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L'an

Cothbed

troupe d'Egyptiens, gens affez láches, & quelques cava-
liers armés à la légère, appellés Turcoples. Il eft difficile an 1167.
Apr. J. C.
de concilier deux récits fi oppofés; Schirkouh regardoit Noureddin
l'armée des Francs fi fupérieure à la fienne, qu'il n'ofoit din.
hazarder un combat. Quoi qu'il en foit, on fe rangea de
part & d'autre en ordre de bataille fur un terrain inégal, rem-
pli de collines qui étoient formées par les fables. Ce lieu
étoit appellé Babaïn, c'eft-à-dire, portes ou détroits, parce
qu'il étoit refferré entre les collines. Schirkouh plaça tous
fes bagages au centre, dans la crainte qu'ils ne fuffent pillés
par les payfans des environs. Il en donna le commandement
à fon neveu Selah eddin, qui eft le fameux Saladin fi connu
par nos Hiftoires des Croifades. Il comptoit que les Francs,
perfuadés qu'il étoit lui-même (a) au centre, viendroient l'at-
taquer, il lui ordonna de reculer à mesure qu'ils avance-
roient, & il fe mit à la droite avec les plus braves de fon ar-
mée. Il avoit eu auparavant la précaution de s'emparer de
toutes les collines, & comme elles n'étoient formées que
de fable, les Francs ne pûrent s'y établir, ni en faire dé-
loger fes troupes. Les chofes arriverent comme ce Général
l'avoit prévû. Les Francs qui le croyoient au centre char-
gerent d'abord de ce côté, & fe perfuaderent déja d'avoir
remporté la victoire; mais Saladin en fe retirant & paroiffant
prendre la fuite, ne faifoit qu'exécuter les ordres de fon on-
cle. L'aile droite où les Francs croyoient que Saladin com-
mandoit, fut attaquée par Hugues de Céfarée; mais ayant
trouvé trop de réfiftance, ils fe débanderent, & Hugues
de Céfarée fut fait prifonnier; alors le refte de l'armée de
Schirkouh fondit fur le corps qui avoit la garde des bagages,
& le mit en fuite. Cependant la victoire étoit encore in-
certaine, on fe battoit par pelotons dans les différentes val-
lées dans lesquelles les Francs avoient voulu se retirer. Les
uns étoient victorieux pendant que leurs compagnons étoient
battus d'un autre côté. La nuit fit ceffer le combat. Les
Francs fe rallierent auprès du Roi, qui avoit fait placer fon
étendart fur une colline. L'armée de Schirkouh s'étoit re-

(a) Il ne fe trompoit pas, puifque étoit au centre. Guillaume de Tyr dit effectivement qu'il

וי

Cothbed

tirée vis-à-vis fur deux autres collines,& il falloit que les Francs Apr. J. C. L'an 1167. pour s'en retourner paffaffent à travers les ennemis. Ils fe Noureddin raffemblerent le lendemain, marcherent en bon ordre, ayant din. à droite & à gauche les troupes de Noureddin, qui furprifes de leur courage les laifferent continuer leur route. Ils fe rendirent à Lamonia, où Gérard de Pugi & le fils de Schaour venoient d'arriver avec cinq cens cavaliers & cent Turcoples. Ce fecours inattendu répandit la joie parmi les Francs; car ils avoient appréhendé jufqu'alors que les Turcs ne vinffent à chaque inftant les attaquer. Après s'être arrêtés pendant trois jours, ils fe rendirent au Caire & camperent proche le pont. Les Francs prétendirent qu'ils n'avoient perdu dans cette action que cent hommes, & que Schirkouh en perdit quinze cens. Il eft certain cependant que la victoire fut du côté de Schirkouh; les Hiftoriens Arabes la regardent même comme une des plus fignalées que l'on ait jamais remportées.

Benelathir.

Guillaume

Pendant que les Francs reprenoient le chemin du Caire, Aboulfedha Schirkouh fe rendit à travers le defert du côté de la mer, & s'étant présenté aux portes d'Alexandrie, les habitans lui Bohaeddin. remirent cette ville. Auffi-tôt que les Francs en furent insAboulfaradge.

de Tyr.

truits, ils raffemblerent leurs armées ; & comme Alexandrie tiroit toutes fes provifions du haut du Nil, ils difperferent un grand nombre de vaiffeaux fur ce fleuve, pour empêcher qu'on ne portât rien dans la ville, enfuite ils vinrent camper entre Toroge & Demenehut à huit milles d'Alexandrie, ils envoyerent de tous côtés des partis qui enlevoient les convois, de forte qu'au bout d'un mois la ville se trouva fans provifions, & le peuple commença à murmurer; Schirkouh qui craignit d'être obligé de fe rendre, laiffa fon neveu Saladin dans Alexandrie avec mille cavaliers, reprit pendant la nuit à travers le defert le chemin de la haute Egypte, & paffa tout à côté de l'armée des Francs. Le Roi Amaury le fuivit jufqu'au Caire; mais dans le tems qu'il alloit continuer fa marche, un Emir Egyptien (a) le vint trouver, lui dit qu'Alexandrie étoit réduite à

(a) Guillaume de Tyr le nomme Bene carfelle.

Apr. J. C.

la derniere extrémité, que par le moyen de fes parens, qui étoient les principaux de cette ville, il étoit en état de la L'an 1167. lui faire remettre avec tous les Turcs s'il vouloit y retourner, Amaury après avoir tenu confeil, prit auffi tôt le che- din. min d'Alexandrie, & en forma le fiége.

Noureddin
Cothbed-

Cette ville, une des principales de l'Egypte, eft fituée à l'entrée du defert du côté de la Lybie, affez près du bras du Nil qui paffe par Rofette. Elle a deux ports qui font féparés l'un de l'autre par une langue de terre qui s'avance dans la mer. C'eft fur cette langue qu'eft élevé le phare d'Alexandrie. On y voit un grand nombre de vaiffeaux qui s'y rendent de toutes parts. Par la mer Rouge & la ville d'Aideb, & enfuite par le Nil, on y apporte toutes les raretés de l'Inde. Les Francs de la Syrie, informés que le Roi Amaury faifoit le fiége de cette ville, profiterent de la facilité de s'y rendre par mer pour y accourir en foule & y apporter des vivres. Amaury fit élever des machines & dreffer des pierriers, avec lefquels il faifoit lancer des rochers immenfes. Les Turcs qui étoient en petit nombre ne pouvoient résister aux affauts. Déja le peuple parloit de chaffer Saladin; celui-ci en inftruit fon oncle, & tâcha de calmer la populace en lui promettant un prompt fecours. Le Roi Amaury qui n'ignoroit pas ces divifions pouffoit le fiége avec d'autant plus de vivacité, qu'il étoit à craindre que Schirkouh ne revînt. En effet, ce Général s'étoit enfoncé dans la haute Egypte où il faifoit le fiége de Kous; mais la difficulté de prendre cette ville, & la néceflité de venir délivrer fon neveu, le ramenerent dans la baffe Egypte, après avoir ramaffé tout l'argent qu'il put trouver. Lorfqu'il fe fut approché du Caire, & qu'il fut parfaitement inflruit de la fituation de fon neveu & de fes affaires en général, il propofa à Hugues de Céfarée qu'il retenoit prifonnier, de faire la paix avec le Roi Amaury, à condition qu'on rendroit de part & d'autre les prifonniers, qu'on leveroit le fiége d'Aléxandrie, & qu'on lui laifferoit le chemin libre pour retourner en Syrie. Ses propofitions furent communiquées à Amaury & acceptées par tous les Francs. Les Hiftoriens Benelathir. Arabes s'expriment d'une autre façon fur les conclufions de Aboulfedha

Noureddin

Apr. J. C. ce traité. Ils prétendent d'abord que la paix fut propofée L'an 1167. par les Francs qui s'engagerent à payer à Schirkouh cinCothbed quante mille piéces d'or, à lui laiffer tout ce qu'il avoit pris dans le pays, à rendre Alexandrie aux Egyptiens, & à leur égard, à fortir de l'Egypte où ils ne pofféderoient

din.

rien.

y

Après que le traité, quel qu'il foit eût été figné, on fit ceffer les hoftilités; les Francs entrerent dans Alexandrie, drefferent l'étendart du Roi; Saladin fortit, & avant que de prendre le chemin de la Syrie, il vint trouver le Roi Amaury, & refta dans le camp des Francs. Le grand Vizir Schaour prit (a) possession d'Alexandrie & y établit de nouveaux Officiers. Après cette expédition Schirkouh & fon neveu Saladin s'en retournerent à Damas (b). Amaury s'en alla au Caire où il fit un nouveau traité avec le Grand Vizir, car le Khalif dépouillé de toute autorité n'étoit inftruit de rien. Ils convinrent ensemble qu'il y auroit dans le Caire une garnifon de Francs, & que les Egyptiens leur payeroient cent mille piéces d'or. Enfuite Amaury s'en alla (c) à Afcalon.

Pendant que le Général Schirkouh avoit été occupé de l'expédition de l'Egypte, Noureddin avoit porté la guerre dans le pays des Francs, il avoit pris le château d'Akaph dans le défert, Saphia & Arima, de-là il avoit été obligé de marcher contre la ville de Manbedge, où Ghazi qui en étoit le Gouverneur, venoit de fe révolter contre lui. Noureddin la prit & la donna à Cothbeddin Inal frere de Ghazi. Enfuite, dans le deffein de continuer la guerre contre les Francs, il fe rendit à Hama où il fut joint par fon frere Cothbeddin Roi de Mouffoul, & par Zeïneddin appellé Aly Koutchouq, fils de Balkteghin. Ils allerent enfemble détruire Hounain (d), & ce fut après cette expédition que Schirkouh revint de l'Egypte avec fon armée qui étoit en mauvais état.

(a) Dans le mois Schoual, vers le milieu.

(b) Ils y arriverent le 18 de Dzoulcaada de l'an 562.

(c) Il y arriva, felon Guillaume de Tyr, le 12 des kalendes de Septembre, la quatrieme de fon regne, l'an 1167. (d) Dans le mois Schoual. Dans

Apr. J. C.

Cothbed

Dans le même tems (a) le Roi de Mouffoul perdit Zéïn eddin. Cet Emir gouvernoit depuis long-tems le Royaume L'an 1167. de Mouffoul avec la réputation d'un homme fage, éclairé, Noureddin généreux, & qui n'étoit occupé que du bien public. Lorf- din. que fon âge & fes infirmités ne lui permirent plus de va- Aboulfidha quer aux affaires du gouvernement (il étoit devenu aveugle & Benelathir. fourd) il fe retira dans la ville d'Arbel qui lui avoit été donnée par Emadeddin zenghi, & remit entre les mains de Cothbeddin celles de Sandgiar, de Harran & autres. Ce Prince nomma à fa place Phakhreddin abdolmefih,qui par fa conduite oppofée à celle de Zeïneddin, encourut l'indignation de tout le peuple & du Roi fon maître qui le dépofa trois ans après (b).

D'un autre côté Noureddin (c) fit une conquête à la- L'an 1168. quelle il ne s'attendoit pas; le château de Dgiaber fitué près de l'Euphrate, appartenoit depuis le regne du Sulthan Malek fchah'à la famille des Ocaïlites. Celui qui le poffédoit alors étoit nommé Schehabeddin Malek; un jour qu'il fortit de ce château pour aller à la chaffe, il fut arrêté par les Kelabites, & conduit à Noureddin qui le renferma dans Alep. C'eft alors qu'il conçut le deffein de s'emparer du château, il effaya inutilement d'engager Schehabeddin à le lui remettre. Noureddin ne donna point ici des preuves de cette juftice dont il faifoit profeffion; mais il s'agiffoit d'étendre fes Etats. Il envoya des troupes qui firent le fiége du château, la réfiftance de la garnifon l'obligea d'y en envoyer de nouvelles, fans qu'il pût s'en rendre maître de force, & il ne l'eut que parce que Schehabeddin confentit enfuite à le lui céder en échange de Sandgiar & de quelques autres villes. Il donna le gouvernement de ce château à Madgededdin fils de Daieh.

Ce Prince étoit toujours attentif à toutes les démarches des Francs qui ne cherchoient que l'occafion de pouvoir s'emparer de l'Egypte. Mais en s'efforçant de les chaffer de ce pays, il n'avoit point envie de le conferver aux Phathimites. Les Francs de leur côté, bien inftruits de fes deffeins, craignoient de voir l'Egypte réduite en province du Royau

(a) L'an 563 de l'Hegire.

(b) L'an 566 de l'Hegire, & de J. C. Tom. II. Part. II.

1170.

(c) L'an 564 de l'Hegire.

Cc

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