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avoir effayé un nombre infini de remedes pour diffoudre fa pierre ; ces remedes lui avoient été ordonnez par un certain Afficheur, qui dans ce tems-là s'étoit prefenté à la Faculté de Paris pour pren dre le bonnet de Docteur. Je ne dirai pas les raifons qu'on a euës de le refufer; mais j'ai lû & relû la plus grande partie de fes ordonnances écrites de fa propre main, elles n'eurent point d'autre fuccès que de détourner le malade du bon chemin qu'il devoit prendre, & de le précipter dans le tombeau.. Il avoit été fondé, & d'habiles Medecins & Chirurgiens avoient fait de leur mieux pour réparer les mauvais effets des diffolvans de ce Charlatan, afin que le malade pût fortir de fon mauvais état par l'operation; mais les impref fions étoient faites, il périt après avoir fouffert près de fix mois,

beaucoup plus de l'inflammation qui s'étoit répanduë fur tout le corps, que du calcul qu'il portoit depuis trois ans.

Monfieur Corneille, Ordinaire chez le Roy, s'étant affuré qu'il avoit la pierre, étoit en résolution de fe mettre entre mes mains, pour que je lui fiffe l'operation: cela fe devoit faire inceffamment; mais un de fes amis par un bon motif le fit changer de fentiment, il lui propofa un de ces fondeurs de pierre, qui l'affura d'une guérifon indubitable.

Que ne fait-on point quand on eft livré à la douleur & à l'apprehenfion de fe voir entre les mains des Operateurs? La premiere prife du remede qui lui fut donnée lui caufa une fiévre ardente, la tête étoit embarraffée, & dès le lendemain il lui furvint une inflammation de veffie, avec une

fuppreffion totale d'urines; je fus obligé de le fonder l'efpace de quinze jours de cinq heures en cinq heures pour faire couler l'urine; enfin il mourut dans des tourmens incroyables: funeftes effets de la pierre & du fondant. qu'on lui avoit donné. Malgré tant d'exemples, il n'y a point d'année qu'il ne fe prefente quelqu'un qui dit avoir des fecrets pour fondre la pierre; on n'y ap-pelle point le Chirurgien ; on craint les yeux éclairez; on promet des merveilles, mais on ne voit jamais de fuccès avéré.

Des Pierres adherentes à la
veffie.

L

E fer eft affez redoutable

pour qu'on cherche à fe dé

rober aux douleurs de l'operation.

dans la crainte des tourmens qui l'accompagnent; on a recours aux breuvages & aux poudres, comme nous avons dit ; c'eft la trifte mais inutile ressource qui tente les malades avant qu'ils s'expofent à l'operation.

Cependant combien voyens nous de malades qui ne feroient ébranlez ni par l'appareil, ni par les douleurs de l'operation, & qui n'ofent pas la tenter; ils s'en éloignent, parce qu'on leur perfuade que leurs pierres font attachées à la veffie, que cette adherence rendroit l'operation funefte.

Si cette adherence étoit vraye, je ne propoferois pas l'operation avec tant d'affurance, je tremblerois autant que les malades qui font perfuadez que la pierre tient à leur veffie; mais comme j'ai toujours pris grand foin de m'inftruire dans la longue pratique de

tout ce qui pouvoit s'opposer à mes operations, j'ai examiné avec foin à l'Hôtel-Dieu de Paris des fujets foupçonnez d'avoir des pierres adherentes; ces pierres qui donnent lieu aux foupçons, font pour l'ordinaire noires, touffeufes, murales, couvertes de chairs & de membranes, plus familierès aux enfans qu'aux grandes perfonnes; mon incifion faite, je paffois un doigt dans la capacité de la veffie de l'enfant; mais loin de toucher un corps étranger arrêté, c'étoit une pierre qui vacilloit de tous côtez,& que je perdóis & retrouvois à tout moment.

Il femble qu'en voilà fuffifamment pour conclure qu'il n'y eut jamais de pierres adherentes à la veffie; de plus, tous les jours nous faifons des operations fur des fujets femblables à ceux dont je

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