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retranchés dans les bornes d'une défenfe légitime, auraient parlé à votre cœur, au moment où vous ceffiez d'être Roi. Pour ma gloire & pour la vôtre, il eut encore été tems d'être jufte. Alors, dans le féjour des morts, vous n'auriez pas eu de raifons pour éviter l'ombre du malheureux Trenck; mais la mienne vous cherchera pour effayer encore de vous prouver que j'ai toujours été

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J'AI peu de chofes à dire dans cet Avant

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Propos, Mon livre parle avec ingénuité;, il peut fe paffer de Prologue. Ce n'eft point ici un Roman dont les fituations font combinées; c'est une fuite de faits exacts, vérifiés, atteftés par mille témoins oculaires c'est une narration naïve, où je parle avec courage devant les hommes juftes & éclairés, comme auteur & comme acteur principal. Mes actions, mes malheurs, ma constance & ma fermeté, tout y eft mis dans un jour, qui ne faurait être celui du menfonge. J'étais homme, & je doute que Socrate, ce Sage fi fameux, eut confervé fon caractère dans une complication de maux auffi étranges que ceux dont il m'a fallu gémir pendant 40 années; je doute qu'il cut encore été ce qu'eft le vigoureux Trenck à 63 ans. La vanité ne conduit point ma plume; je ne veux pas exciter

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l'admiration; je veux éclairer par mon exemple. Je defire préfenter les divers événemens de ma vie, de manière à éveiller la fenfibilité de mes lecteurs. Je voudrais ne point offenfer mes ennemis, je ne voudrais qu'adoucir leur haine, ou les convaincre de leur injustice. Si mon récit les fait rougir, je fouhaite que ce ne foit point en public, & qu'ils puiffent renoncer à l'horrible plaifir de perfécuter la vertu. Loin de moi toute baffe vengeance! J'écris fur le bord de la tombe, & la fombre Hypocrifie ne flécrira point mes derniers jours. Je peins mes fentimens tels qu'ils font dans mon cœur, tels que mes actions les ont prouvés. Je veux fervir de modèle aux malheureux, inftruire mes concitoyens, perfuader aux fouverains qu'ils ne font pas infaillibles, aimer la vertu tant que je vivrai, & mourir comme j'aurai vécu.

Quelques événemens, fource première de mes longs chagrins, refteront enfevelis

jufqu'à ma mort dans la nuit du filence. Dans l'abîme des maux où je me fuis vu plongé, j'ai trouvé des confolateurs ; je ne veux pas que mon indifcrétion les afflige. Je dois encore refpecter les deux cours où l'on m'a vu jouer un rôle, & où mes enfans font établis.

Dieu me préserve enfin de jamais trahir mes bienfaiteurs pour le vain defir de parler avec des preuves plus énergiques! Qu'il me garde d'infulter à la cendre de la noble & refpectable amie qui a caufé ma première chûte, & qui m'a entraîné dans un la byrinthe d'événemens jufqu'alors inquis.

Citoyens de Berlin! vous qui foulagicz mes fouffrances par les confolations de l'amitié, recevez ici les témoignages de la plus tendre, de la plus vive reconnaiffance. Que ne m'eft-il permis de montrer du doigt celui, celle qui a confervé mes

jours, qui m'a conduit jufqu'au moment où j'ai pu triompher.

Quand le lecteur trouvera ma narration contrainte, qu'il fupplée par la vraisemblance, la vérité que je n'aurai pas voulu dire. Que l'on me reproche, fi l'on veut, de n'être pas toujours vraisemblable, ou d'une difcrétion hors de place, je préférerai de tels reproches au malheur de trahir la cause qui a rendu poffibles toutes les entreprises que j'ai ofées dans ma prifon de Magdebourg, qui a engagé une grande partie de la garnifon à feconder mes projets, qui m'a procuré de l'argent, des amis.... Silence éternel fur tout cela. J'ai dit tout ce que je pouvais dire dans ma pofition préfente, fans me diffimuler qu'en me réfervant la principale clef de mon hiftoire, j'en affaibliffais le mérite.

Le plus grand des Rois a été mon implacable ennemi. L'univers d'admire ; je

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