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L'an 1102.

pendant quelque tems, & fit de même. Le Duc de Bourgogne y accourut, & fe retira après d'inutiles efforts. Etien- Apr. J. C. ne Comte de Blois qui voyoit tout en défordre, s'avança Kilidgeavec les François, combattit jufqu'au foir, & fut enfin obli- arlan I. gé de fe fauver dans le camp. Raimond avec les Provençaux & les Turcoples de l'Empereur de Conftantinople vint au fecours; mais abandonné par cette milice étrangere, il ne fe fauva qu'avec peine avec dix de fes gens, fur le haut d'une montagne où il combattit encore long-tems. Le Comte de Blois avec deux cens Cuiraffiers, alla le débarraffer & le ramena au camp. Après cette terrible journée, les Turcs chargés de butin retournerent dans le leur qui n'étoit éloigné que de deux milles. Pendant la nuit le Comte Raimond avec les Turcoples prit la fuite, & fe retira dans un Château ( a ) qui appartenoit à l'Empereur Alexis Comnène. Le refte de l'armée Chrétienne fut tellement découragé, qu'Officiers & Soldats fe mirent à la débandade, laiffant dans le camp leurs femmes, leurs enfans & tous leurs bagages. Les Turcs accoururent auffi-tôt, violerent & maffacrerent les femmes, allerent enfuite à la pourfuite des Chrétiens qui étoient fi épouvantés, qu'ils fe laiffoient égorger fans fe défendre. Cette journée coûta aux Croisés cent foixante mille hommes, le refte fe fauva comme il put à Conftantinople.

Anne Com

L'Afie mineure vit périr plus de Chrétiens Occidentaux dans leur paffage, qu'il n'en périt dans les guerres de la Syrie. Peu de jours après que le Sulthan en eût détruit un fi grand nombre, il apprit que Guillaume Comte de Nevers, qui étoit parti de France avec quinze mille hommes, fans compter les femmes, venoit d'arriver à Civitot, & s'étoit emparé d'Ancyre (b). Ils avoient enfuite paffé le fleuve Halis, nene. & s'étoient approchés d'une petite ville habitée par des Grecs qui avoient été au-devant d'eux avec les Evangiles & les Croix, ce qui n'avoit pas empêché que leur ville ne fût mife au pillage. Ces Croifés avoient pris leur route vers Amafie. Kilidge Arflan & le fils de Danifchemend,informés qu'ils commençoient à manquer de vivres, diviferent leurs troupes en trois

(a) Albert d'Aix le nomme Pulveral. elle eft appellée à préfent Angora. (b) Albert d'Aix la nomme Ancras ;

Albertus

Aquenfis.

L'an 1102.

arflan I.

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Apr. J. C. corps & fondirent fur eux. Les Francs foûtinrent leur choc & pénetrerent jufqu'à Stancon, qu'ils ne purent prendre ; ils Kilidge- allerent enfuite à Héraclée, où ils eurent à combattre contre la foif pendant trois jours, les Turcs ayant bouché les puits & les citernes. Lorfque le Sulthan les vit confidérablement affoiblis, il les attaqua; on se battit pendant un jour entier.. Il n'y eut que fept cens Croifés qui fe fauverent à Germanicopolis, le reste ayant été tué ou fait prifonnier. Le Comte de Nevers gagna feul Antioche, où il fut reçu par Tancrede.

Albertus Aquenf.

Albertus Aquenf.

Guillaume

de Tyr.

Huit jours après cette déroute, Kilidge Arflan fignala forr regne par une plus grande victoire fur les Chrétiens. Guillaume Comte de Poitou & Welfon Duc de Baviere, fuivis de cent foixante mille hommes, entrerent dans fes Etats, & après avoir détruit les villes de Phiniminis & de Salamia, arriverent à Héraclée, où ils rencontrerent une riviere dont ils avoient un extrême befoin, n'ayant trouvé fur leur route aucun puits ni aucune citeme. Kilidge Arflan, le fils de Danifchemend & pluhieurs autres Emirs Turcs (a) fe pofterent fur le rivage oppofé d'où avec leurs fleches, ils empêchoient les Chrétiens d'approcher de la riviere. Le défordre fe mit dans l'armée Chrétienne, on prit la fuite; plufieurs milliers de François, de Gafcons & d'Allemands périrent dans les montagnes, & le Comte de Poitou avec fon feul Ecuyer, fe fauva à Antioche.

Jufqu'alors le fils de Danischmend avoit agi de concert avec le Sulthan contre les Chrétiens, l'un & l'autre avoient fait leurs efforts pour les arrêter dans leur paffage & les empêcher de pénétrer en Syrie. Boëmond étoit retenu prifonnier à Malathie par le fils de Danifchmend. L'Empereur Alexis Comnène offroit au Turc deux cens foixante mille Bezans pour le racheter. Kilidge Arflan en prétendit la moitié; les deux Princes fe diviferent, & en vinrent à une guerre ouverte. Le fils de Danifchmend n'étant pas le plus fort, prit la fuite. Boëmond lui fit offrir la moitié de la fomme, & l'amitié des Princes Chrétiens, & il l'accepta (b). Kilidge Arflan en porta fes plaintes au Sulthan de Perfe, qui confervoit encore dans ces pays quelque autorité; mais ne pouvant rien (b) Il fut délivré l'an 1102, fuivant Guillaume de Tyr

(a) Albert d'Aix les nomme Caratiet & Agounifch,

gagner de ce côté, il voulut engager le fils de Danischmend a tendre un piége à Boëmond, fous prétexte de quelque con- L'an 1102. Apr. J. C. férence. Kilidge Arflan fe croyoit cette mauvaise foi permife Kilidgevis-à-vis d'un Chrétien; mais le fils de Danifchmend lié par des fermens, obferva fidelement le traité.

arflan F

radge.

Kilidge Arflan qui n'avoit plus de Chrétiens à combattre, L'an 110% commença à prendre plus de part aux affaires de l'Orient. A Aboulfedha la follicitation de Dhiaeddin mahmoud, Vifir de Miafarekin, Aboulfail fe rendit dans la ville de Mouffoul & s'en empara. Cette ville poffédée depuis quelque tems par un Emir Turc nommé Dgiokarmifch, excitoit l'envie d'un autre Emir nommé Dgiaouli facaou. Ils en étoient venus à une bataille dans laquelle le premier avoit été fait prifonnier. Les habitans de Mouffoul qui lui étoient attachés ayant demandé du fecours au Sulthan Kilidge Arflan; ce Prince fe rendit auffi-tôt à Nefibin. Dgiaouli quitta Mouffoul & fe retira à Rohba. Le Sulthan entra dans Mouffoul (a) dont il donna le gouvernement à fon fils Malek fchah qui n'étoit encore âgé que de onze ans. Il alla camper à Mograca, où fe rendit Zenghi fils de Dgiokarmisch suivi de tous ceux de fon parti. Kilidge Arflan, fuivant la coutume des Orientaux, le fit revêtir d'une Robe, & s'attacha enfuite à rétablir l'ordre dans ce pays qui avoit beaucoup fouffert des guerres civiles.

Cette conquête porta l'ambitieux Sulthan à fe révolter en- Aboulfedha tierement contre les Sulthans de Perfe, qui étoient la principale branche des Seljoucides. Il abolit la feule marque de fouveraineté qui leur reftoit encore dans ce pays, c'est-à-dire, que dans le khothba ou la priere publique, il fit retrancher le nom du Sulthan Mohammed, pour y prononcer le fien à la place. Cette action le rendit odieux à tous les Princes de la Syrie. Après qu'il eut rétabli la tranquillité dans Mouffoul, il alla chercher Dgiaouli en faveur duquel Redouan Roi d'Alep & plufieurs autres Emirs s'étoient déclarés. Il les rencontra fur le bord de la riviere de Khabour. On combattit courageufement de part & d'autre. Kilidge Arflan abandonné par les fiens, fe jetta dans cette riviere où il fe défendit jufqu'à ce

(a) Le 25 de Redgeb de l'an 500.

Apr. J. C. que fon cheval s'étant abbattu il tomba dans l'eau & fut L'an 1107. noyé(a). Quelques jours après on retrouva fon corps qui fut Kilidge- porté à Schamfanie près le Khabour, & de-là à Miafarekin. Dgiaouli Sacaou alla reprendre Mouffoul, & Malek fchah, fils de Kilidge Arflan se fauva en Perse auprès du Sulthan Mohammed.

arflan I.

Saifan,

Comme Kilidge Arflan régnoit dans un pays affez éloigné du centre de l'Empire des Mufulmans, les Ecrivains Arabes nous ont confervé peu de détails fur fon regne & fur tout ce qui concerne ce Prince, qu'ils paroiffent n'avoir connu que、 très-imparfaitement;les Hiftoriens de la Byzantine & ceux des Croisades font les feuls qui nous le faffent mieux connoître & le jugement que l'on peut former d'après ce qu'ils en difent, nous présente un Prince ambitieux d'étendre fes Etats, avide d'acquérir des richesses, intrépide dans les combats, vigilant & actif à suivre son ennemi. Il fit périr un affez grand nombre de Chrétiens pour être regardé comme cruel, fi l'on ne faifoit attention qu'il n'étoit occupé qu'à défendre fon pays contre des Etrangers qui venoient l'envahir, & qui commettoient de grands défordres. Nos Hiftoriens qui n'étoient pas inftruits de la fucceffion de ces Princes, l'ont confondu fouvent avec fon pere Soliman, quelques-uns plus exacts, l'en ont diftingué, en lui donnant le nom de Soliman le jeune.

Il ya apparence que les Etats de Kilidge Arslan devinrent après la mort la proye de plufieurs Emirs, & que fes enfans ne lui fuccéderent pas dans toute l'autorité dont il jouiffoit. La différence des noms, & le peu de détails que l'on trouve dans l'Hiftoire, nous jettent dans l'incertitude fur leur fort & fur fon fucceffeur. Quoi qu'il en foit, Saifan, c'eft ainfi que fe nommoit un de fes fils, felon Anne Comnène, paroît avoir eu la fupériorité dans la fuite, & avoir pris le titre de Sulthan. Ce Prince peut être le même que Malek schah; il eft incertain s'il eut part dans la nouvelle guerre qui s'éleva entre les Turcs & les Grecs (b).

L'Empereur Alexis Comnène venoit d'envoyer Philocales

(a) Le 20 de Dzoulcaada de l'an 500. D'Herbelot lui donne 18, & ailleurs 4 ans de regne, mais il a été fur le trône

pendant 15 ou 16 ans.

(b) Cette guerre eft poftérieure à la mort de Boëmond,

"

pour réparer les villes de l'Afie. Atramytium & quelques auApr. J. C. tres places étoient déja rétablies, lorfque ce Général apprit que L'an 1109. les Turcs étoient campés aux environs de Lampes. Un déta- Saifan. chement qu'il envoya battit ces Barbares; mais il n'y a Anne Compas nène. d'excès auxquels les Grecs ne fe porterent. Anne Comnène elle-même nous apprend qu'ils poufferent la cruauté jusqu'à faire bouillir les enfans dans des chaudieres. Tous les Turcs prirent le deuil, & allant de ville en ville, ils crioient par tout vengeance. Un Emir de Cappadoce nommé Afan mit fur pied vingt-quatre mille hommes & s'approcha de Philadelphie. Comme il ne vit point de foldats fur les murs, que cette ville étoit dégarnie ; fans une plus grande certitude, il fit différens détachemens qu'il envoya à Smyrne, à Pergame & ailleurs. Cette divifion le rendit plus foible. Philocales en furprit deux qu'il battit; mais le troifieme qui avoit trop d'avance échappa.

il crut

Anne Com

Les Grecs commençoient à regagner de la fupériorité fur L'an 1113. les Turcs dans l'Afie mineure. Mais le Sulthan de Perfe, pour Albertus conferver ce pays à fa famille, y envoya l'Emir Maudoud (a) Guillaume Aquenf. avec une armée (b). Ce Général affiégea la ville de Stamirie qui de Tyr. appartenoit aux Grecs, la prit d'affaut, & la livra au pillage. Il y avoit un grand nombre de Pélerins Chrétiens, qui après avoir fait le voyage de Jérufalem, s'en retournoient en Europe, prefque tous furent tués ou faits prifonniers; fept mille eurent le bonheur de fe fauver dans l'Ifle de Chypre. Conftantin Gabras, Préfet de Philadelphie, informé de cette nouvelle irruption des Turcs, raffembla fes troupes, & alla les battre proche Cerbianum; ce qui obligea le Sulthan Saifan à demander la paix, & Alexis Comnène la lui accorda.

Après ce Traité l'Empereur de Conftantinople avoit fait un Anne Com voyage à Gallipoli; mais il fut à peine de retour dans fa ca- nène. pitale, qu'il apprit que fes Etats d'Afie étoient ravagés par une armée de cinquante mille Turcs, qui venoit de la Perfe & du Khorafan. Il fe rendit aussi tôt à Civitot où il fut informé que les Turcs s'étoient divifés en plufieurs corps; qu'ils avoient ravagé les environs de Nicée; qu'après avoir pillé Pruse &

(a) Guillaume de Tyr le nomme Men- (b) L'an 507 de l'Hegire. duc; Albert d'Aix, Melduc.

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