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droit avec fon armée, alors Noureddin alla faire le fiége Apr. J. C. de Sandgiar où il y avoit une nombreuse garnison. Dans le Noureddin tems qu'il étoit campé devant cette ville, il reçut des lettres Seifeddin. de quelques Emirs de Mouffoul, par lefquelles ils le pref

L'an 1170.

foient de se rendre vers cette capitale qu'ils offroient de lui remettre; mais il ne voulut point abandonner le fiége de Sandgiar qu'il prit peu de tems après (a), & qu'il remit à fon neveu Emadeddin Zenghi. Enfuite il marcha vers Mouffoul, & vint camper à l'Orient de cette ville, proche la fortereffe de Ninive. Il n'étoit féparé de Mouffoul que + le Tigre. Phakhreddin avoit envoyé demander du fecours à Ildighiz Roi du Dgebal, de l'Adherbidgiane & de Arran. Celui-ci avoit voulu ufer d'autorité envers Noureddin, en lui faisant défendre de fe rendre à Mouffoul, fous prétexte, difoit-il, que cette ville appartenoit au Sulthan, & qu'il ne devoit par conféquent y avoir aucune autorité. Noureddin reçut ces lettres à Sandgiar où il étoit encore, & n'y fit aucune réponse. Il fe contenta de dire à l'Envoyé que les affaires de fes neveux l'intéreffoient plus qu'elles ne devoient intéreffer Ildighiz: Votre Prince, ajoûta-t-il, feroit mieux pour le bien des Musulmans, d'empêcher les incurfions des Géorgiens, comme j'arrête celles des Francs en Syrie. Benelathir. Noureddin commença le fiége de Mouffoul, mais comAboulfedha me il avoit pour lui la plupart des Emirs, la milice & les habitans, il ne fe donna aucun combat, & Phakhreddin qui connut qu'on avoit deffein de rendre la ville malgré lui, demanda la paix. Noureddin lui fit fçavoir que fon deffein étoit de l'emmener en Syrie, & qu'il n'étoit point venu pour prendre les Etats de fes neveux, mais pour les leur conferver. La paix fut fignée, & Noureddin entra dans Mouffoul (b). Il demeura pendant quelque tems dans le château, confirma Seïf eddin ghazi dans la poffeffion de cette ville & du Dgeziret ben omar, donna le gouvernement du château à Saadeddin kamfchteghin un de fes Officiers, & partagea les autres villes du Royaume de Mouffoul entre fes neveux. Seïfeddin fut reconnu par le Khalif Moftadhi,

Bohaeddin.

(a) Dans le mois Rabi elakher de l'an 566

(6) Le 13 de Dgioumadi elaoual de l'an 566.

Seifeddin

& en reçut une robe d'honneur avant même qu'il fût entré dans Mouffoul. Noureddin y fit bâtir une belle mosquée L'an 1170. Apr, J. C. qu'il appella de fon nom Nouri. Il refta pendant vingt Noureddin jours dans cette ville, & s'en retourna enfuite dans fes Etats, accompagné de Phakhreddin auquel il donna des terres. A fon départ de Mouffoul quelqu'un lui dit qu'il paroiffoit aimer cette ville & avoir envie d'y demeurer; il répondit que cela étoit vrai, mais qu'il ne pouvoit le faire fans injuftice; que d'ailleurs il étoit néceffaire qu'il restât fur fes frontieres, afin de contenir les Francs.

Saladin fon Lieutenant dans l'Egypte n'étoit pas moins Guillaume ardent que lui à porter la guerre dans la Syrie. Il venoit de Tyr. de raffembler (a) les troupes de l'Egypte & de Damas, dans le deffein d'entrer dans la Palestine. Le Roi Amaury fe rendit auffi-tôt à Afcalon où il apprit que Saladin avoit affiégé le château de Daroun, & qu'il étoit prêt de s'en emparer. En effet, Anfel de Paff qui en étoit le Gouverneur, étoit déja convenu de fe rendre s'il ne recevoit pas le jour même du fecours. Amaury partit de Gaza, qui n'étoit éloignée que de quatre milles de Daroun. Saladin s'étoit déja avancé, vint à fa rencontre, le défit & entra dans la ville de Gaza; mais n'ayant pu prendre la citadelle, il retourna vers Daroun, où il refufa le combat que les Francs lui préfenterent, & reprit le chemin de l'Egypte. Le château de Daroun dont il s'agit ici étoit la derniere place que les Francs poffédoient du côté de l'Egypte. C'étoit anciennement un Monaftere des Grecs, d'où lui vient le nom de Dar-roum, & enfuite Daroun; Amaury l'avoit fait fortifier, & y avoit mis quelques troupes.

Noureddin de fon côté entra auffi (b) dans le pays des L'an 11716 Francs. Ceux-ci malgré la paix qu'ils avoient faite avec lui, Benelashis s'étoient emparés de quelques vaiffeaux qui alloient d'Egypte en Syrie; Noureddin les avoit fait redemander, ainfi que toutes les marchandifes dont ils étoient chargés. Mais n'ayant reçu d'eux que des réponses peu fatisfaifantes, il envoya différens partis, les uns vers Antioche, les autres

(a) Au mois de Décembre, la fep- (b) Dans le mois Mouharram de l'an zieme année d'Amaury.

567.

Apr. J. C.
L'an 1171.

Tripoli pendant qu'il alla attaquer le château d'Arca. Il ruina fes fauxbourgs, & détacha de-là quelques troupes qui Noureddin allerent prendre Saphia & Arima; il fit enfuite le ravage Seifeddin. dans les environs de Tripoli, alors les Francs lui firent fçavoir qu'ils étoient prêts de renouveller la trêve & de rendre ce qu'ils avoient pris; Noureddin y confentit, mais ils ne remirent pas tout, & les Mufulmans perdirent confidérablement.

Benelathir.

Aboulma

hafen.

Saladin étoit alors de retour en Egypte où il étoit le maître abfolu. Noureddin crut qu'il étoit tems (a) d'enlever au Khalif la feule marque d'autorité qui lui reftoit dans ce pays, c'est-à-dire, de faire retrancher fon nom de la priere publique, & d'y fubftituer celui de Moftadhi Khalif de Bagdad. Lorfque Saladin recut cet ordre, il s'excufa d'abord de l'exécuter, dans la crainte que les Egyptiens qui étoient attachés au parti d'Aly dont les Phathimites fuivoient la doctrine, ne fe révoltaffent. Mais Noureddin lui ayant envoyé de nouveaux ordres de le faire, il affembla les Emirs, & leur demanda confeil fur une affaire fi importante. Quelques-uns jugerent que cette entreprise étoit trop hardie, d'autres promirent de la foutenir; un Perfan nommé Emir Alam fe préfenta, & dit qu'il la commenceroit. En effet, le premier Vendredi de Mouharram, il monta fur la tribune avant le Khatib, & fit la priere au nom du Khalif de Bagdad. Perfonne ne parut s'y oppofer; alors Saladin ordonna à tous les Khatibs de Mefr & du Caire de s'y conformer le Vendredi fuivant; toute l'Egypte obéit enfuite, & rentra par ce moyen fous la jurifdiction du Khalif de Bagdad dont elle avoit été féparée depuis long-tems. Le Khalif Adhed (b) étoit malade. Perfonne ne jugea à propos de l'inftruire de ce qui venoit d'arriver, parce qu'on ne vouloit pas troubler le peu de jours qui lui reftoient à vivre fuivant les apparences. Il mourut comme on l'avoit prévû peu de tems après. Si Saladin lui conferva la vie, il ne fut pas affez généreux pour le laiffer en paix. Il étoit d'une avidité fi infatiable, que ce Khalif n'ayant plus qu'un feul cheval avec lequel il fe (a) L'an 567 de l'Hegire. ment Saladin de l'avoir tué,

(b) Guillaume de Tyr accufe fauffe

Apr. J. C.

promenoit dans fes jardins, Saladin l'obligea de le donner. Tel étoit Saladin, avare, ambitieux, fourbe & hardi, dans L'an 1171. le tems qu'il n'étoit que fimple Emir, & grand Prince quand Noureddin il fut Roi.

Saladin fe faifit auffi-tôt du Palais; avant même la mort du Khalif il avoit chargé un Eunuque nommé Bohaeddin cara-coufch de veiller fur toutes les richeffes qui y étoient. Les enfans & les parens du Khalif Adhed furent arrêtés & renfermés dans un endroit du palais ; fes domeftiques furent vendus ou donnés. Il y avoit dans ce Palais des richesses immenfes, en perles, en pierreries & en autres chofes femblables. Saladin y trouva une bibliothéque qui montoit à cent mille volumes choifis & bien écrits. Avec Adhed finit la puiffance des Khalifs Phathimites, qui avoient régné pendant 266 ans, & poffédé l'Egypte pendant 208 ans. Noureddin fit informer (a) le Khalif Moftadhi de ce grand évenement, & ce Khalif pour le remercier envoya un des premiers de fa

Cour nommé Emadeddin Sandal avec une robe d'honneur & deux épées pour Noureddin, l'une défignoit fon pouvoir fur la Syrie, & l'autre fur l'Egypte. Saladin eut auffi une robe, & fut nommé par le Khalif Lieutenant de Noureddin en Egypte. On ajouta une pièce d'étoffe noire pour mettre fur la tribune du Caire. Le noir étoit la couleur des Khalifs Abbaffides.

Saladin n'ayant plus de Prince en Egypte capable de lui porter ombrage commença de fe laffer du fimple titre de Lieutenant de Noureddin, il auroit voulu devenir indépendant, & n'obéiffoit qu'avec peine. Il craignoit encore plus d'être obligé de quitter l'Egypte pour fe rendre auprès de Noureddin. Ce Prince venoit de lui ordonner de raffembler toutes les troupes de ce pays, & de le joindre pour aller faire le fiége de Krak ou la Pierre du défert, capitale de la feconde Arabie. Saladin parut difpofé à obéir, & fortit du Caire (b), Noureddin inftruit de fon départ fortit de Damas, & fe rendit à Krak où il attendit inutilement les troupes Egyptiennes; Saladin lui fit fçavoir par un courier

(a) L'Envoyé étoit appellé Schehab fils d'Abou afroun.

eddin el mathhar, fils de Scharfeddin, (d) Le zo de Mouharram de l'an 567

Seifeddin

Apr. J. C.

L'an 1171.

que quelques apparences de troubles ne lui permettoient pas de continuer fa route. Ce n'étoit qu'une excufe par Noureddin laquelle il cachoit la crainte qu'il avoit que Noureddin ne le Seifeddin. fit arrêter. Noureddin décampa de Krak dans le tems que Guillaume les Francs fous la conduite du Connétable Unfroy marchoient

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de Tyr. au fecours de la place. Irrité de la défobéiffance de fon Lieutenant, il menaça d'aller en Egypte & de l'en chaffer. Saladin ne fut pas plûtot informé des deffeins de Noureddin, qu'il fit assembler toute fa famille & fes Emirs pour Benelathir. délibérer fur ce qu'il avoit à faire dans une circonftance fi délicate. Après qu'il leur eût expofé le fujet de fon inquiétude, Tekieddin omar fon neveu dit publiquement qu'il falloit prendre les armes contre Noureddin s'il venoit en Egypte. Nodgemeddin ayoub pere de Saladin en entendant ce difcours lui impofa filence fur le champ, enfuite se tournant vers Saladin, il lui dit : « Je fuis votre pere, & voici votre oncle Schehabeddin el haremi; croyez-vous que dans toute cette affemblée il y ait quelqu'un qui vous aime » & vous veuille plus de bien que nous? Non, lui repartit » Saladin; fçachez donc, continua Nodgemeddin, que » votre oncle & moi étions en préfence de Noureddin, » nous ne pourrions faire autre chofe que de nous profter»ner à fes pieds, & que s'il nous ordonnoit de vous couper la tête, nous lui obéirions. Si nous penfons ainfi, jugez par-là quels doivent être les fentimens de ceux qui vous » font moins attachés, il n'y a aucun des Emirs qui font ici préfens, ni de ceux qui font dans les troupes qui ofat s'oppofer à Noureddin. Ce pays lui appartient, c'est lui qui vous y a établi fon Lieutenant, & il eft le maître de vous dépofer; enfuite fe tournant vers les autres » Emirs: Nous fommes, leur dit-il, les efclaves de Nou» reddin, & il peut difpofer de nos vies ». Après que l'af femblée fe fût retirée, Nodgemeddin dit à fon fils Saladin : « Vous avez manqué de prudence en faifant connoître

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vos fentimens à tous ces Emirs, ils vous trahiront; croyez que Noureddin en fera inftruit, & qu'il ne tardera pas à » venir en Egypte pour vous en chaffer; écrivez lui promp tement, & faites lui des foumiffions. »

Nodgemeddin

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