ce difcours, & connoiffant le Prince capable de prendre en bonne part un pareil avertissement, lui dit : « On pense dans le monde, Monfeigneur, que ce qui vous empêche de donner à Bertrand fa liberté, comme vous l'avez donnée aux autres prifonniers, c'eft que la va leur vous donne de la jaloufie, & même que vous le craignez. Que je le crains, moi, reprit le Prince avec émotion! ah! je ne crains perfonne, on ne me rend pas juftice de m'attribuer de tels fentimens! je vous fuis cependant obligé & vous remercie de ce que vous venez de m'apprendre ». Enfuite après avoir un peu rêvé; pour montrer, dit-il, que l'on fe trompe, & que je ne crains point du Guefclin, tour brave qu'il eft, je vais le mettre en liberté

trer en mauvaise humeur : du Guefclin entendant leur conteftation, fort de la chambre avec un gros bâton à la main & fous prétexte de la brutalité du Géolier envers fa femme, il lui en donne tant de coups, qu'il ne pouvoit plus fe remuer. Enfuite il va prendre les clefs, & fait fortir les trois Pélerins, qui bien contens d'en avoir été quittes pour la peur, partirent bien vîte de Bordeaux. D. Henri pour reconnoître le bon fervice du Gentilhomme, lui donna de quoi payer fa rançon, fe mettre en équipage & l'aller rejoindre.

Cependant il y avoit déja long-temps que Bertrand étoit prifonnier, & qu'on ne parloit point de le mettre à rançon, & en liberté. Le Confeil d'Angleterre s'y oppofoit ouvertement, parce qu'on le regardoit comme capable lui feul de déranger les projets des Anglois; on en penfoit autant à Bordeaux, & on craignoit que la fortie de ce grand Capitaine ne donnât un nouveau branle aux affaires; ainfi d'une part & de l'autre, il étoit déterminé qu'on le garderoit.

Une aventure finguliere en ordonna autrement. Le Prince de Galles étant un jour en converfation avec un nom

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