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porte tous mes droits. Je les leur donne comme le Pape accorde les évêchés, in partibus infidelium, à Jéricho, à Jérufalem & à Pékin.

Saint Paul dit que la foi n'eft pas le partage de tout le monde. Je leur en fouhaite beaucoup; mais je doute qu'ils obtiennent jamais plus en réalité que les titulaires de ces évêchés imaginaires.

Au refte, mes avantures font fi extraordinaires, elles tiennent de fi près au merveilleux, qu'elles exigent de moi la décla ration fuivante.

Si jamais quelqu'un de mes lecteurs peut me prouver que je lui en aie impofé, je veux que mes contemporains & la poftérité Aétriffent ma mémoire du nom de calomniateur infenfé; que le préjugé qui s'attache à la lignée des criminels, rejailliffe de moi fur mes enfans, fur ces objets

fi

fi chers à mon cœur ; je veux enfin que le la fociété Trenck au

que

bourreau venge rait abufée, en féparant de fon corps la main qui traça ces lignes.

C'eft fans craindre d'avoir à rougir que j'ose me préfenter devant le tribunal de Dieu, des Rois, de mes contemporains éclairés, & leur dire : « Jugez-moi felon

» mes œuvres ».

Celui qui voudra approfondir mes principes, qui fentira qu'il y a quelque nobleffe à ne point vouloir exifter comme un vil complaisant, qui connaîtra enfin ce qui constitue effentiellement l'honnête homme, le trouvera certainement dans ce livre, affez hardi pour être toujours blâmé par les êtres pufillanimes, par les fanatiques, & par les infectes malfaifans qui voltigent dans l'atmosphère des cours.

Je ne cherche point à cacher mes fau

b

tes. J'étais homme: pourquoi rougirais je de n'avoir pas été ange? J'ai été vrai par-tout où j'ai eu l'occasion de parler de mes faibleffes:

Dans mes Poéfies publiées en Allemagne, on trouve le paffage fuivant.

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«Je fuis exempt de crimes; mais ma jeuneffe ne l'a pas été d'erreurs. Si un » esclave qui brise ses fers eft coupable » d'un forfait, nul mortel au monde n'est

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plus criminel que moi. Je n'ai d'ailleurs ❞ aucun reproche à me faire ».

Oui, SIRE, mon honneur eft vraiment irréprochable. Les témoins dont j'attends le fuffrage exiftent encore, & j'ai la confolation de voir que ma patrie entière élève la voix en ma faveur.

Dans tous les coins de la terre où j'ai cherché un asyle, VOTRE MAJESTÉ m'a

poursuivi; elle a voulu prouver par mon exemple combien eft étendu le pouvoir des Rois. De mon côté j'aurais pu faire connaître ce que peut un homme de mon caractère, quand il a échappé au pouvoir qui cherchait à l'écrafer: je ne l'ai pas fait; je n'ai pas voulu le faire.

Il y a déja long-tems que mon pays me croyait au nombre des morts. Ma pierre fépulcrale fur laquelle eft gravé mon nom, qui, pendant dix années entières, m'a vu braver la mort auprès d'elle, repofe fans moi dans le cachot que j'ai habité à Magdebourg. Cependant un autre climat rend justice actuellement à votre prisonnier, & mon cadavre n'infectera point la patrie que j'aime, mais pour laquelle je fuis déjà mort. Je ne ferai ni Eroftrate, ni votre Bélifaire. Ma vie & ma mort font à moi. Je ne facrifierai plus rien à la gloire d'aucun fouverain de l'univers.

J'étais très-malade depuis quelque tems. Mon médecin me menaçait de la mort, quand les papiers publics ont annoncé la vôtre.

En toute hâte j'ai écrit cette Dédicace pour procurer à cette hiftoire de ma vie un protecteur dans l'autre monde, moi qui n'en ai pas trouvé fur cette terre que j'habite encore, & qui eft, dit-on, le meilleur des mondes poffibles. J'ai preflé l'impreffion de mon livre, & lorsque le hafard fermait pour moi les portes du trépas, mon ouvrage était déja publié. Je vis, VOTRE MAJESTÉ n'eft plus, & j'irai vifiter le tombeau de celui qui m'avait

enterré.

Ma juftification, SIRE, ne peut donc plus parvenir à vous! Peut-être l'auriezvous permife; peut-être auriez-vous défigné le tribunal où j'aurais pu demander justice; peut-être l'honneur & la vérité

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