du tonnerre & à la lueur de quelques éclairs, il avoit été faifi d'une frayeur mortelle pour fon pauvre Suidas, qu'il s'étoit levé précipitamment, qu'il l'avoit pris entre fes bras & porté dans fon lit avec tout l'empreffement d'un pere pour fon fils unique tendreffe auffi excufable peut-être, pour les productions de l'efprit, qui ne nous appartiennent pas moins légitimement, qui coûtent quelquefois davantage, & qui flattent toujours d'un Nom plus brillant & plus durable, que celui que la plupart des hommes peuvent at¬ tendre de leur Poftérité. La Reine d'Angleterre vint faire quelque féjour à Cambridge dans le tems qu'on y achevoit l'édition de Suidas. M. Kufter eut l'honneur de lui en présenter le premier Exemplaire ; & la Reine joignit à des re por mercimens fans prix, une Chaîne & une Médaille d'or où étoit fon trait. Peu de jours après M. Küfter & fon ami Sike reçûrent folemnellement le Bonnet de Docteur dans l'Univerfité, qui leur fit les offres les plus avantageufes pour les retenir. M. Kufter ne put pas en profiter, parce que fes Maîtres le rappelloient à Berlin; ce qui lui épargna un triste spectacle, car Sike, qui n'avoit pas les mêmes engagemens, étant resté à Cambridge, où on lui donnoit une Chaire de Professeur en Langue Hébraïque, s'y pendit quel ques années après, fans qu'on en ait jamais fçû rendre d'autre raison que cette mélancolie profonde, cet ennui de la vie que l'air du Pays infpire quelquefois aux Anglois, mais dont on n'avoit pas encore vû d'épreuve fur un Allemand. A fon arrivée à Berlin, M. Kuster fut installé dans la Chaire qu'on lui avoit affurée en partant; & le Roi de Pruffe à qui il avoit dédié Suidas, lui donna par un Brevet le titre de fon Bibliothécaire. Cet établissement qui fembloit devoir mettre le comble à fa fortuné, ne fut pas de longue durée. Le premier Profeffeur du Collège de Joachim mourut; M. Kufter crut que la date de fon infcription qu'il faifoit remonter jufqu'au moment de fon départ, & le nouveau titre de Bibliothécaire du Roi, devoient tout d'un coup l'élever à cette place d'honneur. Un Profeffeur plus ancien en exercice la lui difputa, & l'obtint : cette préférence lui fut sensible. Au bout de l'année, le Tréforier qui payoit les Profeffeurs, voulut lui retenir comme aux autres certains droits fur fes appointemens; M. Kufter naturellement fimple & désintéressé, mais piqué d'ailleurs, ne voulut souffrir aucune diminution: il cria une feconde fois à l'injuftice, & proposa enfin de donner fa démiffion moyennant une certaine fomme. Le Tréforier qui n'avoit peut-être pas befoin qu'on apportât dans la discusfion de tous fes droits l'exactitude grammaticale de M. Kufter, le fit prendre au mot; il toucha dix mille livres, & retourna en Hollande. Dans ce fecond voyage, il établit fon domicile à Amfterdam, où il ne fut pas long-tems fans rendre compte de fon loifir. Il y fit imprimer en 1707. la vie de Pythagore par Jamblique, dont il avoit revû & corrigé le Texte Grec fur deux Manufcrits. L'un étoit de la Bibliothéque du Roi, & c'étoit le plus en tier; l'autre qui appartenoit à M. Spanheim, avoit cet avantage, que fes marges étoient chargées de diverses Leçons, de quelques Notes de M. Rigault, & de celles d'un Anonyme plus ancien, qu'on a foupçonné depuis être Scaliger le pere. M. Kufter y ajoûta les fiennes; il fubftitua la Traduction de M. Obrecht, qui n'avoit pas encore été publiée, à celle d'Arcérius qui étoit pleine de fautes; & à la fin du volume, il fit réimprimer la vie du même Pythagore par Porphyre, autre Auteur Grec, avec les Notes d'Holfténius & de Réittershufius qui étoient devenuës rares. Jamblique fut fuivi d'un Ouvrage beaucoup plus confidérable; c'eft l'Ariftophane que M. Kufter donna en 1710. Ce Poëte, le plus ancien & le plus élégant des Comiques |