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leurs alliés & de leurs voifins, fur MNEMON. tout depuis qu'ils fe regardoient comme les maîtres de la Gréce, avoient ́généralement indifpofé les efprits, & excité contre eux une jaloufie qui n'attendoit qu'une occafion pour éclater. Cette dureté de gouvernement avoit une caufe naturelle dans leur éducation. Accoutumés dès l'enfance à obéir fans délai & fans réplique, premiérement aux maîtres, enfuite aux magiftrats, ils exigeoient une pareille obéiffance des villes qui dépendoient d'eux, s'irritoient ailément des moindres réfiftances, & par cette exactitude & cette févérité outrée fe rendoient infupportables.

Tithraufte n'eut donc pas de peine à détacher les alliés de leur parti. Thebes, Argos, Corinthe entrérent dans fes vûes : le Député ne fe préfenta point à Athénes. Ces trois villes, animées par ceux qui les gouvernoient, font ligue contre Lacédémone, qui de fon côté fe prépare fortement à la guerre. Ceux de Thébes en même tems députent vers les Athéniens, pour implorer leur fecours, & les faire entrer dans la Figue. Les Députés, après avoir paffé

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ARTAXIR-légérement fur leurs anciennes divifions, infiftent avec force fur les fervices confidérables qu'ils ont rendus à Athénes, en refufant de fe joindre à fes ennemis dans le tems qu'ils vouloient la ruiner de fond en comble. Ils leur repréfentent l'occafion favorable qu'ils ont de fe rétablir dans leur ancien pouvoir, & d'enlever aux Lacédémoniens l'empire de la Gréce. Que tous les alliés de Sparte, foit audedans foit au-dehors de la Gréce ennuiés de leur dure & injufte domination, n'attendoient qu'un fignal pour fe révolter. Qu'au moment que les Athéniens fe feroient déclarés toutes les villes fe réveilleroient au bruit de leurs armes ; & que le Roi de Perfe, qui avoit juré la ruine de Sparte, les aideroit de toutes fes forces, tant par terre que par mer.

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Thrafybule, à qui les Thébains avoient fourni des armes & de l'argent lorfqu'il entreprit de rétablir la liberté à Athénes, appuia fortement leur demande, & le fecours fut accordé d'une commune voix. Les Lacédémoniens, de leur côté, fe mirent en campagne fans perdre de tems, & entrérent dans la Phocide. Lyfandre

écrivit à Paufanias, qui commandoit MNEMON l'une des deux armées, pour l'avertir de fe rendre le lendemain de bonne heure devant Haliarte qu'il vouloit affiéger, & que pour lui il s'y rendroit au point du jour. La lettre fut interceptée. Lyfandre l'aiant attendu fort lontems, fut obligé de donner le combat, & il y fut tué. Paufanias apprit cette trifte nouvelle en chemin. Il ne laiffa pas de continuer fa marche vers Haliarte. On délibéra fi l'on donneroit un nouveau combat. Il ne crut pas qu'il fût de la prudence de le hazarder, & fe contenta de faire une tréve pour enlever les corps de ceux qui étoient reftés fur la place. A fon retour à Sparte, il fut cité pour rendre compte de fa conduite : & fur ce qu'il refufa de comparoitre, il fut condanné à mort. Mais il fe déroba au fupplice par la fuite, & fe retira à Tégée, où il paffa le refte de fes jours fous la fauve-garde & la protection de Minerve, dont il s'étoit rendu le fuppliant; & il y mourut de maladie.

La pauvreté de Lysandre aiant été reconnue après la mort, fit beaucoup d'honneur à fa mémoire, quand on

ARTAXER- Vit que de tant d'or & d'argent qui XE lui avoit paffé par les mains, d'une puiffance fi grande qu'il avoit eue de tant de villes qui lui avoient été foumifes & qui lui avoient fait la cour, en un mot de cette efpéce de roiauté & de fouveraineté qu'il avoit toujours exercée, il n'en avoit profité pour avancer & pour enrichir

en rien
fa maifon.

Quelques jours avant fa mort, deux des principaux citoiens de Sparte avoient fiancé fes deux filles : mais quand ils furent l'état où Lyfandre avoit laiffé fes affaires, ils refuférent de les époufer, La République ne laiffa point impunie une telle baffeffe d'ame, & ne put fouffrir que la pauvreté de Lyfandre, qui étoit la plus grande preuve de fa justice & de fa vertu, fût regardée comme un obftacle qui dût empêcher de s'allier dans fa famille. Ils furent condannés à une amende, couverts de honte, & exposés au mépris de tous les gens de bien. Car à Sparte il y avoit des peines établies, non feulement contre ceux qui refufoient de se marier, ou qui fe marioient trop tard, mais auffi contre ceux qui fe marioient mal. Et

l'on rangeoit dans ce nombre ceux fur MNEMON. tout qui, au lieu de s'allier dans des maifons de vertu & de leur parenté, ne cherchoient que les maifons des riches. Loi admirable, qui ferviroit à perpétuer dans les familles la probité & l'honneur, qu'un fang impur vient bientôt à bout d'y altérer !

Il faut avouer qu'un généreux défintéreffement, au milieu de tout ce qui peut irriter la cupidité, eft bien rare, & bien digne d'admiration: mais il étoit accompagné dans Lysandre de grands défauts qui en terniffoient tour l'éclat. Sans parler de l'imprudence qu'il eut de faire entrer dans Sparte For & l'argent qu'il méprifoit luimême, mais qu'il rendit eftimable à fes citoiens, ce qui caufa leur perte: quel cas peut-on faire d'un homme brave à la vérité, propre à manier les efprits, intelligent dans les affaires, & habile dans l'art de gouverner & dans ce qu'on appelle politique mais qui ne compte pour rien la bité & la juftice; à qui le menfonge, la fourbe, la perfidie paroiffent des moiens légitimes pour parvenir à fes fins; qui ne craint point, pour avancer fes amis & fe faire des créatures,

pro

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