Imágenes de páginas
PDF
EPUB

partage cette admiration, en foupirant; parce qu'il n'a jamais voulu pardonner à celui qui ne l'avait point offenfé. Il n'est plus, ce Prince; je n'ai plus rien à craindre de lui..... Ma main eft armée d'une plume & d'une épée.... Mais je jette un voile épais fur le paffé, un voile impénétrable. Dieu fera le juge de celui que les préjugés & les fouverains ont traité comme un jouet dévoué à leurs caprices.

i

[ocr errors]

Je ne parlerai point des premiers momens de mon enfance. La matière intéreffante que j'ai à traiter eft trop ample pour que je confacre des feuilles utiles à un inutile rempliffage. J'ai déja trop peu d'efpace pour les chofes effentielles que je dois raconter. Cinquante fois peut-être j'ai échappé à la mort dans des circonstances dont la première aurait accablé tout autre que moi. Dans les momens où la vie m'était infupportable, où je l'aurais quittée fans regret, tout s'applaniffait devant moi

mais fi la fortune femblait me favorifer, c'était pour me réferver aux douleurs, à toutes les angoiffes de ma deftinée. Le ciel éloigne tout honnête homme d'un rôle pareil au mien! Ma tâche et achevée, & fi je suis encore fur la scène, c'est pour y-paraître avec les triftes lauriers que j'ai cueillis. Lé paffé n'eft plus qu'un fonge; pour moi. De tout ce que j'ai perdu, je ne regrette que mes années. Le vieillard dans: fen hiver n'a plus guères de beaux jours à efpérer. J'en trouve pourtant quelques-uns. en France, chez une Nation fenfible & refpectable, pour laquelle je n'ai rien fait, qui m'honore de fes fuffrages publics, & à laquelle je préfente l'hommage de cette traduction que j'ai voulu faire moi-même, afin de me faire connaître tout entier.

Lobvol oubt slang C'eft un Allemand.qui tranflate fon ou vrage original dans une langue étrangère ;) mais fes idées font à lui, il en connaît la force mieux que le traducteur le plus

[ocr errors]

fidèle. La correction du ftyle, les expreffrons locales, je tâcherai de les remplacer par mon énergie naturelle, & j'attends tout de la bonté complaifante de la Nation pour laquelle j'écris.

Quant à ce qui regarde les faits contenus dans mon livre, ils font à l'abri de tout foupçon. En 1787, l'original allemand était imprimé à Vienne avec la cenfure publique', & à Berlin avec privi-: lège du Roi. J'ajoute que les deux cours où j'ai joué un rôle me font encore aujourd'hui une penfion.

Je dis tout fans ménagement. Si j'en impofe fur mon origine, fur mes biens en Pruffe & en Hongrie; fi je ne marche pas la tête levée à Vienne comme à Berlin, on peut me démentir. Si je fuis un DonQuichotte, on peut me le prouver. Je ne viens point mendier des applaudiffemens, j'ai l'ame trop fière pour defcendre à ce

manège. Je veux paraître avec ma véritable physionomie. L'approbation fecrette des fages de ce fiècle; voilà tout ce que j'ambitionne. Les occupations d'un bon citoyen, les foins d'un bon père, le repos d'un philofophe qui fuit le monde fans le méprifer; voilà mes jouiffances,

J'ai embraffé une manière de vivre qui me gêne; mais c'est pour mes enfans, & ce souvenir en rend la pratique douce & confolante.

Je laiffe à ces chers enfans pour héritage préfent & réel, les amis de ma probité, des protecteurs dans tous les Etats de l'Euoù mon hiftoire a ému la fenfibilité

rope,

publique.

Pour moi-même, je ne defire plus rien. S'il me plaifait de ne plus vouloir fouffrir, je faurais bien ceffer d'être. Si l'Être éternel récompense la vertu ; fi au-delà du

tombeau, il refte encore quelque chofe de l'homme, j'ai des droits à la couronne du martyre. Quant à la renommée que j'ai acquife, elle fe perdra fans doute dans la poftérité, & les fiècles futurs rangeront cette étonnante hiftoire avec les romans du vieux tems.

Enfin, fi j'ai encore des malheurs à effuyer, je ne les redoute point. Je marcherai avec un front ferein au-devant des plus grands périls. Je braverai les infultes des petits, les perfécutions des puiffans. La mort même ne m'intimidera pas. Je l'ai vu de trop près pour ne la point connaître; ma confcience ne craint aucun juge, & je fais que je n'ai vécu que pour

mourir.

MÉMOIRES

« AnteriorContinuar »