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& d'en tirer l'abbeffe Leuboüere. Celle-ci entendant AN. 590. le bruit qu'ils faifoient en arrivant, & ne pouvant

marcher, parce qu'elle avoit la goute, fe fit porter

dans l'église devant la châffe de la fainte Croix. Les hommes étant entrez avec un flambeau & des armes, la cherchoient de tous côtez, & l'ayant trouvée, un d'eux lui voulut donner un grand coup d'épée; mais il fut frapé d'un couteau par un autre, & tomba tout en fang. Cependant la prieure Juftine aidée par d'autres fœurs, éteignit le flambeau, & couvrit l'abbeffe du tapis de l'autel. Dans cette obfcurité, ces hommes prirent la prieure pour l'abbeffe, & l'emporterent à S. Hilaire : mais le jour commençant à paroître, ils la reconnurent & la renvoyerent à fon monaftere. Ils retournerent donc, & ayant pris l'abbesse, ils la mirent en prison près S. Hilaire, au lieu où logeoit Bafine. La nuit suivante ils pillerent le monaftere de fainte Croix, n'y laiffant que ce qu'ils ne purent emporter.

C.

Greg. x. hift.

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Les évêques de Gaule furent divifez au fujet de la pâque cette aunée 590. La plupart fuivant le 23. Mart. cycle de Victor, la célébrerent le feptiéme des calendes d'Avril, quinziéme de la lune: c'eft-à-dire, le 26. de Mars: les autres le fecond d'Avril, le vingtdeuxième de la lune; craignant de faire la pâque avec les Juifs, s'ils la faifoient le quinziéme jour de la pleine lune. La fête étant proche, enforte qu'il n'y avoit plus que fept jours, l'évêque Mérouée envoya dire à Chrodielde, que fi elle ne rendoit l'abbeffe, il ne célébreroit point la pâque, & qu'aucun catéchumene ne feroit baptifé dans la ville de Poitiers. Et fi cela ne fuffit, ajoûta-t-il, j'assem

AN. $90.

tiers.

VII.

blerai les citoyens pour la délivrer. Chrodielde pour réponse, prépara des meurtriers, à qui elle donna ordre de tuer l'abbeffe fi-tôt qu'on fe mettroit en devoir de la délivrer par force. Dans ce tems-là Flavien, qui avoit la charge de domeftique, vint à Poitiers, & fit enfore que l'abbeffe fe refugia dans l'eglife de S. Hilaire. Mais la fédition continuoit toûjours, & il fe commettoit des meurtres au fepulcre de fainte Radegonde & devant la châffe de la fainte Croix.

Enfin le roi Childebert envoya prier le roi Gontran, que les évêques des deux royaumes s'affemblaffent pour terminer ce défordre fuivant les canons. Childebert ordonna à Gregoire de Tours de se trouver au concile avec Ebregifile de Cologne & Mérouée de Poitiers: & Gontran manda Gondegifile de Bourdeaux avec fes fuffragans. Gregoire de Tours déclara que les évêques ne s'affembleroient point, si l'on ne réprimoit auparavant la sédition par autorité féculiere. L'ordre en fut donné au comte de Poitiers, qui fit attaquer les féditieux. On les tira du monaftere de fainte Croix, & on leur fit fouffrir divers fuplices: aux uns on coupa les mains, aux autres le nez ou les oreilles.

Concile de Poi- La fédition étant appaisée, les évêques qui étoient préfens s'affirent fur le tribunal de l'église. Chrodielde avança plufieurs chefs d'accufation contre l'abbeffe. Premierement, quelle avoit à son service dans le monaftere un homme habillé en femme, & le montra: car il étoit préfent. Mais il fe trouva que c'étoit un eunuque, & que l'abbeffe ne le conGreg x. hift.c.16. noiffoit point. Chrodielde & Bafine étant inter

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rogées pourquoi elles étoient forties du monaftere, AN. 590. repondirent, qu'on les avoit fait mourir de faim, qu'elles manquoient d'habits & étoient battues: que des hommes le fervoient de leur bien : que l'abbesse jouoit aux tables : que des feculiers mangoient avec elle, & qu'elle avoit fait des fiançailles dans le monaftere qu'elle avoit habillé fa niéce d'un tapis de foie deftiné pour l'autel, & qu'elle en avoit ôté des feuilles d'or, pour lui faire des ornemens. L'abbeffe répondit pertinemment à toutes ces accusations, se soumettant à telle pénitence qu'ordonneroient les évêques, fi elle fe trouvoit avoir failli. Il demanderent à Chrodielde & à Bafine fi elles accufoient leur abbeffe de quelque crime capital, comme d'homicide ou d'adultére: elles avouerent que non, & au contraire on representa des religieufes de leur parti qui étoient groffes.

Enfuite les évêques leur demanderent raison de leur fortie, des violences commifes contre Gondegifile & les autres évêques qui avoient voulu les juger l'année précédente; contre l'abbeffe & le monaftere, & de leur derniere rebellion: les exhortant à demander pardon à l'abbesse & à réparer le dommage qu'elles avoient commis. Elles le refuferent, menaçant hautement de tuer l'abbeffe. C'eft pourquoi les évêques ayant confulté les canons, les déclarerent excommuniées, jusqu'à ce qu'elles fiffent pénitence, & rétablirent l'abbeffe dans le gouverment du monaftere. Ils rédigerent ce jugement par écrit: l'adreffant aux rois qui les avoient affemblez, & les priant de faire executer la promeffe que les religieufes rebelles avoit faite,

AN. 590.

VIII.

Concile de Mets.

pour la restitution des biens & des titres du monaftere, dont elles s'étoient emparées, & d'empêcher qu'elles retournassent au lieu qu'elles avoient fi indignement profané. Ce jugement étant publié & l'abbeffe rétablie, les féditieufes allerent trouver le roi Childebert, & lui nommerent des perfonnes qu'elles accufoient non feulement d'avoir un mauvais commerce avec l'abbeffe, mais encore de porter tous les jours des meffages à la reine Fre-* degonde fon ennemie. Le roi les fit prendre: mais après les avoir examinez fans trouver aucune charge contre eux, il les renvoya. Enfin Chrodielde & Bafine obtinrent leur abfolution au concile de Mets, tenu fur la fin de cette année, au fujet de Gilles ou Egide évêque de Reims.

Ce prélat étoit chargé d'avoir trempé dans une confpiration contre la vie du roi Childebert, qui le Greg. x.6.19. fit prendre & amener à Mets, quoiqu'abbatu par une longue maladie. Quelques évêques ayant remontré au roi qu'il n'avoit pas dû faire enlever de chez lui & mettre en prifon cet évêque fans l'entendre, il lui permit de retourner à Reims, & envoya des lettres à tous les évêques de fon royaume, pourse trouver à Verdun au milieu du mois d'Octobre. Quand ils furent arrivez, on les mena jusques à Mets, & Gilles s'y trouva auffi. Le roi choifit pour la poursuite de cette affaire Ennodius, qui avoit été duc, & qui commença ainsi : ourquoi avez-vous quitté notre roi, à qui appartenoit la ville où vous étiez évêque, pour rechercher l'amitié de Chilperic, qui a toûjours été fon ennemi, qui a tué fon pere, banni fa mere & ufurpé fon royaume ? Et pourquoi avez

vous reçû de lui des terres fifcales dans les pro- AN. 590vinces qu'il a ufurpées? L'évêque répondit: Je ne puis nier que j'aye été ami du roi Chilperic: mais ce n'a jamais été contre les interêts du roi Childebert. Quant aux terres je les ai obtenues en. vertu des lettres de ce roi même. Il produifit les lettres: mais le roi Childebert nia de lui avoir fait ce don. On fit venir Othon, qui avoit été en ce temslà référendaire du roi, & dont la fouscription y -paroiffoit: il nia de l'avoir faite, & foutint qu'on avoit contrefait fon écriture. Ainfi l'évêque fut convaincu de fauffeté fur ce premier chef.

On produifit enfuite des lettres de lui à Chilperic, & de Chilperic à lui, contenant plusieurs chofes injurieufes à Brunehaut, & entre autres : que fi on ne coupe la racine, la plante ne sechera point; c'eft-à-dire, qu'il falloit se défaire d'elle, pour accabler fon fils. L'évêque nia d'avoir écrit ou reçu ces lettres : mais on reprefenta un de fes domeftiques, qui les gardoit dans fes registres. On produifit enfuite un traité de Childebert & de Chilperic, pour chaffer Gontran, & partager entre eux fon royaume. Le roi Childebert nia d'en avoir eu connoiffance, & dit à Gilles: C'est ainsi que tu commettois mes oncles, pour exciter une guerre civile entre eux. Tu es caufe de la ruine des provinces & de la mort de tant d'hommes, dont tu rendras compte au jugement de Dieu. L'évêque ne put nier ce fait. Car la preuve étoit tirée d'un registre du roi Chilperic, trouvé dans une de fes caffettes à Chelles quand fes tréfors furent apportez aprés fa mort au roi Childebert. Epiphane abbé de faint Tome VIII.

C

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