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Zenghi.

permettoit pas de s'éloigner, & le Sulthan parut fatisfait.. Apr. J. C. Quoique fon premier deffein eût été de détruire entiérement la puiffance de Zenghi, les confeils de fes Miniftres l'avoient arrêté. On lui avoit repréfenté que Zenghi étoit le feul Emir capable de résister à toutes les forces des Francs ce que n'avoient pû faire auparavant Maudoud, Bourski, & les autres Emirs avec des armées nombreuses. Les rufes de Zenghi acheverent de lui gagner la confiance du Prince.. Seïf eddin ghazi, fon fils aîné, étoit alors à la Cour du Sulthan. Zenghi lui ordonna fécrettement de prendre la fuite, & enjoignit en même-tems à Nafir eddin Dgiacar fon Gouverneur dans Mouffoul, de refufer l'entrée de cette ville à Seïf eddin. Le Gouverneur exécuta les ordres de Zenghi, il ne voulut pas même que le jeune Prince allât trouver fon pere. Seïf eddin fut reconduit auprès du Sulthan par un Officier qui étoit chargé de dire que Zenghi étoit fi mécontent de la conduite de fon fils, qu'il le renvoyoit fans avoir voulu le voir. C'eft par de telles menées que ce Prince: qui étoit fi redoutable aux Francs confervoit fon pouvoir

L'an 1143.

dans la Syrie auprès du Sulthan de Perfe dont il étoit vaf fal.

La ville de Roha ou d'Edeffe étoit alors un des plus puiffans Aboulfedha établiffemens que les Francs euffent fait dans la Syrie; deRenelashir. là ils fe répandoient dans tous les environs, & ils s'étoient

rendu maîtres de toutes les places qui font entre Maredin. & l'Euphrate, telles que Saroudge, Bira, Dgiamelin, Mouzar, Caradi & autres, ils faifoient des courfes jufques aux. portes d'Emed & dans tout le Diarbekr qui appartenoit aux Ortokides; & ceux-ci n'étoient point en état de les repouffer.. Maredin, Nefibin, Rafalaïn, Sarca & Harran étoient continuellement expofées. Zenghi qui craignoit la force & le courage de Jofcelin, n'ofoit s'approcher de Roha, & défefpéroit de pouvoir prendre cette ville, tant que ce Franc feroit dans Koha; fon deffein étoit de l'attaquer, mais pourlui donner le change, il alla porter la guerre dans le Diarbekr, où il prit les places de Thanra, d'Afarad, de. Hizan, de Rouk, de Bidlis, de Bathaza & de Dzoalcarnain. Rokn eddoulet Daoud Roi d'Emed, fut contraint de fe foumet

L'an 1144

de Tyr.

Abculfedha

tre à lui, & de faire faire dans Emed la priere publique en fon nom; enfuite Zenghi vint s'emparer d'Haditha & d'Hani Apr. J. C. proche l'Euphrate. Jofcelin, contre la coutume des anciens Zenghi. Comtes d'Edeffe, avoit abandonné le féjour de fa capitale, Guillaume & demeuroit à Tell-bafcher, qui en étoit peu éloignée. Ce Comte croyant que Zenghi n'étoit occupé que de la guerre Benelash.ir. du Diarbekr, fe mit à la tête de fes troupes, & marcha vers Benfchoula Syrie. Aufli-tôt Zenghi s'avança à grandes journées vers AboulfaRoha & en forma le fiége (a). Il profita encore dans radge. occafion de l'inimitié qu'il y avoit entre le Comte d'Edeffe hafin. & le Prince d'Antioche; il fomma d'abord les habitans de fe rendre; mais quoiqu'ils manquaffent de provifions, ils refuferent de le faire; alors Zenghi dreffa toutes fes machines, & battit vivement la place.

La nouvelle du fiége d'Edeffe ne fut pas plutôt répandue, que le Comte chercha à fe réconcilier avec le Prince d'Antioche, & lui demanda du fecours; mais le Prince ne s'empreffa pas de le faire, il fe réjouiffoit intérieurement du malheur du Comte. La Reine de Jérufalem, Régente du Royaume pendant la minorité de Baudouin III. envoya le Connétable Manaffés, Philippe de Napoulous, & Elinand de Tibériade avec quelques troupes. Zenghi pendant ce tems-là pouffoit avec vigueur les travaux, il avoit fait miner les murailles, elles n'étoient plus foutenues que par des poutres auxquelles il fit mettre le feu; elles furent bientôt renverfées, fes foldats entrerent de tous côtés dans la ville, & la livrerent au pillage (). Tout fut égorgé, hommes femmes & enfans. Quelques-uns des habitans voulurent fe jetter dans une fortereffe qui n'étoit pas encore prife; mais la foule étoit fi grande pour entrer, qu'ils s'étouffcient les uns & les autres. L'Archevêque d'Edeffe nommé Hugues, périt dans cette occafion; il portoit avec lui des fommes confidérables qu'il avoit ramaffées de tous côtés fous prétexte de défendre la ville; l'envie de conferver tout cet argent occafionna fa perte. Zenghi fit réparer les fortifica

(a) Dans le mois Dgioumadi elakher lon Benelathir, & 18, felon Aboulfede l'an 539 de l'Hegire. dha.

(6) Le fiège avoit duré 28 jours, fer.

nah.

Aboulma

L'an 1144.

Il

y

tions, & après avoir laiffé une nombreufe garnifon dans la Apr. J. C. ville, il marcha contre les autres places dont les Francs Zenghi. étoient maîtres dans les environs. Il prit d'abord Saroudge, enfuite il alla faire le fiége de Bira, château très-fort, qui étoit auffi, comme Saroudge, de la dépendance du Comte d'Edeffe. Il étoit près de fe rendre maître de cette place, lorfqu'il apprit la facheufe nouvelle que Nafir eddin Dgiacar fon Lieutenant dans Mouffoul venoit d'être tué. Aboulfedha avoit dans Mouffoul un Prince de la famille des Benetathir. Seljoucides, nommé Alp-arflan (a). Zenghi lui faifoit accroire que tous les pays dont il faifoit la conquête étoient pour lui, & fe contentoit de prendre vis-à-vis de ce Prince le titre d'Atabek, c'est-à-dire, pere du Prince, ou Gouver neur. Mais malgré cette foumiffion apparente, il ne lui laisfoit aucune autorité. Pendant fon abfence, Nafir eddin Dgiacar étoit refté dans Mouffoul, où il avoit foin du gouvernement, & régloit fur-tout les dépenfes d'Alp-arflan. Quelques-uns confeillerent à celui-ci de se défaire du Lieutenant, & de s'emparer de la ville, ce qui fut exécuté en partie. Dans le tems que Dgiacar étoit allé faluer à fon ordinaire Alp-arflam, il fut affaffiné par quelques gens qui avoient été apoftés; on lui coupa la tête, qu'Alp-arflan fit jetter au milieu des gens de fa fuite, espérant les intimider & les diffiper, mais il en arriva le contraire. A la vûe de cette tête, ils fe rallierent, & entreprirent de forcer le palais d'Alparflan. Tout le monde prit les armes, on s'affembla dans le palais de Zenghi; enfuite le Cadhy Tadgeddin yahia alla trouver Alp-arflan, lui expofa le danger qu'il couroit, & l'engagea à monter au château; ce Prince n'y fut pas plutôt entré, qu'il s'y trouva renfermé. Zenghi, inftruit de tout ce qui venoit de fe paffer, quitta le fiége de Bira, & prit la route de Mouffoul; mais il apprit en chemin que tout étoit appaifé. I nomma un nouveau Gouverneur appellé Zeineddin. D'un autre côté, les Francs qui appréhendoient que Zenghi ne revint auffi- tôt, livrerent la place à Houfameddin (b) timourtasch, Roi de Ma

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(a) Fils du Sulthan Mahmoud, fils de Mohammed.

(b) Aboulfedha, Aboulfaradge & Benfchounah difent Nodgemeddin.

redin, qui venoit d'y envoyer quelques troupes.

Zenghi fçachant que la paix étoit rétablie dans Mouffoul, Apr. J. C. Zenghi. continua de faire la guerre dans les différens pays de la Sy- L'an 1145 rie (a). Il envoya un corps de troupes pour affiéger le châ- Benelathir. teau de Phenek, fitué au Nord de Maredin, fur le bord du Aboulfedha Tigre, & qui appartenoit à Houfamed doulet, Emir des Kurdes Schenouïens. Ce fiége fut long. La place étoit trèsforte, & elle ne put être prife. Pendant que fon armée étoit devant Phenek, Zenghi alla en perfonne faire le fiége du château de Dgiaber (b). Cette place avoit été donnée par le Sulthan Malek fchah à l'Emir Salem; & Aly (c) defcendant de cet Emir, la poffédoit alors. Après que Zenghi eût refté pendant quelque tems devant ce château, il fit folliciter Aly par Haffan, Emir de Manbedge, de fe rendre; mais Aly s'obftina de réfifter; & quand Haffan lui demanda qui pourroit le défendre contre les grandes armées de Benelathir. ce Prince, Aly lui répondit: Celui qui vous a défendu Guillaume contre l'Emir Balak. Balak étant à faire autrefois le fiége de Tyr, de Manbedge, fut atteint d'une fleche, dont il mourut. Haffan rendit compte à Zenghi de la fermeté d'Aly, mais il lui cacha la fin de fa réponse. Zenghi continua le fiége; & la prédiction de l'Emir Aly fe vérifia bientôt. Une troupe d'efclaves fe jetterent fur Zenghi pendant la nuit, le tuerent (d), & fe fauverent enfuite dans le château. Ce fut la garnifon qui la premiere annonça la mort de Zenghi. Les Officiers de ce Prince entendant crier de deffus les murailles qu'il étoit mort, coururent à fa tente, où ils le trouverent qui rendoit les derniers foupirs.

Emadeddin zenghi eft regardé par les Orientaux comme

(4) L'an 540 de l'Hegire.

(b) C'eft ce que Guillaume de Tyr Homme Calogenbar, pour Calaat Dgiaber, c'est-à-dire, château de Dgiaber.

(c) Aly étoit fils de Malek, fils de Salem, fils de Badran, fils de Moclad, fils de Moufaib, de la Tribu des Arabes Ocailites.

(d) Les de Rabi elakher de l'an 540 de l'Hegire. Nos Hiftoriens qui l'appellent Sanguinus, rapportent ces deux

vers qui furent faits en apprenant la
nouvelle de fa mort :

Quam bonus eventus ! fit fanguine fan-
guinolentus,

Vir homicida, reus, nomine fangui

neus.

Benelathir & Aboulfaradge qui placens
fa mort à l'an 540, font plus d'accord
avec nos Hiftoriens, qu'Aboulfedha qui
la met en 541.

Aboulfedha

Benelathiri

Apr. J. C.

L'an 1145. Zenghi.

un des plus grands Princes de fon fiécle. Son courage, fa
prudence & fa fageffe le rendirent le plus puiffant. Son at-
tention finguliere pour tout ce qui regardoit fes foldats, foit
pour leur
leur paye, foit l'entretien de leurs femmes & la
pour
confervation de leurs biens & de leur honneur, le rendit
cher à la Milice, & par-là invincible. Il ne pardonnoit pas
les infultes que l'on faifoit aux femmes de fes foldats. Leurs
maris, difoit-il, abandonnent leurs maifons pour me fuivre dans
les combats, je dois veiller à la confervation de leurs familles.
Il fut toujours occupé à empêcher que le riche n'opprimât
le pauvre, que fes Emirs ne devinffent infolens, & ne s'em-
paraffent du bien d'autrui. Pour leur en donner l'exemple,
il aimoit mieux fouffrir lui-même, que de faire fouffrir un de
fes fujets. Il ne vouloit point que fes foldats euffent des ter-
res, parce que tant qu'il feroit maître du pays, ils devoient,
difoit-il, y trouver de quoi vivre, & que s'il en étoit chaffé,
ils feroient contraints d'abandonner ces biens. D'ailleurs il
regardoit ces poffeffions pour eux comme une occasion de
tourmenter les peuples. Tous les vendredis il faifoit diftri-
buer de grandes fommes aux pauvres. Il ne permettoit pas
qu'aucun de fes fujets paffât au fervice d'un Prince étranger;
il disoit à ce sujet, qu'il regardoit fes Etats comme un jar-
din environné de haies, & que celui qui en fortoit facilitoit
l'entrée à l'ennemi. Il fit réparer toutes les fortifications de
Mouffoul, en ajouta de nouvelles, fit venir dans la contrée
d'Alep les Turkomans Aïouaniens, avec leur Emir Yaroc
pour résister aux Francs. Il étendit confidérablement fes
Etats, ou plutôt il fe forma un Empire aux dépens des Or
tokides, des Francs & des Rois de Damas ; & afin de trou-
ver par-tout de l'argent quand il vouloit entreprendre une
expédition, il avoit coutume de diftribuer fon tréfor dans
plufieurs villes. Il faut avouer cependant que fouvent il n'a
montré de vertus, qu'autant qu'il les a cru favorables à l'am-
bition déméfurée de fe former un Etat. La juftice qu'il pra-
tiquoit envers es fujets, fa charité envers les pauvres, fon
attention pour le bien de fes troupes, n'avoient d'autre but
que de fe faire aimer du peuple, & il forçoit fon caractère,
La fourberie qu'il employa pour regagner les bonnes gra-

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