Imágenes de páginas
PDF
EPUB

profeffion de la foi; la plupart des gens ne font aucune reflexion fur les veritez que la Religion leur fournit, ils ne les ont point dans l'efprit, ils ne s'en nourriffent point, & leur efprit eft tout occupé des foins du monde, qui font la fource des paffions.

C'eft en fecond lieu, qu'il faut autre chofe que des raifons pour corriger les paffions car il faut que la grace nous les applique, qu'elle en penetre l'efprit, qu'elle les faffe entrer dans le cœur. Or la grace eft rare, & ne s'obtient que par les prieres.

CHAPITRE

VIII.

De la haine. Comment elle fe forme dans le cœur. Ses remedes.

D.QU'eft-ce que la haine?

R. Si on regarde la haine en general, ce n'eft qu'un fimple éloignement d'un objet qui nous paroît contraire à notre propre bien; mais en la regardant comme une inclination vicieusfe, on doit dire que c'est le même fentiment que la colere; c'est-à-dire, un fentiment d'aigreur contre une perfonne, dont on croit avoir été offenfé; avec cette difference, qu'il eft plus affermi dans l'ame, & qu'il fubfifte fans émotion: c'est pourquoi la colere perfeverante produit la haine, l'ame faisant une difpofition fixe & conftante de ce sentiment tumultueux que l'on appelle colere; & c'eft la raifon de ce precepte de l'Ecriture, qui nous

occidat

ordonne d'appaifer notre colere avant le coucher du Soleil, de peur qu'elle ne fe Solnon change en haine. Que le Soleil ne fe coufuper ira- che point fur votre colere, dit l'Apôtre faint cundiam Paul dans fon Epître aux Ephefiens. Ily veftram. a donc plus d'éloignement & d'aigreur Ephef. 4. dans la haine, & plus d'impetuofité dans

26.

la colere.

D. La haine eft-elle toûjours mauvaife?

R. Elle n'eft pas' mauvaise quand elle n'a pour objet que les vices & les pechez; mais elle eft directement opposée à la charité, quand elle paffe des vices aux perfonnes.

D. En quoi confifte l'injuftice de cette forte de haine?

R. C'eft, 1. Que nous ne haiffons pas le plus fouvent ce qui eft l'objet de notre haine par le veritable motif qui le rend digne de haine, qui eft la contrarieté qu'il a avec la juftice qui eft Dieu même. Notre averfion n'eft ordinairement fondée que fur ce que la perfonne qui en eft l'objet, eft oppofée à quelqu'un de nos interêts, ou de nos defirs, & qu'elle incommode notre orgueil. C'eft la fource or, dinaire de nos averfions; & ainfi elles font injuftes dans leur fond, n'aiant pour principe que l'amour propre.

La feconde injuftice de la haine, c'est que nous ne la bornons pas dans la feule qualité fur laquelle elle eft fondée, mais que nous l'étendons à la perfonne même, & à tout ce qu'elle peut avoir de bon. Si-tôt qu'une perfonne nous eft devenuë

odieufe par quelque endroit, elle nous déplaît en tout; l'amour propre répand fon venin fur tout le bien qu'elle peut avoir; & alors, ou nous ne croions pas qu'elle l'ait, ou nous en fommes fàchez, & nous voudrions qu'elle ne l'eût pas.

Il arrive même de là, que la haine prévaut dans notre cœur à toutes les raisons que nous pouvons avoir d'aimer ceux qui en font l'objet; ce qui eft manifeftement. injufte car quelque tort que puiffe avoir la perfonne contre qui on fent quelque difpofition de haine, les raifons que nous avons de l'aimer, prifes de l'amour de Dieu, de l'obligation qu'il nous impose d'aimer notre prochain, & de la qualité d'image de Dieu qu'elle conferve, devroient prévaloir à tous les fentimens d'averfion & de chagrin qu'on pourroit tirer d'ailleurs.

D. Comment la haine fe forme-t-elle dans notre cœur?.

R. L'amour propre étant choqué par quelque endroit, applique violemment l'ame à ce qui le bleffe, & étouffe par cet unique fentiment ce qu'elle avoit de fenfibilité pour les bonnes qualitez de cette perfonne; l'ame étant fi bornée & fi étroite, qu'elle n'eft capable que d'une feule application un peu vive & un peu pénétrante.

D. Toute haine eft-elle peché mortel? R. Quand la haine eft une paffion involontaire, qu'elle n'a que de legers effets, & que l'ame ne s'y livre pas; ce n'eft alors

qu'un mouvement de concupifcence, qui peut même être fans peché: mais fi l'ame s'y livre par un confentement formel, & qu'elle agiffe felon les mouvemens que la haine lui infpire, rien n'eft plus direetement oppofé à la charité, c'est-à-dire, à la vie de l'ame. Et c'eft principalement à caufe de ce mouvement d'une haine volontaire, que Jefus-Chrift declare dans Qui a l'Evangile, que celui qui appellera fon frerit, fatue, re fol, meritera d'être condamné au feu de reus erit l'enfer.

au

tem dixe

gehennæ D. Comment doit-on donc confiderer ignis. Matth. la haine?

22.

S.

R. On la doit confiderer comme un poifon mortel renfermé dans l'amour propre, capable de faire mourir notre ame, fi nous n'avons recours à Dieu, & fi nous n'y refiftons. Ce feul défaut, fi nous y confentons, nous rend peut-être plus criminels envers Dieu, que tous ceux que nous remarquons dans les autres; ainfi, au-lieu d'avoir l'ame appliquée à ces défauts prétendus des autres qui attirent notre haine, nous la devrions tourner uniquement contre nousmêmes.

D. Comment peut-on remedier à la haine?

R. 1. Il ne faut pas fe décourager lors que l'on fent des averfions. Il y en a beaucoup qui font plus dans l'imagination que dans le cœur. Mais pour en empêcher le progrès, il faut d'abord rendre ces fentimens muets & fans action; c'est-à-dire, ne leur permettre jamais de paroître audehors,

dehors, & s'étudier même à une moderation plus grande ; quand on parle, par exemple, de ceux pour lefquels nous. nous fentons de l'averfion.

2. Il fant tâcher de rendre à ceux à l'égard de qui on fent cette difpofition tous les bons offices que l'on peut ; & demander à Dieu qu'il ôte de notre cœur cette racine d'amertume. Si avec tout cela on fent qu'elle continue, il la faut porter en patience comme une grande mifere, & comme une grande preuve de nôtre orgueil.

[ocr errors]

3. Il faut tâcher de trouver dans cette averfion même de quoi y remedier. Car on ne conçoit d'ordinaire des averfions contre les gens, que parce qu'on s'imagine qu'ils ne nous aiment pas, & qu'ils ne nous confiderent pas autant que nous croions de meriter. Or cette fenfibilité étant une marque d'un amour propre très-vif, nous doit être une preuve que nous ne fommes pas fort aimables, & qu'il n'eft pas fort étrange que l'on foit choqué de nous. Car il n'y a rien de moins aimable qu'une perfonne qui s'aime beaucoup. Et ainfi c'est à nous-mêmes & à nos propres défauts que nous nous devons prendre de ce qu'on ne nous aime pas. Nous avons beau nous juftifier à nous-mêmes, cette feule averfion pour le prochain que nous avons dans le cœur, nous rend dignes du mépris & de la haine des hommes puifqu'elle nous fait meriter la haine & le mépris de.Dieu même. 1:

Decalogue.

[ocr errors]

X

« AnteriorContinuar »