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3-31-33 Hem.

Libn. Dofill 12-16-32 29329 3 vol.

'AUX LECTEURS FRANÇAIS

J'At écrit en allemand, l'Histoire de ma Vie

ΑΙ

c'est-à-dire, celle de mes malheurs. On a voulu m'imiter ou me traduire, on m'a défiguré : néanmoins, la Nation Française, cette Nation fi fière, fi bienfaifante & fi généreuse, s'eft attendrie fur mon fort; elle a fait éclater tout l'intérêt qu'elle daignait prendre à ma deftinée: je n'en ai pas été furpris, mais mon eftime pour elle s'eft augmentée, & mon cœur lui a juré une éternelle reconnaifLance.

On ne me connaît pourtant pas. On ne fait qu'une partie de ce que je fus, de ce que je fuis encore. Il faut me faire connaître, je le dois & mon honneur l'exige.

L'Ouvrage que le Baron de Bock a publié à Metz, n'est qu'un abrégé romanefque de mon Hiftoire il est bien imprimé, voilà tout fon mé

rite.

:

Celui qui a paru fous le nom de feu M. le Tourneur, eft plus vrai, mais il n'eft pas exact; il y a des lacunes nombreuses, des erreurs groffières, & les faits y font tellement dénaturés, qu'ils en deviennent tout-à-la-fois ridicules & incroyables

D'ailleurs le ftyle de cette traduction, fi c'en eft une, eft fi éloigné de l'énergie qui fait peut-êtrë tout le mérite de mon original, qu'on ne peut avoir qu'une très-faible idée de mes fentimens & de mon caractère.

J'exifte; me voici : je fuis venu à Paris, pour dire aux incrédules que je ne fuis point un perfonnage imaginaire, que mon Hiftoire n'est pas un Roman. J'ai relevé les erreurs de ceux qui ont travaillé mes Mémoires, comme on travaillerait un fupplément à la bibliothèque bleue. J'ai rétabli la vérité telle que je l'ai fait connaître fous les cenfures & privilèges de Berlin & de Vienne, & je dis aux écrivains qui ont élevé des nuages fur la réalité de mes malheurs: » C'est moi, c'eft une victime infortunée de l'impitoyable defpotisme, c'est Trenck, » en un mot, qui vous parle: ofez le démentir. »

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Deux grands Royaumes font remplis des témoins que je puis invoquer en ma faveur. Les Souverains de ces deux Royaumes m'ont honoré d'un intérêt qui m'eft auffi cher que refpectable. Je tiens de chacun d'eux une penfion qui ne me dédommage guères des pertes que j'ai effuyées, mais dont mon ame eft encore fière. Qu'on me réponde: efi-ce par le menfonge que je pouvais parvenir à mériter des graces auffi diftinguées, auffi flatteufes pour moi?

La franchife, l'indomptable fermeté de mon humeur loyale & chevalerefque, ont peut-être feules attiré fur ma tête les longues douleurs qui m'ont accablé. Pendant quarante années, j'ai fupporté mes maux, je me fuis montré fupérieur à l'infortune; & quand l'âge & les malheurs ont blanchi mes cheveux, fans altérer la vigueur de mon ame, je ferais affez lâche pour trahir la vérité ! Les hom mes ont quelquefois une étrange idée de leurs femblables!

Au refte, j'appelle de l'injuftice de quelques particuliers au tribunal du Public de toutes les Nations libres, & le public Français n'eft pas celui dans lequel j'ai le moins de confiance.

Mon Hiftoire paraît comme je l'ai publiée en Allemagne.

Je l'ai traduite moi-même ; un Français a bien voulu confentir à revoir mon ftyle, en confervant à mes idées leur originalité & leur forme; ainfi, je fuis encore moi dans cette traduction, & je puis tout haut m'avouer pour ce que je fuis. J'y rétablis tout ce qu'on a omis, tout ce qu'on a maladroitement altéré, ou plattement défiguré. J'y ajoute les découvertes que j'ai faites depuis peu à Berlin, pour l'éclairciffement de quelques-unes des caufes de mon infortune, qui jufqu'ici ont dû paraître obfcures,

& quelques autres détails importans. J'y joins en core un extrait rapide de la réponse que j'ai publiée en Allemagne contre d'infolens critiques, car par tout il y en a de ce genre, & par-tout on devrait les traiter avec le même mépris.

Français de toutes les claffes, vous pouvez tirer des avantages réels de la lecture de ces Mémoires: Ce n'eft point à moi de vous les indiquer. Si vous favez en profiter, tous mes vœux feront remplis.

FRÉDÉRIC, BARON DE TRENCK,

DEDICACE

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