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Apr. J. C.

me d'Alep, & cette crainte ainfi que l'envie de s'en emL'an 1168. parer, leur faifoient négliger l'obfervation des traités. Ils Noureddin avoient une garnifon dans le Caire où ils étoient très-puisdin. fans. Les Chefs écrivirent à Amaury, & lui firent envisager Benelashir. Cette conquête comme très-facile. Ce Prince, au rapport

Cothbed

de Tyr.

des Hiftoriens Arabes, ne voulut point y confentir, fous. prétexte qu'en violant ainfi les traités, c'étoit fe rendre tous les habitans ennemis, les engager à fe tourner du côté Guillaume de Noureddin, & à lui remettre leur pays. Un des plus ardens à porter Amaury à entreprendre cette guerre étoit Gerbert Affalit, grand maître de l'Hôpital. Il efpéroit qu'après cette conquête, Pélufe feroit pour fon Ordre; mais les autres Chevaliers n'étoient point de fon avis, & vouloient qu'on obfervât le traité. Plufieurs autres Princes Francs fe joignirent à lui, & affurerent au Roi qu'il feroit maître de I'Egypte, avant que Noureddin en fût inftruit; Amaury ne confentit que malgré lui à faire la guerre. Il leva une armée,feignant de vouloir aller prendre Hemeffe en Syrie; mais il tourna (a) tout à coup du côté de l'Egypte, traverfa le défert, & fe rendit en dix jours devant Pélufe. Elle fut prife (6) après trois jours de fiége, mise au pillage, & on: n'épargna perfonne.

Bohaeddin.

Guillaume

de Tyro

Aulli-tôt que Schaour eut été inftruit de cette rupture, il. refta quelque tems incertain fur le parti qu'il avoit à prendre. Il fe détermina enfin à envoyer demander du fecours à Noured-din. Ce Prince auroit bien voulu fe rendre en Egypte; mais il craignoit que pendant fon abfence, les Francs n'entraffent dans fes Etats de Syrie. D'ailleurs il fongeoit à s'em-parer de plufieurs villes à l'occafion de la mort (c) de Zeïneddin aly qui avoit été premier Miniftre du Roi de Moussoul. Ces villes venoient d'être cédées par Zeïneddin au Roi de Mouffoul frere de Noureddin, mais cette confidération n'étoit pas capable de l'arrêter: en conféquence, il ne partit point pour l'Egypte, & il fe contenta d'y envoyer Schirkouh.. Pendant que cet Emir s'avançoit du côté de l'Egypte, le

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Cothbed

Roi Amaury avoit quitté Pélufe, & étoit venu camper devant le Caire (a). Ce Prince n'avoit pas deffein de le pren- L'an 1168. Apr. J. C. dre, il vouloit feulement lui éviter le fort que Pélufe avoit Noureddin eu; & il avoit employé dix jours à faire un chemin d'une journée, espérant que Schaour lui donneroit une fomme d'argent pour l'engager à fe retirer. Mais la conduite que les Francs avoient tenue à Pélufe fut caufe que les habitans du Caire se préparerent à fe défendre. Déja Schaour avoit fait mettre le feu à la ville de Mefr le jour (b) qui précéda leur arrivée. Cet incendie dura cinquante-quatre jours. Amaury avoit mandé ses vaiffeaux qui entrerent par la bouche du Nil, qui eft proche de Taphnis, mais les Egyptiens étoient venus au-devant pour leur fermer les paffages, & l'approche de Schirkouh ne permettoit pas que les Francs entrepriffent de les forcer. Le Khalif lui-même avoit imploré la protection de Noureddin ; & pour l'engager davantage à venir prendre la défense des Mufulmans, il lui avoit envoyé dans les lettres qu'il lui écrivit, des cheveux des femmes de fon férail, pour lui faire voir que toutes ces femmes imploroient fa miféricorde. En même tems Schaour ne pouvant repouffer par la force les Francs, chercha les moyens de les tromper. Il écrivit à Amaury pour lui protefter qu'il fouhaitoit être fon ami, mais que tous les Egyptiens étoient irrités contre lui, qu'ainfi il jugeoit plus à propos de faire la paix, & de lui donner une fomme confidérable, de peur que Noureddin ne vînt s'emparer du pays. Milon de Planci, homme fort dangereux, qui connoiffoit l'avarice outrée du Roi Amaury, engageoit ce Prince à recevoir cet argent. Les troupes ne fongeoient qu'au pillage du Caire, & murmuroient des confeils de Milon; Amaury qui voyoit bien qu'il ne pouvoit prendre cette ville, & que les habitans étoient réfolus de fe rendre à Noureddin, confentit de se retirer, moyennant un million de piéces d'or, dont une partie feroit payée fur le champ & le refte dans un tems fixé. Schaour en donna d'abord cent mille aux Francs & ils décamperent, mais dans le deffein d'aller lever de plus grandes forces pour revenir auffi-tôt.

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Benelathir.

din.

Pendant que Schaour traitoit avec les Francs, le Khalif Apr. J. C. faifoit offrir à Noureddin le tiers des revenus de l'Egypte, & L'an 1168. Noureddin demandoit que Schirkouh y demeurât. Noureddin avoit donné à Cothbed- ce Général une grande quantité de provifions, avec deux cens mille piéces d'or. Son armée étoit compofée de deux mille Cavaliers, & de fix mille Turkomans à cheval; il l'avoit conduit lui-même jufqu'à Ras el ma où il avoit donné de nouveau à chaque Cavalier vingt piéces d'or. Parmi les Emirs. qui accompagnoient Schirkouh étoient Azzeddin Dgiawardik, Azzeddin Kilidge, Scherfeddin Bargousch, Ain eddoulet el Yarouki, Cothbeddin Inal, & enfin le fameux Saladin; celui-ci ne s'y rendoit que malgré lui. Il ne fçavoit pas alors que lui feul devoit recueillir tout le fruit de cette expédition, & devenir le Souverain de l'Egypte. Les Francs ayant été inftruits de la marche de Schirkouh, fe retirerent aussitôt à Pélufe. Le Roi Amaury y laiffa quelques troupes pour la garder & marcha à la rencontre de l'ennemi (a); mais ne l'ayant pas trouvé & ne pouvant plus refter dans ce pays, il reprit le chemin de Pélufe (b), & enfuite celui de la L'an 1169. Syrie. Ce départ caufa beaucoup de joye à tous les MufulBenelathir, mans. Schirkouh entra dans le Caire (c) & alla faluer le Khalif Adhed, qui le revêtit de la robe d'honneur, & fit beaucoup de préfens à lui & à toute fon armée.

Schaour ne fut pas content de la maniere dont Schirkouh fut reçu par le Khalif, mais la présence d'une armée l'obli geoit à cacher fon reffentiment, il affectoit même d'aller rendre vifite à Schirkouh, projettant fecretement d'attirer chez lui ce Général avec fes principaux Emirs, & de les arrêter tous; projet qui probablement eut réuffi fans fon fils Kamel qui s'y oppofa, & protesta d'en informer Schirkouh. Envain Schaour lui repréfenta que Schirkouh avoit dessein de les faire périr tous, Kamel lui répondit qu'il valoit mieux périr que de fouffrir que l'Egypte paffât entre les mains des Francs; alors Schaour parut fe défifter d'affaffiner Schirkouh. Pendant que Schaour étoit occupé de ce projet, il s'en formoit un pareil dans le champ de Schirkouh contre le

(a) Le 8 des kalendes de Janvier.
(b) Après les kalendes de Janvier

(c) Le 7 de Rabi elakher de l'an 1642

Noureddin

Miniftre Egyptien. Les principaux chefs de cette confpira- Apr. J. C. tion étoient Saladin, l'Emir Azzedin Dgiawardik & quel- L'an 1169. ques autres. Schirkouh ne voulut point en être, & s'oppofa Cothbedmême à ce qu'ils l'exécutaffent; mais les Emirs ne lui obéi- din. rent point dans cette occafion, perfuadés qu'il ne les défapprouveroit pas après l'exécution. Ils convinrent que lorfque Schirkouh feroit allé vifiter le tombeau de l'Imam Schafei, & que Schaour fe rendroit au camp, ils faifiroient cette occafion pour le faire périr. En effet, un jour que Schirkouh vifitoit ce tombeau, Schaour arriva, les Emirs lui propoferent d'y aller, & comme il étoit peu accompagné, Saladin fut le premier qui l'arrêta, & le tira de deffus fon cheval; mais perfonne n'ofa le tuer, & on fe contenta de le renfermer fous une tente. Ses domeftiques avoient déja pris la fuite. On informa Schirkouh de tout ce qui venoit d'arriver, il accourut auffi-tôt, & défendit qu'on le tuât; mais le Khalif qui avoit déja appris que Schaour étoit arrêté, envoya fur le champ demander fa tête, & elle lui fut portée auffi-tôt (a). Schirkouh entra alors dans le Caire. Il fut étonné de fe voir invefti par la populace; il craignoit qu'elle n'attentât fur lui. Pour s'en débarraffer il ordonna de la part du Khalif d'aller piller le Palais de Schaour, ce qui fut exécuté. Il continua fa route en liberté, & arriva auprès d'Adhed qui le fit fon grand Vizir, Commandant de fes troupes, & lui donna le titre de Malek el manfor, c'est-à-dire, de Roi victorieux.

Schirkouh prit poffeffion de ces grandes charges, & ne rencontra aucun compétiteur. Il alla loger dans le palais des Vizirs. Enfuite il fit des largeffes aux troupes qui l'avoient accompagné; mais il fut à peine élevé aux plus hautes dignités, qu'il tomba malade & mourut (b). Il n'avoit gouverné l'Egypte en qualité de Grand-Vizir, que pendant deux mois & cinq jours. En paffant dans ce pays, & en s'y établiffant, il n'avoit pas ceflé de fe regarder comme fujet de Noureddin & fon Lieutenant dans l'Egypte. Après la mort la plupart des Emirs briguerent fa place auprès du Khalif,

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L'an 1169.

mais ce Prince l'accorda (a) à Saladin qui avoit eu tant de Apr. J. C. répugnance à fe rendre en Egypte. Au refte, il ne jetta les Noureddin yeux fur lui, que parce qu'il espéroit que cet Emir n'auroit Cothbed- point affez d'autorité pour contenir les troupes, & qu'alors

din.

ce feroit une occafion favorable de détruire la puiffance de ces Grands-Vizirs. Adhed donna à Saladin le titre de Maleken-nafer, c'est-à-dire, Roi victorieux.

Aucun des Emirs de l'armée de Noureddin ne voulut ni regarder ni fervir Saladin, tous l'abandonnerent, comme le Khalif l'avoit prévû. Un Docteur de la Loi nommé Dhia eddin Iffa el hekari, alla d'abord trouver l'Emir Seïfeddin Aly (b), & l'engagea dans le parti de Saladin, enfuite Schehabeddin el haremi oncle du Vizir, auquel il représenta qu'il ne devoit point contribuer à la perte du fils de fa fœur; il fit entendre à Cothbeddin inal & à Aïn eddoulet el yarouki, qui étoient Kurdes d'origine comme Saladin, qu'il ne reftoit plus qu'eux à fe foumettre, & qu'ils devoient s'attacher à faire paffer cet Empire dans leur nation; que par les divisions qui régnoient entr'eux, les Turcs alloient en devenir les maîtres. C'est ainsi que Dhia eddin Iffa fçut ramener au parti de Saladin tous les Emirs de l'armée de Noureddin. Cet Emir fe trouva maître abfolu, mais il n'étoit, ainsi que fon oncle Schirkouh, que le Lieutenant de Noureddin, & tout ne fe faifoit dans l'Egypte qu'au nom de ce Prince; c'étoit en fon nom qu'on faifoit la priere publique. D'un autre côté, Saladin par fes largeffes parvint à gagner les cœurs de tout le monde, & le Khalif fut trompé dans fes efpérances.

Lorfque Saladin fe vit une fois affermi dans le Royaume d'Egypte, il fit prier Noureddin de renvoyer en Egypte fes freres; mais Noureddin lui fit réponse qu'il ne croyoit pas qu'il fût à propos qu'ils allaffent dans ce pays, où peut-être par la fuite ils s'oppoferoient à fes deffeins, & exciteroient des troubles qui faciliteroient le retour des Francs. Parmi ces freres de Saladin étoit Schamfeddoulet touranschah fon aîné. A la fin Noureddin confentit à leur départ. Il demanda à Touranfchah s'il refteroit volontiers foumis à fon frere ;

(a) Sur la fin de Dgioumadi elakher (6) Fils d'Ahmed. de l'an 564.

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