& l'obtint à la priere des principaux Seigneurs de la Cour Apr. J. C. du Sulthan. L'an 1195. Tagafch. Malek fchah, Gouverneur du Khorafan, s'étoit rendu dans le même tems à la Cour de fon pere, & avoit laissé dans fon Gouvernement fon fils Arflan fchah pour commander en fon absence. Sandgiar fchah, beau-frere de Tagafch, à la follicitation de quelques efprits féditieux, fe laiffa entraîner dans une conjuration qui tendoit à fe faifir du Khorafan pendant l'absence du Gouverneur; mais Tagasch qui en fut informé avant qu'elle pût être exécutée, manda Sandgiar schah à la Cour. Celui-ci qui fe croyoit innocent parce qu'il n'avoit encore rien entrepris, fe rendit aux ordres du Prince; mais il ne fut pas plutôt arrivé dans le Kharizme que le Sulthan le fit arrêter, priver de la vûe, & enfuite renfermer. Quelque tems après, cependant, à la priere de fa fœur, il lui rendit la liberté, & lui accorda quelques penfions. Tagasch après avoir penfé perdre dans cette occafion la Province de Khorafan, courut le même danger pour la Perfe. Son fils Younous-khan, Gouverneur de Rei, étant tombé malade, & ne fe flattant pas de pouvoir se guérir qu'en allant prendre l'air dans le Khorafan, paffa dans cette Province, laiffant dans Rei, Miagen en qui il avoit beaucoup de confiance. Celui-ci étoit ennemi fecret de l'Atabek Enbanedge, qui étoit entierement dévoué au fervice du Sulthan. Auffi-tôt que Younous-khan eût quitté fon Gouvernement, le Khalif Nafer qui voyoit avec peine que les Kharizmiens s'approchoient de plus en plus de Bagdad, & menaçoient la Syrie, ordonna à Ben caffab (a) fon Vizir d'entrer à la tête d'une puissante armée fur les terres d'Younous-khan. Enbanedge inftruit de la marche de l'armée du Khalif, raffembla promptement fes troupes, fe mit à leur tête, & alla rejoindre Miagen pour arrêter les progrès du Khalif. Mais Miagen qui avoit toujours été l'ennemi de l'Atabek, ne le vit pas plutôt dans fon camp, qu'il fe faifit de lui, & fe hâta de lui faire couper la tête qu'il envoya à Tagasch, (a) Il étoit appellé Mouïadeddin. en lui faifant fçavoir qu'il avoit cru devoir faire cette exéApr. J. C. cution, parce qu'Enbanedge étoit d'intelligence avec le L'an 1194. Khalif. Tagasch ne fut pas long-tems fans connoître l'im- Tagafch. posture de Miagen, mais craignant que ce Général ne le trahît lui-même, il cacha fes foupçons, & partit en diligence pour l'Eraque. Dans le tems que les deux armées étoient fur le point de fe livrer bataille, Ben-caffab mourut; mais cet accident, par la prudence des Généraux du Khalif, n'empêcha pas que l'on n'en vînt aux mains, ils tinrent la mort de Bencaffab fi fécrete, que le Sulthan n'en fut inftruit qu'après avoir remporté la victoire. Le Khalif Nafer ne fe trouvant plus affez de force pour réfifter aux nombreuses armées du Sulthan, demanda la paix abandonnant toutes fes prétentions fur l'Eraque, qui refta fous le pouvoir de Tagafch. Ce Prince donna ce Gouvernement à fon fils Tadge eddin Aly fchah, & avant que de retirer les troupes, il voulut avoir la tête de Ben-caffab, qu'il envoya dans le Kharizme comme une marque de fa victoire, enfuite il dépofféda Miagen de fon Gouvernement, & quelque tems après il le fit renfermer dans une étroite prison, à cause de quelques féditions qu'il avoit voulu exciter dans l'Eraque. nah. Tagafch perdit dans la fuite (a) fon fils Malek fchah, qu'il L'an 1196. avoit deftiné pour lui fuccéder. Ce Prince mourut dans Ni- Aboulfedha fabour, laiffant un fils appellé Hindou-khan. Le Gouverne- Benfchoument de Nifabour paffa alors à Cothbeddin Mohammed, d'Herbelo autre fils du Sulthan, & qui avoit toujours été ennemi de Malek fchah. Cothbeddin Mohammed fut déclaré l'héritier de l'Empire, & quitta dès-lors le furnom de Cothbeddin pour prendre celui d'Ala eddin. Tagafch lui donna pour Vizir Saededdin Mafoud qui fut furnommé Nedham el Moulk. Après que le Sulthan eût ainfi réglé ce qui regardoit la L'an 1197. fucceflion au Trône, il marcha du côté de l'Orient (b), & Aboulfedha alla faire la guerre aux Khitans, dont la puiffance diminuoit beaucoup dans la Tartarie. Il affiégea Bokhara, grande & (4) L'an 193 de l'Hegire, (6) L'an 594 de l'Hegite. Aboulfaradge. fameufe ville du Maouarennahar, les habitans fe défendoient Apr. J. C. Tagafch. avec beaucoup de courage, & paroiffoient ne pas craindre le Sulthan de Kharizme. Pour fe mocquer de ce Prince qui étoit borgne, ils prirent un chien qui n'avoit qu'un œil le revêtirent d'une tunique à la Perfienne, lui mirent fur la tête un Turban, & après l'avoir promené fur les remparts de la ville, le lancerent avec leurs machines dans le camp des Kharizmiens, en criant: Voici votre Sulthan. Après une pareille infulte, ces peuples devoient s'attendre à éprouver toutes les fureurs de la guerre. Tagasch prit leur ville & oublia l'injure. d'Herbelot. Pendant que ce Sulthan avoit porté la guerre dans les Etats du Khalif, il s'étoit attaché à purger l'Adherbidgiane d'une partie de ces Ifmaeliensou Affaffins, qui étoient maîtres de plufieurs châteaux; il les chaffa d'abord de celui d'Arslan kuschaï, & les contraignit de se réfugier dans celui d'Alamout. Comme cette place étoit trop fortifiée il ne jugea pas à propos de l'attaquer alors; mais ayant été informé dans la fuite que le Vizir Saededdin Masoud avoit été tué par les Ifmaëliens du château de Tarfchiz, il donna ordre å fon fils Alaeddin mohammed Gouverneur du Khorafan, de faire le fiége de cette place & d'exterminer tous ces Affaffins. C'eft pendant le cours de cette guerre que MoL'an 1200. hammed apprit que fon pere venoit de mourir (a) d'une Aboulma- efquinancie, dans la ville de Schéherfané. La valeur, la juftice hafen. & la libéralité de ce Prince lui mériterent les éloges de Aboulfedha tous fes fujets. Il étoit fçavant Théologien fuivant les principes d'Abouhanifa. C'est à lui que le Poëte Rafchidi adressa ces vers: « Votre ayeul par fa févérité a exterminé de fes »Etats l'injuftice; votre pere par fon équité & par fa modération a réparé toutes les breches & fermé toutes les playes que le regne précédent avoit ouvertes; considérez » à préfent quelle vertu vous voulez faire éclater pendant » le vôtre, afin de le rendre digne de la grande puiffance » que Dieu vous a confiée. » Ce Prince avoit confidérablement augmenté fes Etats. On remarque qu'il faifsoit mettre un croissant sur le haut de fes pavillons. (4) Le 20 de Ramadhan de l'an 596 de l'Hegire. Tagafch L'an 1200. Tagafch eut pour fucceffeur fon fils Alacddin Mohammed qui abandonna promptement le fiége du château de Apr. J. C. Tarfchiz, fitué dans les montagnes du Khorafan, pour fe Mohamrendre dans le Kharizme où il fut inftallé par les Grands fur med. le trône de fes ancêtres. Il reçut leur ferment de fidélité, & d'Herbelor, dépêcha de tous côtés des couriers pour fe faire reconnoître dans les provinces. Auffi-tôt que la mort de Tagasch eut été fçue dans les Indes, Gaiatheddin Roi de Ghour ceffa tout acte de foumiffion envers les Kharizmiens, & Hindoukhan neveu du nouveau Sulthan fe réfugia dans la cour de ce Prince Ghouride où il fut reçu, & où on lui promit des fecours pour aller combattre fon oncle. Gaiatheddin Roi de Ghour & Schehabeddin Roi de Ghazna réunirent leurs forces & entrerent dans le Khorafan (a) dont ils chafferent les troupes de Mohammed. Gaiatheddin prit Mérou qu'il donna à Hindou-khan, il fe rendit maître enfuite de Sarakhs, de Thous, de Nifabour & de plufieurs autres places; après cette conquête les deux Princes s'en retournerent, Gaiatheddin alla à Ghour, & Schehabeddin porta la guerre dans les Indes; mais pendant leur absence (b) Mohammed fe rendit L'an 1201 à la tête de fon armée dans le Khorafan & reprit ce que les Ghourides lui avoient enlevé. Aboulfedha La mort de Gaiatheddin qui arriva l'année suivante (c) L'an 1208. dérangea les projets que les Sulthans Ghourides avoient for- Aboulfedha més fur le Kharizme. Déja Schehabeddin de retour des Indes, s'étoit rendu à Thous dans le Khorafan, dans le deffein de porter la guerre dans le Kharizme ; mais il différa alors cette expédition. Lorsqu'il fut en état de la reprendre, il marcha contre le Sulthan de Kharizme, & remporta fur lui une grande victoire (d). Mohammed eut alors recours L'an 1203. aux Khitans; ces peuples fe mirent auffi-tôt en campagne & vinrent attaquer Schehabeddin qui fut vaincu à fon tour. Il courut même un bruit qu'il avoit été tué. Cette nouvelle qui s'étoit répandue jufqu'à Ghazna y occafionna des troubles qui ne purent être appaifés que par la présence de ce Prince. Deux ans après, Schehabeddin, en revenant de Lahor, fut (a) L'an 597 de l'Hegire. b) L'an 598 de l'Hegire. Tom. II. Part. 11. (c) L'an 599 de l'Hegire. LI Apr. J. C. L'an 1206. med, attaqué par une troupe de montagnars nommés Koukirs, ou felon d'autres par des Ifmaëliens, dans un lieu appellé Moham Damil, & il fut tué (a). Alors Bohaeddin fam Roi de Bamian & oncle de Schehabeddin voulut s'emparer de Ghazil avoit avec lui fes deux fils Alaeddin Mohammed & Dgelaleddin, mais il mourut avant que d'avoir pu se rendre dans cette ville; fes deux enfans continuerent leur route & prirent Ghazna. Les Princes Ghourides fe trouverent alors trop occupés dans leurs Etats pour fonger à faire la guerre aux Kharizmiens. Un efclave Turc de Gaiatheddin Roi de Ghour, nommé Tadgeddin ildiz qui possédoit le Kerman où il s'étoit rendu très-puiffant, attiroit auprès de lui un grand nombre de Turcs. Avec cette milice il vint à Ghazna, & en chaffa les deux Princes Alaeddin Mohammed & Dgelaleddin qui fe retirerent l'un & l'autre à Bamian. Ils y raffemblerent des troupes & revinrent enfuite à Ghazna. Ildiz fut battu & contraint de fe réfugier dans le Kerman. Alors Alaeddin Mohammed refta dans Ghazna, & fon frere Dgelaleddin retourna à Bamian. Ildiz n'eut pas plûtor appris leur fépa ration qu'il fe rapprocha de Ghazna, Dgelaleddin qui vint au fecours de fon frere, fut battu par Ildiz qui avoit levé le fiége pour aller au-devant de lui. Cet esclave revint avec Dgelaleddin qu'il avoit fait prifonnier, devant Ghazna où Alaeddin Mohammed s'étoit renfermé, avec Hindou-khan neveu du Sulthan de Kharizme. Ghazna fut foumife à Ildiz. Le Sulthan du Kharizme laiffa ces Princes fe détruire euxAculfedha mêmes, & ne fongea qu'à faire des conquêtes du côté de Diarhekri l'Orient (6). Les petits Rois du Maouarennahar, tels que d'Herbelot. ceux de Samarcande & de Bokhara, fe plaignirent des L'an 1207. Khitans, & offrirent de fe foumettre au Sulthan, de faire la priere publique pour lui, & de mettre fon nom fur leurs monnoyes, à condition qu'il chafferoit de Maouarennahar les Khitans. Mohammed leva une armée formidable, paffa le Gihon & entra dans le Maouarennahar. Il s'empara d'abord de Bokhara, où Fourouschi commandoit pour les Khi (a) Dans le mois Schaban de l'an 602. (b) L'an 604 de l'Hegire de l'Hegire. |