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» je craignois que votre courage ne vous portât à attaquer Après J. C un Prince qui en avoit beaucoup. Il eft mort, je fuis veuve, Mahmoud. chargée de la tutelle d'un enfant & de la regence d'un Etat, ma crainte ceffe, parce que je vous connois trop généreux pour vouloir mefurer vos armes avec les mien»nes, & trop éclairé pour ne pas considérer que l'iffu d'une guerre eft toujours fort incertain, quoique fon entreprise dépende de notre volonté. Dans le cas où vous remporte>> riez fur moi l'avantage que vous vous promettez, feroit» ce une gloire pour vous d'avoir vaincu une veuve & un pupille? Si vous êtes vaincu, que dira-t-on de ce Prince, quí après avoir foumis tant de vastes pays eft obligé de fuir devant une femme?

Cette lettre produifit l'effet que la Princeffe s'étoit pro- L'an 1019. mis, Mahmoud réfolut de differer l'exécution de fes pro- Aboulfedha jets, & d'attendre la mort de Seïdat qui étoit avancée en âge. Elle ne tarda pas à arriver (a), & tout favorifa les prétentions de Mahmoud, les débauches continuelles du jeune Prince, la foibleffe de fon efprit, les menées des Emirs qui afpiroient au gouvernement, porterent la divifion dans l'Etat. Trois principaux Emirs étoient chacun à la tête d'une faction. Madgd-eddoulet incapable de prendre une réfolution hardie, s'adreffa à Mahmoud, & lui porta fes plaintes. D'un autre côté la milice fe plaignit auffi à Mahmoud de la conduite de Madgd-eddoulet. Le Sulthan des Indes faifit cette occafion: pour fe rendre maître de fes Etats. Mahmoud fe mit à la tête de fes armées, entra dans l'Eraque Perfique par le Mazanderan, & fe préfenta devant Rei, capitale de l'Empire de ces Bouïdes. Il avoit ordonné qu'on prit Madgd-eddoulet; mais ce Prince le prévint, & eut la fimplicité de venir fe mettre entre fes.mains. On rapporte que Mahmoud lui demanda s'il avoit lû quelque part que deux Rois pouvoient fe trouver dans un même endroit avec une égale puiffance, & fur ce que Madgdeddoulet lui répondit que non, qui vous a donc obligé, dit Mahmoud, de venir fans néceЛlité vous jetter entre mes

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J. C.

Mahmoud.

mes mains, & me rendre par-là maître de votre perfonne & Après des vos Etats? Madgd-eddoulet fut conduit prifonnier à Ghazna, où il finit les jours, & Mahmoud s'empara des villes de Rei, d'Ifpahan, de Cafvin, & de tous les Etats qui appartenoient à cette branche des Bouïdes. Les peuples attachés à cette famille ne fe foumirent qu'avec peine à une nouvelle domination, & il fallut que Mahmoud ufa de la deniere févérité pour les réduire. Il fit périr tout à la fois quatre mille hommes qui s'étoient révoltés à Ispahan, il punit de même les habitans de Cafvin. Il donna le gouvernement de cette province à fon fils Mafoud, & s'en retourna enfuite à Ghazna.

Dherbelot.

Aboulfedha

Aboulfa

radge. L'an 1030.

On rapporte qu'après la conquête de l'Eraque Perfique,la caravane qui partoit de ce pays pour se rendre dans les Indes, fut volée & pillée par une troupe de voleurs qui couroit dans le défert appellé Nedubendan. Une veuve qui avoit perdu fon fils dans cette action, vint à la Cour de Mahmoud pour lui demander juftice. Le Sulthan fe contenta de lui dire que l'Eraque étoit fi éloignée de fa capitale, qu'il étoit fort difficile de remédier à tous les défordres qui pouvoient y arriver. Eh, pourquoi, repartit hardiment la veuve, foumettez-vous plus de pays que vous n'en pouvez gouverner, & comment au jour du Jugement répondrez-vous, lorfque Dieu vous en demandera compte? Le Sulthan frappé de cette réponse, combla la veuve de riches préfens, & fit en même-tems publier dans toute l'Eraque qu'il feroit dorénavant garant de la vie & des biens des Marchands qui alloient par caravanne aux Indes, il les fit escorter par cent foldats; mais comme ce nombre n'étoit pas fuffifant pour arrêter les courfes des voleurs, à la premiere caravanne, il fit mêler de l'arfenic avec des fruit & en paffant dans le défert les foldats abandonnerent ces fruits qui furent auffitôt pillés,& firent périr la plus grande partie de ces bandits, le reste ayant été paffé au fil de l'épée.

Après la conquête de l'Eraque, Mahmoud de retour à Ghazna fut atteint d'une fiévre lente, dont il mourut (a) (4) Il mourut dans le mois Dgioumadi el aoual ou felon d'autres dans le mois Rabielakher de l'an 421 de l'Hegire.

Mahmoud.

dans la foixante- uniéme année de fon âge, étant né l'an Après J. C. 970. Ce Prince doit tenir un des premiers rangs parmi les héros Musulmans, par les grandes vertus dont il étoit doué, par fon zèle pour la propagation de fa Religion, par fon courage,fon activité, fa prudence ; tel devoit être un Prince qui a fait de fi grandes conquêtes. L'Hiftoire abrégée & imparfaite de fon regne que nous venons de tracer doit nous faire regreter que quelque Ecrivain n'ait pas entrepris de nous faire connoître d'avantage Mahmoud. Quelles lumieres n'en résulteroit-il pas d'ailleurs fur l'Inde qu'il a si souvent parcourue. J'ai tâché de rapprocher fous un feul point de vue tout ce qui m'a été possible de rassembler dans les manufcrits. Mahmoud, tout héros qu'il étoit, eu de grandes foibleffes, on lui reproche furtout une avidité extrême d'amaffer des richeffes. Avant que de mourir il voulut jouir pour la derniere fois de tous fes thréfors, on les lui apporta en fa préfence, il les examina åvec attention, il jettoit de grands foupirs en les confidérant, mais ils n'étoient pas capables de le garantir de la mort. Il falloit les abandonner. Il eut tout lieu de contenter cette paffion; l'Inde qui depuis long-tems n'avoit été expofée à aucune invafion étrangere, étoit le plus riche pays du monde. Mahmoud fit dans fon tems ce que Thamas Kouli-khan a fait de nos jours, mais il pénétra beaucoup plus loin que le conquerant mo

derne.

Mahmoud étoit laid de visage, & il s'en affligeoit : il Dherbelot. croyoit que la beauté dans un Prince étoit néceffaire, & qu'elle ne contribuoit pas peu à lui gagner le cœur de fes fujets, il craignoit que fa diformité ne les éloignât de fa perfonne. Son Vizir le guérit de cette foibleffe, en lui perfuadant que la vertu & les qualités du cœur & de l'efprit étoient la véritable beauté, que la bonne mine n'eft qu'un avantage paffager, auquel on doit d'autant moins faire attention, que fur mille de fes fujets, à peine un le voyoit, au lieu que la vertu du Prince fe faifoit connoître de tous, & qu'elle feule pouvoit le rendre l'objet de leur amour. Mahmoud profita de cet avis, & fut le modele des Rois. Sa laideur lui devint encore utile par les fages refléxions

Après J. C
Mahmoud.

qu'elle lui fit faire, que la connoiffance de nos défauts devoit nous porter à excufer ceux des autres.

On rapporte de ce Prince un exemple de juftice bien fingulier,& qui mérite de trouver place dans fon hiftoire. Un D'Herbelos de fes fujets vint fe plaindre à lui qu'un Turc de fes troupes l'obligeoit à lui abandonner fa femme & fes enfants,& à fortir de fa maifon,Mahmoud lui promit juftice, & lui ordonna de l'avertir lorfque ce Turc reviendroit. Trois jours après cet homme annonça à Mahmoud que le Turc étoit dans fa maifon. Mahmoud fortit auffi-tôt de fon palais avec quelques gardes, & lorfqu'il fut arrivé dans l'endroit, il fit éteindre toutes les lumieres & tailler en piéce le Turc. L'exécution faite, Mahmoud voulut connoître celui qu'il avoit fait mourir. On ralluma les flambeaux, & lorsqu'il l'eut vû, il se profterna à terre, rendit graces à Dieu, demanda à manger & fe retira. L'homme étonné de cette conduite, fe jetta à fes pieds, lui demanda pourquoi il avoit fait éteindre la lumiere, pourquoi après la mort du Turc il s'étoit mis en priere,& enfin pourquoi il avoit pû se réfou dre à prendre un fi mauvais repas? Mahmoud lui répondit avec bonté qu'il avoit crû que l'auteur du crime ne pouvoit être qu'un de fes enfants; mais que voulant lui rendre juftice, & craignant d'en être empêché par la tendreffe qu'il auroit pû avoir, pour ne point être expofé à sa vûe, il avoit fait éteindre la lumiere pour le punir, qu'ayant enfuite connu que ce Turc ne lui étoit de rien, il en avoit rendu graces à Dieu, & avoit demandé à manger, parce que jufqu'alors, dans le chagrin où il étoit plongé, il n'avoit pû rien prendre. Action fupérieure à celle de ce Romain qui a été fi vantée; Mahmoud s'épargne le barbare fpectacle de la mort de fon fils qu'il condamne au fupplice, & rend en même-tems juftice à un fujet.

Dherbelot.

Mahmoud vainqueur de tant de pays, avoit envoyé une ambaffade extraordinaire vers le Khalif, il ne demandoit pour récompenfe des fervices qu'il avoit rendus à la Religion, qu'un titre d'honneur que les Khalifs étoient seuls en poffeffion de diftribuer. On ne les obtenoit encore qu'avec peine & à force de follicitations. Politique finguliere chez

Mahmoud

les Orientanx. Un Khalif dépouillé de toute fon autorité voyoit les plus grands Princes lui tenir les étriers ou la bride Après J. €. de fon cheval. Les Sulthans lui rendoient ces devoirs, moins par Religion que pour en impofer au peuple qui voyoit fans peine dans le Khalif un Souverain affervi, mais qui exigeoit qu'on lui rendit toute forte de refpects en qualité de Pontife. Mahmoud follicita long-tems un vain. titre, & le Khalif ne fe réfolut à lui accorder fa demande que dans la crainte qu'il ne tournât fes armes du côté de Bagdad. Encore ufa-t-on d'adreffe, Mahmoud étoit fils d'un esclave, le Khalif lui donna le titre équivoque de Veli, qui fignifie Ami & Seigneur, Serviteur & Valet. Mahmoud qui pénétra l'intention du Khalif, lui envoya un préfent de cent mille pieces d'or pour ajouter une feule lettre qui déterminoit la fignification du mot; le Khalif fit dreffer les patentes que l'on donnoit ordinairement dans ces occafions, & y fit mettre le titre de Vali, c'eft-à-dire Maître.

Mahmoud fut enterré à Ghazna dans un palais qu'il avoit fait conftruire des dépouilles de l'Inde, & auquel il avoit donné le nom de Palais de la félicité. Il laiffa l'Empire de Ghazna à fon fils Mohammed. L'aîné nommé Mafoud,avoit eu l'Eraque. Lorfqu'il lui donna cette province, il voulut favoir de lui comment il vivroit avec Mohammed, qu'il nommoit pour lui fuccéder. Mafoud lui répondit: comme vous avez vécu avec votre frere Ifmail. Nous avons vu plus haut que Mahmoud lui avoit enlevé la Couronne, & l'avoit enfermé dans un château. Cette réponse le toucha vivement. Il vit que la difcorde alloit le mettre entre fes enfants, Mafoud ne voulut jamais jurer qu'il ne feroit point de mal à son frere, que Mohammed n'eut lui-même juré Aboulfeth de partager avec lui tous les thréfors de Ghazna. Mais Dkerbelore l'intérêt de Mafoud lui fit bien-tôt oublier fes fermens. Il étoit à Ifpahan, où felon d'autres à Hamadan dans l'Eraque, lorfqu'il apprit la mort de fon pere. Il fit fçavoir à fon frere qu'il ne fongeoit point à lui difputer fes Etats, mais qu'il prétendoit être nommé le premier dans la priere publique, c'étoit affez faire connoître qu'il vouloit être regardé comme le maître & le Sulthan, & que Mohammed devoit lui être foumis. Celui-ci le fentit & fe difpofa à fou

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