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Apr. J. C.

Redouan.

foldats. Il s'étoit à peine avancé, que cinq Turcs vinrent dans fon camp pour lui propofer la paix de la part de Thogh- L'an 1106. teghin; le Roi les reçut avec bonté, & lorfqu'ils furent Thoghte de retour dans leur camp, ils parlerent fi avantageufement ghin de ce Prince & de fon armée, que les Turcs, ne voulant point s'expofer à un combat, fe retirerent pendant la nuit avec tant de précipitation, qu'ils gagnerent Damas en peu de tems, & Baudouin qui ne put les joindre, s'en alla à Jérufalem (a). Les Turcs fortirent une feconde fois de Damas, & allerent faire quelques incurfions vers Seid ou l'ancienne Sidon. Thoghteghin la tint bloquée pendant dix jours, exigeant des habitans trente mille bezans; mais on ne lui en offrit que neuf, qu'il accepta dans la crainte que le Roi de Jérufalem ne vînt l'attaquer.

Un peu avant ce fiége (b), quatre mille Turcs des troupes du même Prince étoient fortis de Damas, & s'étoient répandus dans le territoire de Tibériade. Ils avoient fait un détachement de trois cens chevaux, afin d'attirer la garnifon dans une embuscade. Gervaife, Seigneur de cette ville, fortit avec huit cens cavaliers & deux cens piétons, les Turcs parurent prendre la fuite, il s'avança & tomba dans l'embufcade, où environné de toutes parts, il fut fait prifonnier. Il n'échappa que deux Francs, qui porterent la nouvelle de leur défaite à Tibériade. Gervaife fut conduit à Damas, où il fut percé de fléches dans le milieu de la place publique, quoique le Roi de Jérufalem eût offert une fomme d'argent pour le racheter; les Turcs exigeoient des villes qu'on ne voulut point leur accorder. Thoghteghin perdit dans le même tems la fortereffe d'Archas, que le Duc Godefroy de Bouillon n'avoit pu prendre autrefois. Guillaume, Comte de Sartanges, après l'avoir battu (c) dans la plaine qui eft auprès du fort de la montagne des Pelerins, affiégéa cette place, qui fut abandonnée par la garnifon. De-là, ce Comte incommoda beaucoup la ville de Damas.

(a) Au mois de Février. (6) Pendant les Rogations. (c) Albert d'Aix le nomme en cet endroit Hertoldin, c'eft fon titre de Dhahireddin. Nos Hiftoriens le nom

ment encore Boldechin, Doldechin,
Dechin & Duodechin. Il étoit furnom-
mé Dhahireddin abou manfour, his
d'Abdallah,

Apr. J. C.

L'an I!07.

Ces fuccès des Francs réveillerent enfin tous les Mufulmans. Le Sulthan de Perfe fit raffembler toutes les troupes Redouan. de la Syrie, & les Turcs accoururent en foule à cette Thoghte- guerre, qu'ils regardoient comme une guerre de Religion. Aboulma- Maudoud (a) fut déclaré Chef de cette grande expédiBenelathir. tion. Il étoit Roi de Mouffoul, & avoit fuccédé à DgiokarAbor lfedha mifch (b) qui avoit été tué. Il fut fuivi par l'Emir Ilghazi (c), de Tyr. Roi de Maredin ; par l'Emir Sokman, Roi (d), d'Arménie & Albertus de Khelath; par Tamirak, Roi de Sandgiar, & par pluAquenf

hafen.

Guillaume

fieurs autres Princes Turcs. Il menoit avec lui une armée de deux cens mille hommes. Ces Turcs entrerent dans la Méfopotamie, porterent le ravage jufques fous les murs d'Edeffe, prirent dans leur route plufieurs châteaux qui appartenoient aux Francs, & tuerent un grand nombre de Chrétiens. Maudoud fe préfenta devant Edeffe, dont la garde, pendant la captivité de Baudouin, avoit été confiée Tancrede. Celui-ci raffembla promptement fes troupes, & appella à fon fecours le Roi de Jérufalem. Ces deux Princes réunirent leurs armées, & marcherent contre les Turcs qui étoient occupés au fiége de Tell-bafcher qui appartenoit à L'an 111. Jofcelin (e). Les Turcs ne voulant point en venir à une action générale, cherchoient à gagner du tems, afin de fatiguer leurs ennemis; mais les Francs qui pénétroient leur deffein, jetterent des fecours dans toutes les places voifines, & fur-tout dans celle de Roha, & fe rapprocherent de l'Euphrate. Pendant qu'ils étoient occupés à paffer ce fleuve, & qu'une partie étoit déja fur l'autre bord, les Turcs les furprirent, & enleverent plufieurs prifonniers, fans que le Roi de Jérufalem ni Tancrede pûffent apporter du fecours. Après avoir affiégé Tell-bafcher pendant quarante-cinq jours, Maudoud décampa & fut pourfuivi par Jofcelin. Son armée se divifa en plufieurs corps, cent mille hommes reprirent le

(a) Albert d'Aix le nomme Malduc; Guillaume de Tyr, Menduc; Foulques de Chartres, Maledoctus, Maulidulfus & Maudu&us. Il étoit furnommé Scharfeddoulet.

(b) Voyez la mort à l'Article des Seljoucides de Perfe.

(c) Albert d'Aix le nomme Armiga

zi, il parle d'Arongaldus & de Samarca. Ce dernier eft Tamirac, l'autre m'eft inconnu.

(d) Aboulmahafen dit Sokman d'Ortoc; mais comme cet Emir eft mort en 498, ce doit être ici le Sokman, Roi d'Arménie.

(e) Albert d'Aix la nomme Furbaïfel.

L'an 1111.

ghin.

chemin de l'Orient, pendant que les autres allerent à Alep, où ils prierent Redouan de recevoir & de garder leurs fem- Apr. J. C. mes & leurs enfans jufqu'à la fin de l'expédition, & de leur Redouan. fournir de nouvelles troupes. Mais Redouan qui étoit en Thoghtepaix avec Tancrede, ne voulut point rompre fes engagemens, il leur promit feulement de garder la neutralité & leur donna fon fils en ôtage. Les Turcs le menacerent alors de couper la tête au jeune Prince, fi on ne leur accordoit pas ce qu'ils exigeoient. Redouan, tout Musulman qu'il étoit,refta fidéle aux traités qu'il avoit faits avec Tancrede & les Chrétiens, & laiffa périr fon fils; alors Maudoud marcha vers Céfarée de Philippe ou Paneas, à une journée d'Antioche, & affiégea Mara el nooman. Tous les Francs rassemblerent leurs forces dans la crainte qu'il n'en voulût à Antioche. Jofcelin de Tell-bafcher vint à la hâte trouver Tancrede, avec cent cavaliers & cinquante piétons, enfuite Baudouin du Bourg, avec deux cens cavaliers & cent piétons; Payen de Saroudge, avec cinquante cavaliers & trente piétons, Hugues de Cantalar, Richard Gouverneur de Marafch ou Maréfie, Gui de Crefalt, Guillaume d'Albin, Gui Prince de Tarfe & de Mamiftra, le Roi de Jérufalem, & un grand nombre d'autres Chefs des Francs. Toute cette armée qui montoit à vingt-fix mille hommes, s'avança vers Paneas où étoient les Turcs. Ceux-ci fe retirerent, éviterent une action générale, fe bornerent pendant quelque tems à harceler les Francs, & abandonnerent enfuite le pays d'Antioche (a).

L'inimitié qui régnoit entre ces Turcs & ceux de Damas Benelathir. & d'Alep, fit manquer cette grande expédition. Thoghteghin, intimidé par ces nombreuses armées, & qui craignoit qu'on ne voulût le dépouiller de fes Etats, fit fécretement fa paix avec les Francs; Redouan ne voulut point rompre fes anciens engagmens avec Tancrede. Alors Maudoud, privé des troupes de ces deux Princes, fur lefquels il comptoit, ne fe fentit plus en état de réfifter aux Francs, & licentia toute fon armée. Tancrede réfolut de profiter du départ des Turcs pour aller affiéger (b) le château d'Athareb (4), fitué

(a) Vers la fête de S. Michel. (b) L'an 504 de l'Hegire,

(c) Albert d'Aix la nomme Gerez, qu Sarepta Sidoniorum.

Apr. J. C.

L'an 1111.

Soycuthi.

hafen.

Aquenf

proche Alep. Il prit d'affaut cette place, tua deux mille hommes, & fit le refte prifonnier. De-là il alla prendre ManRedouan. bedge (a) & Balis. Ces Conquêtes intimiderent tous les Thoghte- Princes voifins. Redouan lui donna trente mille piéces d'or, Aboulfedha des chevaux & des habits pour faire la paix, la ville de Tyr Aboulma fept mille piéces d'or, celle de Schizour où régnoient les Moncadites, quatre mille; & celle de Hama, foumise à Albertus un Kurde nommé Aly, deux mille. Mais cette paix avec Benfchou Tancrede, Prince d'Antioche, ne garantiffoit pas la ville de Tyr des hoftilités que Baudouin, Roi de Jérufalem, pouAboulma voit faire de fon côté. Les Tyriens apportoient trop de Albertus dommages par terre & par mer aux Pelerins Chrétiens; c'eft Aqnenf. ce qui détermina ce Prince à former le deffein de s'emparer de cette place. Auffi-tôt que les habitans eurent été inftruits Foulques de de fon projet, ils envoyerent demander (6) à Thoghteghin Chartres des fecours, & la permiffion de retirer dans Damas tout ce Aquenf. qu'ils avoient de plus précieux. Après ces conventions, ils Aboulma- firent offrir à un Franc nommé Rinfroy, une fomme de hafen.

nah.

hafen.

Albertus

deux mille bezans afin qu'il laiffât paffer en sûreté leurs bagages qu'ils conduifoient à Damas. Rinfroy reçut la fomme; mais fe croyant autorifé à manquer de parole, parce qu'il traitoit avec des Musulmans, donna avis de leur marche au Roi Baudouin, & l'inftruifit du jour & du lieu où ces bagages devoient paffer. Le Roi de Jérufalem fit placer en embuscade deux cens hommes, & tout fut enlevé. Thoghteghin informé de cette perte, & craignant pour la ville de Tyr, y envoya fur le champ cinq cens foldats; Baudouin ne laiffa pas de venir faire le fiége de cette place (c), il ruina tous les environs, & l'attaqua pendant quelques jours. Thoghteghin y envoya de nouvelles troupes qui ne purent y entrer. Mais la vigoureufe réfiftance des habitans obligea Baudouin à quitter les attaques. Il alla affiéger une grande fortereffe appellée Hanafch qu'il prit d'affaut; enfuite il revint devant Tyr, fit conftruire des tours, & recommença le fiége. Thoghtheghin ne ceffa de l'incommoder, &

(a) Aboulfedha nomme encore une
ville, qu'il appelle Zaredna.
(b) L'an sos de l'Hegire.

(c) Baudouin s'y rendit le 25 de Dgiou madi elaoual de l'an 505.

(d) L'an 907 de l'Hegire,

L'an III.

l'obligea pour fe garantir de fes incurfions, de creufer un large foffé. Mais comme il étoit difficile de forcer les Francs Apr. J. C. de lever le fiége, à caufe des fecours qu'ils recevoient con- Redouan. tinuellement par la mer du côté de Seid, Thoghtheghin fit Thoghteghin. armer fes vaiffeaux, croifa dans les environs de Seid, furprit une troupe de Francs qu'il défit, & coula à fond leurs vaiffeaux. Ce fuccès ranima le courage des habitans de Tyr. Les Francs firent élever deux nouvelles tours, dont la plus grande avoit cinquante coudées, & l'autre quarante. Mais tous ces travaux furent inutiles, les Francs furent contraints de fe retirer après avoir brûlé leurs vaiffeaux & toutes leurs provifions. C'eft dans le même tems (a) que Sokman el Cothbi, Roi de Khelath mourut; il eut pour fucceffeur fon fils Dhahir eddin Ibrahim. Bafile, Roi de la petite Arménie, c'eft-à-dire, du pays de Siz, mourut auffi. Tancrede, Prince d'Antioche, fe mit en chemin pour s'emparer de ce pays; mais la mort le furprit, & Sirjal fe rendit maître de Siz. Les Hiftoriens indiquent encore la mort d'un Emir d'Hemeffe, appellé Caradgia, qui eut pour fucceffeur fon fils Khir-khan.

L'an 1112.

Aboulfedha

Albertus

nah.

Pendant ce tems-là (6), Thoghteghin & l'Emir Mau- L'an 1113. doud qui s'étoient raccommodés, réunirent leurs troupes Aboulfedha pour combattre les Francs. Ils avoienr une armée de trente Guillaume mille hommes, avec laquelle ils réfolurent de s'approcher de Tyr. de Tibériade. Leur deffein étoit de s'emparer de Jérufalem Aquenf même. Le Roi d'Arménie donna avis de leur arrivée à Bau- Benfchoudouin. Ce Prince eut recours à Roger, Prince d'Antioche, & au Comte de Tripoli. Les Turcs qui étoient venus camper fur le bord du Jourdain, s'emparerent du Thabor, assiégerent Tibériade pendant trois mois, & ravagerent tous les environs. C'eft dans le cours de cette guerre que Baudouin voulut escorter lui-même, avec trois cens foldats, quinze cens Pelerins, qui avoient paffé les Fêtes de Pâques à Jérufalem, & qui devoient s'en retourner par les environs de Tyr. Il fe pofta dans une embuscade d'où il tomba fur cinq cens foldats qui étoient fortis de cette ville pour attaquer les Pele

(a) L'an 506 de l'Hegire.

(b) L'an 507 de l'Hegire.

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