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pour entrer dans la rue de la Feronnerie, fe trouva embaraffé entre deux charettes, l'une chargée de vin, l'autre de foin, ce qui obligea d'arrêter. Il faut favoir que cette rue étoit alors fi étroite, quoiqu'elle fût très-paffante, que le Roi Henri II. avoit ordonné beaucoup d'années auparavant par des lettres patentes données à Compiegne le 14. de Mai 1654. qu'elle fût elargie, pour rendre la communication plus libre aux deux grandes rues de faint Denys & de faint Honoré, ce qui avoit été négligé à caufe des troubles arrivez depuis, & ce qui n'a encore été exécuté que plufieurs années après ce funefte accident. Les valets de pié qui fuivoient le Roi pafferent fous le charnier de faint Innocent pour éviter cet embarras, ce qui fit , ce qui fit que le caroffe du Roi demeura feul, l'ufage n'étant pas alors introduit d'avoir un grand cortége de gardes l'épée nue à la main, comme il s'eft obfervé depuis.

Ce fcélerat infigne qui épioit l'occafion depuis très-long-tems, & qui fuivoit opiniâtrement le caroffe, pour exécuter fon abominable deffein, remarqua la place où étoit le Roi, il fe gliffa entre les boutiques & le caroffe,

Tome I.

K

& montant fur une borne, mit le pié fur une rais de la roue; enfin avec une fureur enragée, il lui donna un coup de couteau entre la feconde & la troifiéme côte, un peu au-deffous du cœur. A ce coup le Roi s'écria: Je fuis bleßé; mais ce fcélerat, fans s'effraier du cri, donna

un fecond coup, qui porta directement dans le cœur, dont il mourut prefque incontinent, fans pouvoir faire autre chofe, que jetter un grand foûpir. Ce malheureux donna encore un troifieme coup, qui ne porta que dans la manche du Duc de Montbazon, qui fe trouvoit à la portiere. Le Duc d'Epernon voiant le Roi rendre quantité de fang par la bouche & expirer de cette forte, fit auffi-tôt tourner le caroffe du côté du Louvre, & fit fermer les portieres, difant que ce n'étoit qu'une légere indifpofition, de peur d'effraier le peuple, extrêmement affectionné pour ce bon Prince. Aufli-tôt que l'on fut arrivé au Louvre, le corps fut Ouvert en présence de vingt-fix Médecins & Chirurgiens, lefquels en éxaminant toutes les parties nobles, les trouverent fi belles & fi faines, que felon la difpofition ordinaire de la nature, il pouvoit encore vivie glus de trente ans. Ravaillac,

cet exécrable parricide fut pris prefque fur le champ, quoiqu'il eût pû ailément fe fauver, dans le trouble & l'agitation où étoit tout le monde; mais ce fcélerat fut trouvé tenant encore fon poignard à la main, tranquille & fatisfait de l'horrible meurtre qu'il venoit de commettre. On le mena d'abord à l'hôtel de Rez, à préfent l'hôtel de Condé, où il fut fi négligemment gardé pendant quelques jours, qu'il auroit pû facilement s'échaper; toutes fortes de perfonnes le pouvant voir & parler à lui librement, & il fut transferé de là à la Conciergerie. Son procès lui fut fait avec toute l'attention requise dans une fi importante affaire ; & à la queftion qui lui fut donnée dans toute la rigueur, il avoua des chofes fi étranges, que les Juges, furpris & effraiez, jurerent entr'eux fur les faints Evangiles de n'en jamais rien découvrir, à caufe des fuites horribles qui en pouvoient arriver; ils brûlerent même les dépofitions & tout le procès-verbal au milieu de la chambre, & il n'en eft resté que quelques legers foupçons, fur lef quels on n'a pû fonder jufqu'à préfent aucun veritable jugement.

Un Hiftorien favant a remarqué au

fujet du meurtre commis en la perfonne du Roi Henri IV. que la France vit trois jours de fuite des évenemens bien différens & bien extraordinaires.

Jeudi 13. de Mai le couronnement de la Reine Marie de Medicis à Saint Denys.

Vendredi 14. la mort tragique du Roi Henri IV.

Samedi 15. la Reine Marie de Medicis déclarée Regente d'un commun confentement, & fans aucune oppofi

tion.

Le même Auteur obferve que cinq Rois de France de fuite font morts de mort violente, à commencer à Henri II. Henri IV. compris.

DES

En fe détournaut de quelques pas, on peut voir dans 1 A RUE DECHARGEUR s le frontifpice de la maifon, où la Communauté des Marchands tient fon bureau, qui eft du deffein de B RUA N. Cette porte eft ornée d'un ordre Dorique, avec un grand Attique au-deffus, où il fe trouve deux Cariatides ou Perfans, qui répondent aux colomnes du premier ordre; mais l'Architecte aiant voulu rendre les métopes quarrez de l'ordre Dorique, felon les regles ordinaires, a fait une

faute très-groffiere, parce qu'aiant été contraint de coupler les colomnes, elles fe preffent de telle maniere, qu'elles fe mangent par le foubaflement & par la cymaife de l'abacque du chapiteau. Ainfi en voulant fuir une irrégularité, il est tombé dans une bien plus grande; ce qu'il auroit évité, s'il avoit précifément fuivi les regles de l'art, & ne pas s'abandonner à fon caprice. D'ailleurs ce petit morceau d'architeEture a quelque beauté, & fait un effet affez paffable. Il a été gravé correctement, & l'on en a une eftampe d'une affez bonne main.

Dans une rue voifine eft la CHAPELLE DES ORPHEVRES, où l'on verra des figures de Germain PILON, que les connoiffeurs eftiment. Ce petit édifice conftruit en 1550. eft un ouvrage de Philbert de LOR ME, qui étoit un trèsexcellent Architecte, & qui méritoit, avec juftice, la réputation qu'il s'étoit acquife. Cette Chapelle dépend du Chapitre de faint Germain l'Auxerrois, dont le Chapelain eft entretenu aux dépens de la Communauté des Orphévres, une des plus confidérables de la Ville..

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