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le roi était informé que les ennemis devaient atta quer, on cacha derrière une petite eminence, le plus fecrettement poffible, quelques pièces de campagne destinées à foudroyer le paffage. Ce qui peut encore prouver que Frédéric connaislait tout le plan d'attaque des Autrichiens, c'est qu'il avait fait rabattre tous les poftes avancés vers les défilés, afin d'affermir l'ennemi dans l'efpoir de nous furprendre tout défarmés au fein du fommeil, & de nous envelopper fans réfiftance. Les pauvres Autrichiens, vendus par leurs efpions, tombaient donc, fans pouvoir en échapper, dans les pièges que nous leur avions préparés.

A peine le jour commença-t-il à paraître que le feu de l'artillerie ennemie éclata horriblement de toutes les hauteurs, & canona notre camp où nous n'étions déja plus. La cavalerie accourut à toutes brides par le défilé, pour venir fondre fur nous. C'était-là que le roi les attendait. En moins de dix minutes nous arrivâmes tête baiffée contre l'ennemi avec notre petit efcadron. Nous n'avions alors dans l'armée que cinq régimens de cavalerie en tout. Les Autrichiens qui s'étaient formés en ligne devant le défilé avec leur lenteur ordinaire,

fiers comme des efpagnols, ne s'étaient, at

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rendus à aucune réfiftance, bien moins encore à une attaque fi foudaine : au premier choc nous les jettâmes pêle-mêle dans le défilé. Le roi alla auffitôt en perfonne faire démafquer les huit pièces de campagne, qui firent un carnage affreux de cette foule de miférables entaffés avec l'impuiffance de reculer. Il ne nous fallut pas tout-à-fait une demi-heure pour anéantir tout le plan des ennemis & pour remporter une victoire complette.

Nadafti & Trenck, qui avaient l'ordre de venir nous prendre en dos avec leurs troupes légères, s'amufaient à piller notre camp, & pendant qu'ils ne pouvaient arracher les Croates au bonheur de rapiner, nous occupions nous à battre l'ennemi. Le trait fuivant eft fait pour être remarqué.

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Le général Rotenbourg vint avertir le roi que les Pandoures & les Croates pillaient le camp que nous avions abandonné. » Tant mieux, répondit-il d'un grand froid; puifqu'ils ont de l'occupation ils ne nous empêcheront pas de finir ici notre affaire principale. » Nous fumes ainfi pleinement victorieux, & fi nous perdîmes notre bagage,

F'ennemi perdit en revanche & la vie & l'honneur. Tout le quartier-général fut pris & pillé. Trenck eur pour fa part la tente, le lit du roi avec fa vaiffelle d'argent mais on a débité que le lit était encore chaud quand on entra dans le camp, & le fait eft faux. Cette nuit, le roi, n'avait pas dormi une minute, je puis le certifier, puisque j'en ai été le témoin oculaire. J'ai rapporté cette anecdote, , parce qu'en l'année 1746, ce Trenck, mon parent, fut perfécuté à Vienne par des ennemis puiffans & implacables, & fe trouva engagé dans une affaire foi difant criminelle. On l'accnfait d'avoir, furpris. Frédéric dans fon lit à la bataille de Sorau, & de l'avoir relâché après s'être laillé corrompre.

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Voici encore une atrocité plus forte & plus ridicule qu'imaginèrent les vils perfécuteurs de Trenck. Une fille proftituée fe donna pour la fille du Feld-maréchal comte de Schwérin. On la confronta avec mon coufin dans cette affaire, où on la préfentait comme témoin. Elle déclara que cette nuit même, elle était couchée avec le roi, lorfque Trenck entra dans fa tente; qu'il les fit d'abord tous deux prifonniers, & qu'il leur rendit enfuite la liberté.

Quant à la première imputation je puis parler affirmativement de la vigilance du roi, Il ne pouvait pas être furpris, puifque d'avance il favait les projets de l'ennemi. Depuis minuit jufqu'à trois heures, j'ai galoppé à fa fuite dans tout le camp, pendant qu'il difpofait tout pour attaquer: le prince Charles. A cing heures du matin, nous érions déja à l'attaque & même au fort du combat.t Il a donc éré impoffible que Trenck trouvâr le roi dans fon lit. La bataille était déja décidée, lorfqu'il pénétra dans notre camp avec fes Pandoures & pilla nos équipages.

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Quant au fecond fait, imaginé & produit par l'honnête demoiselle Schwérin ; c'eft un conte fait polises enfans &pour des nourrices. Une pareille avansur me peut trouver de foi qu'à Lisbonne, & d'eftà Vienne feulement qu'on pouvait en faire un titre férieux contre lun honnête homme. Mais touren cette avantule mérite d'être connue féparément. J'en ajouteraià cet ouvrage un récit particulier. On ne lira point fans intérêt quel fut le fort effrayants de ces même Trenck, & l'histoire de l'infamesproces qu'on eut l'injustice de lui faire. Ellega tant d'analogie avec la inienne, que tout femble m'autorifera la répandre. Ja le ferai avec

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d'autant plus de foin qu'il exifte encore à Vienne; des efprits faibles & crédules, qui font perfuadés que Trenck a pris & relâché le roi de Pruffe. Mais, graces au ciel, jusqu'à ce jour il n'y a point eu de lâche ou de traître parmi les Trenck. Je fournirai des preuves de ce dont j'ai depuis longtems las conviction; que mon coufin fervait fa fouveraine avec la même fidélité que je fervais mon roi. L'illuftre Marie-Thérèse fut trompée dans cette affaire. Elle m'a dit après que Trenck eut fini fa malheureuse carrière: » Votre coufin » a fait une mort plus belle que celle qui attend » fes accufateurs & fes juges. »

C

Me voici enfin arrivé à la première fcène de ma tragédie. Quelques jours après la bataille de Sorau, le courrier ordinaire de la pofte entra dans ma tente & me remitsune lettre : elle était de mon coufin Trenck, chef des Pandoures. Elle était datée d'Essek, & écrite depuis quatre mois. Tel était en fubftance fon contenu.

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» Par votre lettre timbrées de Berlin & datée » du 12 février, je vois que vous defireriez que » je vous procuraffe des chevaux hongrois, pour » les dreffer & les exercer contre mes huffards &

mes

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