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L'an 1145

ces du Sulthan des Seljoucides, les traités qu'il n'observa pas en plufieurs occafions vis-à-vis de fes ennemis & de fes Apr. J. C. amis, nous font connoître que fon intérêt étoit la régle de Zenghi fa conduite. Il étoit âgé d'environ foixante ans quand il mourut. On porta fon corps à Racca, où il fut inhumé. Il laissa plufieurs enfans, Seïfeddin ghazi, Noureddin mahmoud (a), Cothbeddin maudoud (b), & Nofrateddin : le fecond avoit époufé la fille d'Anar, Régent du Royaume de Damas.

La mort de Zenghi occafionna de grands troubles dans fon camp. Rien n'étoit capable de maintenir les foldats dans le devoir, ni les Emirs dans l'obéissance. Le Vizir Dge- Noureddin maleddin, qui ne s'y crut pas en fûreté à caufe de l'inimi- Seifeddin. tié qui étoit entre lui & l'Emir Selah-eddin el yaghifchani, Benelathir. Aboulfedha fe retira fecrettement chez un autre Emir, nommé El dgioundar. Mais ce qui caufa le plus de defordre, & penfa ruiner la famille des Atabeks, fut la préfence d'Alp-arflan, qui le jour même de la mort de Zenghi s'étoit rendu au camp. Toutes les troupes s'affembloient déja autour de ce Prince, & paroiffoient vouloir fe déclarer en fa faveur. Dgemaleddin ne crut pas devoir refter plus long-tems caché, & malgré tout le danger auquel il s'expofoit, il fit fçavoir à Selaheddin qu'il devoit oublier la haine qui étoit entre eux deux depuis long-tems, & fe réunir à lui pour conferver l'Empire aux enfans de Zenghi, qu'Alp-arflan vouloit leur enlever, & qu'il étoit encore tems d'arrêter les progrès que ce Prince faifoit parmi la Milice. Les deux Minifires, uniquement occupés du bien de l'Etat, firent la paix entre eux. Dgemal eddin fe montra en public, alla trouver Alp-arflan, parut favorifer fes deffeins, & lui confeilla de fe rendre maître des pays de Zenghi. Selaheddin fit la inême démarche, ils lui représenterent l'un & l'autre que Zenghi n'avoit été que fon Lieutenant: Alp-arflan les crut, leur fit connoitre toute l'étendue de fes projets, & eut en eux une pleine confiance. Pendant qu'ils amufoient ainfi ce Prince, ils avoient dépêché un courier vers Zeineddin aly, Gouverneur de Mouffoul, & lui avoient ordonné de faire fçavoir la mort

(a) C'est celui que Guillaume de Tyr (6) Surnommé Aboul moulouk.. pomme Noradin,

de Zenghi à Seifeddin ghazi, l'aîné des enfans de ce PrinApr. J. C. L'an 1145. ce, afin qu'il fe rendît au plutôt à Mouffoul. Seifeddin étoit Noureddin alors dans la ville de Scheherzour, que fon pere lui avoit Seifeddin. donnée en appanage. D'un autre côté, Noureddin mah

moud, autre fils de Zenghi, venoit de fe retirer à Alep avec le fceau de fon pere, & il s'étoit emparé de cette ville. Dgemaleddin confeilla à Alp-arflan d'y envoyer Selaheddin, pour y défendre fes intérêts, & conferver Alep dans la foumiffion. Alp-arflan donna dans le piége; & Selaheddin qui fe rendit par fes ordres à Alep, n'y fut occupé que du foin d'y établir Noureddin, & d'empêcher que les Francs ne vinffent prendre cette ville. Dgemaleddin qui étoit refté feul auprès d'Alp-arflan, le conduifit à Racca où il lui procura toutes fortes de plaifirs, & fit venir un grand nombre de chanteuses, afin de l'éloigner des affaires. Alparflan qui se croyoit déja paisible poffeffeur des Etats de Zenghi, étoit entierement plongé dans la débauche. Dgemaleddin follicitoit fecrettement les troupes, recevoit tous les jours le ferment de fidélité d'un grand nombre d'Emirs pour Seïfeddin, & les envoyoit à Mouffoul. C'est ainfi qu'il`employa tout le tems qu'il refta à Racca; il conduifit ensuite Alp-arflan à Makfin, & de-là à Sandgiar.

Auffi-tôt qu'il eût appris que Seifeddin étoit maître de Mouffoul, il fit paroître un homme qui offroit à Alp-arflan de lui livrer cette ville. Il faifit cette occafion pour engager ce Prince à s'y rendre au plutôt, l'affurant que Seïfeddin viendroit au-devant de lui le reconnoître pour fon maître; qu'alors il feroit aifé de fe faifir de fa perfonne. Alparflan quitta Sandgiar, & courut vers Mouffoul. Une partie de fon infanterie l'abandonna dans la route, & quand il eut paffé le Tigre, Dgemaleddin le quitta, fe rendit promptement à Mouffoul, d'où il envoya l'Emir Azzeddin aboubekr pour l'arrêter. Cet Emir mena Alp-arflan à Mouffoul, où on le renferma. Par-là Seïfeddin ghazi fut reconnu Roi de Mouffoul, il reçut du Sulthan Mafoud la robe d'honneur & l'inveftiture de fes Etats; Dgemaleddin (a) fut fait Grand-Vizir ;

(a) Il étoit appellé Aboudgiafar

Zeïneddin

Seifeddin.

Zeineddin (a) eut le gouvernement du château de Moussoul, Apr. J. C. Azzeddin aboubekr, le Dgeziret ben omar. Alors tout l'Em- L'an 1145pire de Zenghi forma deux Royaumes. Le premier, foumis Noureddin à Seifeddin, avoit Mouffoul pour capitale. Cette ville eft Benjamin fituée fur le bord occidental du Tigre, qui la fépare de l'an- de Tud. cienne Ninive, dont il ne refte que quelques ruines. Elle Schulteus. eft grande, bien peuplée, & une des plus célebres villes de l'Orient. Elle eft nommée Mouffoul, c'eft-à-dire, la jonction, parce que dans cet endroit la Méfopotamie & l'Eraque fe touchent. Alep, capitale des Etats de Noureddin, eft la même qu'Aram-tfoba ou Berrhoea. Il y avoit alors un fuperbe château, & elle n'étoit pas moins célebre que Mouffoul.

Pendant que Noureddin & Seifeddin partageoient entre Aboulfedha eux les Etats de leur pere, Modgireddin abc, Roi de Damas, alla s'emparer de Baalbek; Nodgemeddin ayoub, pere du fameux Saladin, qui en étoit le Gouverneur, ne voyant aucune apparence de fecours de la part des deux Princes, livra cette ville; & après avoir obtenu en échange quelques villages, il fe retira à Damas.

Benclathir.

La nouvelle de la mort de Zenghi, qui s'étoit répandue Guillaume parmi les Francs, leur fit concevoir quelques efpérances de de Tyr délivrer des mains des Turcs la ville d'Edeffe. Ils choifirent Aboulfedha le moment que Noureddin étoit occupé à établir fa puiffance dans Alep. Jofcelin, Comte d'Edeffe, qui demeuroit alors dans la ville de Tell-bafcher, fit propofer (b) aux habitans d'Edeffe de lui livrer leur ville; la garnifon Turque étoit peu nombreuse, & le peuple étoit Chrétien, ainfi ils lui promirent de lui ouvrir les portes. Auffi-tôt Jofcelin, accompagné de Baudouin de Mares & d'un corps confidérable de troupes, paffa l'Euphrate, & fe préfenta pendant la nuit au pied des murailles de cette ville, il y fut introduit; toute la garnifon Turque & les Mufulmans fe réfugierent promptement dans la citadelle, mais Jofcelin, faute de munitions & de machines, ne put les y forcer. Ils députerent auffi-tôt un courier à Mouffoul vers Seifeddin, pour L'inftruire de leur fituation. Le courier rencontra dans le ter

(a) Il poffédoit alors Arbel.

(6) Guillaume de Tyr dit que ce fut Tom. II. Part. II.

les habitans qui folliciterent ce Compe

Y

Apr. J. C.

ritoire de Mouffoul Azzeddin aboubekr el dobaïfi, qui alloit Noureddin prendre poffeffion de quelques biens dans le Dgeziret, il prit Seifeddin. auffi-tôt la route d'Edeffe avec le corps de troupes qu'il

avoit, & il ordonna au courier de continuer fon chemin afin de demander de nouvelles troupes à Seifeddin, mais tous fes foins devinrent inutiles,par la prudence de Noureddin, qui en apprenant à Alep la perte d'Edeffe, s'étoit mis auffitôt à la tête de fes troupes, & avoit invefti la ville. Les Francs qui n'étoient point en état de fe défendre, prirent le feul parti qui leur reftoit, c'étoit celui de fe faire jour au milieu des ennemis, & de fortir de la ville. Les citoyens qui avoient contribué à la reddition, ne fe croyant pas en fûreté, réfolurent d'accompagner les Francs. Tous fe mettent en marche, les troupes de Noureddin les attendent à la porte, la garnifon Turque fort du château, & les attaque par derriere, les Francs gagnent avec peine la plaire; les vieillards, les malades, les femmes & les enfans des deux fexes furent foulés fous les pieds des chevaux; prefque tous les habitans qui fuivirent les Francs, furent tués, Edesse fut reprise par Noureddin, & Jofcelin fe fauva à Samofath, & de-là à Tellbafcher. Ce fut la prife de cette ville d'Edeffe, & celle de quelques autres places, comme Artéfie, Mamoula, BaAboulfedha farfout, & Kafarlatha (a), qui donnerent lieu à la Croisade, que S. Bernard, Abbé de Clairvaux, prêcha dans l'Occident. Elle attira dans la Syrie un grand nombre de François & d'Allemands, qui fe joignirent aux Francs, & allerent faire le fiége de Damas.

Aboulmahafen.

L'an 1147.

Soyouthi.

Pendant que ces chofes fe paffoient ainfi du côté d'Alep, Benelathir. Seifeddin étoit occupé à recevoir dans Mouffoul le ferment Aboulfedha de fidélité de la plupart de fes Emirs; il paffa enfuite dans la Syrie, tant pour faire la vifite de ce pays, que pour se racommoder avec fon frere Noureddin. Ces deux Princes. viyoient dans une défiance continuelle l'un de l'autre ; Noureddin qui étoit le plus puiffant, profitoit de la foibleffe de fon aîné, & exigeoit de lui des Places que celui-ci lui accordoit, pour conferver le refte de fon pays, & gagner les

(a) L'an 542 de l'Hegire..

Apr. J. C.

Seifeddin

bonnes graces d'un frere ambitieux. Ces deux freres fuivis chacun de cinq cens Cavaliers, eurent une entrevûe dans l'an 1147. les environs d'Alep; Noureddin donna de grandes marques Notre din d'amitié à fon frere, defcendit de cheval, vint baifer la terre devant lui, & l'embraffa; il revint enfuite à Alep d'où il partit peu de tems après avec fon armée pour accompagner Seifeddin, fous prétexte qu'il étoit important qu'ils demeuraffent enfemble pendant quelque tems, afin que les Francs inftruits de leur union, n'ofaffent rien entreprendre. Ceux-ci étoient alors très-puiffans, ils venoient de recevoir d'Europe de grands fecours fous la conduite de Louis VII. Roi de France, & de l'Empereur Conrad. Toutes ces armées réunies étoient alors devant Damas, dont elles faifoient le fiége; mais les liaisons des Francs de Syrie avec les Mufulmans, & la jaloufie qu'ils avoient contre les François & les Allemands, avoient fait échouer cette entreprife; parlà Damas fut confervée aux Mufulmans. Noureddin & Seifeddin étoient venus au fecours de cette ville. Après que le fiége eut été levé, Noureddin alla à Baalbek où Anar Régent du Royaume de Damas l'avoit invité, pour prendre ensemble des mefures fur la fituation des affaires. Dans le tems qu'ils y étoient ils reçurent une lettre du Comte B.nelahira de Tripoli, par laquelle ce Comte les exhortoit de venir affiéger le Château d'Arima. Le fils du Roi (a) de Sicile qui avoit fuivi les Princes Croifés dans la Syrie, venoit de lui enlever cette Place, & paroiffoit vouloir s'emparer auffi de Tripoli. Cette conduite des Croifés indifpofa tellement le Comte, qu'il s'unit aux Musulmans contre les Chrétiens. Noureddin & Anar allerent faire le fiége de ce Château, & Seifeddin leur envoya de nouvelles troupes fous la conduite de Seïfeddin Aboubekr el dobaïfi. Le Prince de Sicile repouffa ces Mufulmans, mais Noureddin ayant fait fapper les murailles, il s'en rendit maître en peu de tems, fit prifonniers les hommes, les femmes, les enfans qui y étoient, avec les foldats, & le Prince de Sicile lui même ; enfuite il fit rafer le Château & fe retira vers Seifeddin.

(a) Les Arabes nomment ce Roi de Siçile Phatfch, ou Alphonfch.

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