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l'infaillibilité & qui lui a promis l'indéfectibilité, permet quelquefois que de bien honteufes playes l'af fligent & la flétriffent, En voyant tant de chefs corrompus préfider à tant de membres pourris, on oublioit ou l'on ignoroit que la liste refpectable de ces Chefs commence par plus de trente Martirs ou Confeffeurs, fuivis d'une foule de Saints, & que, même dans des Siécles moins purs & où la corruption se faifoit déja fentir, un Saint Innocent, un Saint Zofime, un Saint Boniface, un Saint Céleftin, un Saint Léon, un Saint Gélafe, un Saint Grégoire le Grand, avoient confolé l'Eglife, illuftré le Saint Siége & honoré l'humanité.

Mais fi l'on fe rappelloit ces grands noms & ces grands exemples, que pouvoit-on penfer d'une fi trifte décadence? Que pouvoit penfer le Peuple qui ne fait rien diftinguer, & qui croit que tout doit être faint dans ce qui eft effentiellement faint? Comment pou~

voit-il reconnoître l'Eglife à travers tant de voiles & de nuages, & quelle facilité les Prophètes les plus menteurs ne trouvoient-ils pas à fe faire croire, lorfque fe couvrant du manteau de la réforme, ouvrant d'une main l'Evangile, offrant de l'autre le double attrait de la nouveauté, de la liberté, ils publioient que Rome n'étoit plus dans Rome, qu'elle étoit toute dans leur nouvelle Eglife, qu'il falloit rallumer au flambeau de leur doctrine, la foi éteinte & la vérité expirante?

Diverfes conjonctures concouroient depuis quelque temps à favorifer la réforme. 1°. Les défordres de la Cour de Rome étoient vus de plus près, parce que les guerres dont l'Italie étoit devenue le théatre, attiroient dans cette contrée toutes les nations de l'Europe, dont la moitié étoit ennemie des Papes. 2°. Ces défordres étoient plus généralement connus, parce que l'Imprimerie nouvellement découverte, répandoit dans toute l'Europe les déclama

tions de ces ennemis du S. Siége. Les Réformateurs profiterent donc des difpofitions générales, ils ne les firent point naître ; leur Siécle leur donna le ton, & ne le prit point d'eux; les temps étoient arrivés, on n'attendoit qu'un Novateur, Luther paroît, l'Eglife eft déchirée, l'Europe divifée. Abhorré ou révéré, ce nom de Luther eft immortel; changez feulement un dégré dans la difpofition des efprits, ce Moine mouroit inconnu au fond de fon cloître.

Le feu qu'il alluma, couvoit depuis long-temps fous la cendre; un defir, un befoin univerfel de réforme, s'étoit annoncé envain pendant plufieurs Siécles. Il faut l'avouer, c'eft dans les combats, c'est dans les épreuves que la vertu s'épure & s'affermit; plus l'Eglife s'approchoit fur la terre de cet état de triomphe, qui lui eft réfervé dans le Ciel, plus fa fainteté première s'altéroit; les époques de Conftantin & de Charlemagne furent fata

les; ces richeffes fi décriées dans l'Evangile, cette puiffance qui lui eft au moins étrangère, ce Royaume temporel joint au Royaume fpirituel, tous ces principes de corruption & de mort fermenterent dans le fein de l'Eglife; on en vit bientôt les fruits, le relâchement de la difcipline, la dépravation des mœurs. Le défordre s'accrut avec

le temps, il devint fi fenfible qu'il fallut fonger sérieusement au reméde; on ne parla plus que de réforme. Toutes les bouches, toutes les plumes répétoient, qu'il falloit réformer l'Eglife dans le Chef & dans les Membres. C'étoit une phrase de style, & ce n'étoit que cela, car on n'y avoit aucun égard. » O qui me donnera, S. Bern. Ep. difoit Saint Bernard dès le dou-257- ad Eug. Papam. zième Siècle, » qui me donnera de » mourir, en voyant l'Eglife de » Dieu telle qu'elle étoit dans fes » premiers jours! Les Conciles de Vienne, de Pise, de Conftance, de Bâle, ne parlent que de réforme & de reftauration; ils commencent

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mais

l'ouvrage & ne l'achevent pas,
le vœu de l'Eglife, toujours trom-
pé, eft toujours exprimé.

Eneas Sylvius nous a conservé une Lettre du Cardinal Julien Céfarini au Pape Eugêne IV. où ce CarEn. Sylv. dinal prédit tout ce qui arrivera un de geftis Ba- fiécle après ; il menace l'Eglife d'une filiens. Con- réforme violente & irrégulière de la

Commentar.

cil.

part de fes ennemis, fi elle ne fe hâte de les prévenir par une réforme volontaire. » On fe jettera fur nous, ditil, comme ont fait les Huffites, quand » on verra que nous promettons en vain » de nous corriger. Les efprits des hom» mes font dans l'attente de ce qu'on fe» ra, ils femblent devoir bientôt enfan» ter quelque chofe de tragique...... La coignée eft à la racine, l'arbre pen» che, & au lieu de le foutenir, pendant » que nous le pourrions encore nous précipitons fa chûte........ Dieu nous » ôte la vûe de nos périls, comme il » a coutume de faire à ceux qu'il veut punir; le feu eft allumé devant nous, » & nous y courons.

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Ce Cardinal du quinziéme fiécle

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