A N. 592. s'étoit plaint, que l'évêque Natalis le traitoit mal: parce, difoit-il, que je l'empêche de donner à fes parens les vafes facrez, dont je fuis chargé. Le pape Pelage avoit défendu à Natalis de garder du reffentiment contre Honorat, ni de le faire prêtre malgré lui. Toutefois Natalis affembla un concile de la province, dont il étoit métropolitain, où il dépola Honorat, & ordonna à fa place un autre archidiacre plus commode pour lui. Puis il ordonna prêtre Honorat contre fon gré. Ils en écrivirent de part & d'autre à S. Gregoire, dès la premiere an. epift. 10. née de fon pontificat. Sur quoi il ordonna à Ho norat, de continuer à exercer fes fonctions d'archidiacre. Si vous pouvez finir ce scandale, ajoûtet-il, vous gagnerez beaucoup pour votre ame: finon venez inceffamment devant nous & que l'évêque y envoye pour lui une personne bien inftruite. Sachez cependant, que nous vous ferons rendre un compte exact des meubles précieux tant de votre églife, que des autres que l'on y a raffem1. epist. 19. ́ blez de diverses églises. Pour Natalis, il lui écrivit en ces termes : Les actes que vous m'avez envoyés de votre concile, touchant la condamnation de l'archidiacre Honorat, ne font propres qu'à fomenter vos différends; puifqu'en même tems, vous le dépofez du diaconat, comme indigne, & vous l'élevez malgré lui à la prêtrife. C'eft pourquoi, nous vous admoneftons de le rétablir dans fa fonction; & s'il refte encore entre vous quelque differend, qu'il vienne ici, & quelqu'un pour vous. ind. 10 ep. 14, Natalis n'ayant point fatisfait à cette lettre, faint Gregoire lui écrivit au mois de Mars de l'année AN. 592. 592. indiction dixiéme. J'apprends, dit-il, par plufieurs perfonnes qui viennent de chez vous, que vous abandonnez le foin de votre troupeau, & que vous êtes occupé à tenir une grande table; au refte votre conduite fait voir, que vous ne vous appliquez ni à la lecture, ni à l'exhortation. Il reprend ce qui s'étoit paffé fous le pape Pelage, & de fon tems; puis il ajoûte: Après tant d'avertiffemens, retabliffez Honorat en fa place, fitôt que vous aurez reçu cette lettre: fi vous differez enfachez que vous êtes privé de l'ufage du Pallium, qui vous a été accordé par le faint fiége ; & fi vous continuez dans votre opiniâtreté, vous ferez privé de la participation du corps & du fang de notre Seigneur. Après quoi nous examinerons juridiquement, fi vous devez demeurer dans l'épifcopat. Quand à celui qui s'eft laiffé promouvoir à l'archidiaconat au préjudice d'Honorat, nous le dépofons de cette dignité, & s'il continue d'en faire les fonctions, il fera privé de la fainte communion. S. Gregoire chargea de cette lettre & de bid. epift. 164 l'exécution des ordres qu'elle contenoit, le foudiacre Antonin, qu'il envoyoit pour administrer le patrimoine de l'églife Romaine en Dalmatie. Il le chargea auffi de deux autres lettres : une aux epift. 15. évêques de la province, pour province, pour leur donner part de cette affaire: l'autre au préfet Jobin pour lui re- epift. 17. commander Antonin, & le prier de ne point donner à Natalis de protection contre la juftice. : Natalis fe rendit enfin il fe foumit aux ordres epist 32. du pape, & corrigea fes mœurs : toutefois il lui epist. 37. écrivit une lettre, où il pretendoit fe juftifier: alleguant pour autorifer fes feftins, plufieurs pafAN. 592. fages de l'écriture mal appliquez: entre Rom, XIV. 3. autres celui-ci : Que celui qui ne mange point, ne juge pas celui qui mange. Ce paffage, dit faint Gregoire, ne convient point du tout. Car il n'est pas vrai que je ne mange point; & S. Paul ne parle ainfi, que pour ceux qui jugent les autres, dont ils ne font point chargez. Vous fouffrez avec peine que je vous aie repris de vos grands repas; & moi, qui fuis au-deffus de vous par ma place, quoique non par mes mœurs, je fuis prêt à recevoir la correction de tout le monde. Et je ne compte pour amis, que ceux dont les difcours me font effacer les taches de mon ame, avant la venue du Juge terrible. Il remet à l'arrivée de fes députez, à ju1. ind. 11, p. 22. ger fon differend avec Honorat. Mais Natalis mourut environ fix mois après. XXVII. Affaire d'Adrien de Thebes. Au mois d'Octobre de la même année 592. indiction onzième, S. Gregoire rétablit Adrien évê11. ind. 11. ep.7. que de Thebes, injuftement dépofé. Il avoit luimême dépofé deux diacres de fon église, nommez Jean & Cofme: l'un pour un peché d'impureté, l'autre pour n'avoir pas adminiftré fidélement les biens de l'église. L'un & l'autre le poursuivirent devant l'empereur, pour des caufes civiles & criminelles. L'empereur fuivant les canons, renvoya Adrien devant Jean évêque de Lariffe fon métropolitain pour juger définitivement le civil, & informer du crime, puis en faire fon rapport à l'empereur. Le premier crime dont les diacres Jean & Cofme accuferent leur évêque, fut de n'avoir pas dépofé Etienne diacre de la même église de : Thebes, quoiqu'il connût fa vie infâme. Ils prou- AN. 592. verent bien la mauvaise vie d'Etienne : mais non que l'évêque Adrien en eût eu connoissance. Le fecond chef d'accufation étoit d'avoir empêché de baptifer des enfans, qui étoient morts fans baptême. Mais les témoins produits fur ce fait, ne difoient point que l'évêque Adrien l'eût fçû, & ne parloient que fur le rapport des meres, dont les maris avoient été excommuniez pour leurs crimes. D'ailleurs il étoit conftant que les enfans avoient été baptisez à Demetriade. Jean archevêque de Lariffe, ne ne laiffa pas de condamner Adrien de Thebes, tant fur le criminel, que fur le civil. Adrien appella de cette fentence à l'empereur : mais nonobftant fon appel, Jean de Lariffe le fit mettre dans une étroite prison, où il le contraingnit de lui donner un libelle, par lequel il acquiefçoit à sa sentence, tant pour le criminel, que pour le civil. Toutefois il n'avouoit fes crimes prétendus, que par des paroles ambigues, qui lui laiffoient ouverture à s'en juftifier. Cependant il fit pourfuivre fon appel devant l'empereur, & porter tous les actes de la procedure faite par Jean de Larisse. L'empereur commit pour examiner cet appel Honorat diacre de l'église Romaine, & nonce à CP. avec un de ses principaux fecretaires, nommé Sébaftien; & le procès ayant été foigneusement examiné, Adrien de Thebes fut renvoyé absfous. Mais on obtint enfuite un autre ordre de l'em pereur, par lequel la cause fut renvoyée à Jean évêque de la premiere Juftiniene, primat d'Illyrie & vicaire du faint fiége. Dans ce nouvel examen, AN. 592. epift. 6. epift. 7. des gens Adrien de Thebes ne se trouva convaincu, ni par les dépofitions des témoins, ni par sa confeffion; & néanmoins le primat Jean ne laiffa pas de le condamner & de le dépofer de l'épiscopat. Adrien de Thebes appella au pape, & fignifia fon app elà Jean de Juftiniene, qui par fes nonces promit au diacre Honorat nonce du pape à CP. d'envoyer à Rome, pour foutenir fon jugement. Adrien s'y rendit lui-même, & fe plaignit au pape des injustices qu'il avoit fouffertes de fon métropolitain & de fon primat. Le pape S. Gregoire attendit long-tems, s'il envoyeroient quelqu'un, pour foutenir leur fentence: mais enfin ne voyant paroître perfonne de leur part, & ne voulant pas toutefois juger fans connoiffance de cause, il examina les actes de procédures faites, tant devant Jean de Lariffe, que devant Jean de Juftiniene, & trouva leurs fentences irrégulieres dans la forme, & injuftes dans le fond. C'est pourquoi il cassa la fentence du primat, & le condamna à trente jours de pénitence, pendant lefquels il feroit privé de la fainte communion: fous peine d'être puni plus féverement s'il n'obéiffoit. Le pape rétablit aussi Adrien dans fon fiége, & fe réserve à examiner plus amplement ce qu'il doit ordonner contre Jean de Justiniene, qui avoit ainfi abusé du pouvoir qu'il avoit dans l'Illyrie, comme vicaire du faint fiége. Quand au métropolitain Jean de Larisse, saint Gregoire lui parle ainfi : Vous méritez d'être privé de la communion du corps de notre Seigneur, pour avoir méprisé l'admonition de mon prédécef |