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leva le fiége, & les Romains promirent de procurer la paix p.818. entre l'empereur & lui. C'étoit l'année 409, fous le huitiéme confulat d'Honorius & le troifiéme de Théodose.

AN. 410.

Soz. ix. c. 7.

Matth.

En effet le pape Innocent alla en députation vers l'empereur Honorius, qui étoit à Ravenne:& on rapporte avec vraisemblance à cette députation une loi contre les mathématiciens ou aftrologues, fous le nom defquels font fouvent L. 12. C. Th. de compris les arufpices & les autres devins. Par cette loi, il leur eft ordonné de brûler leurs livres en préfence des évêques, & d'abjurer leurs erreurs, ou de fortir de Rome & de toutes les autres villes, fous peine de déportation. Elle eft du vingt-cinquiéme de Janvier 409. Alaric vint jusques à Rimini, pour s'approcher de l'empereur. Jovius, préfet du prétoire d'Italie, vint conférer avec lui: mais par fon imprudence il rompit la paix, qu'il auroit pu faire à des conditions avantageufes.

L. 10. C. Juft. de epifc. aud.

XX.

Attale empereur.

c. 9.

;

Alaric revint donc affiéger Rome une feconde fois & s'étant rendu maître du port, il obligea les Romains de déclarer empereur Attale préfet de la ville, qui favorisoit le paganisme & fe fioit entiérement aux promeffes des devins: enforte que, contre l'avis d'Alaric, il envoya en Afrique un nommé Conftant, fans lui donner les forces néceffaires pour s'en rendre le maître. Il marcha lui-même vers Ravenne, fondé fur des efpérances semblables. Honorius épouvanté lui envoya fes premiers officiers, & lui offrit de le reconnoître pour fon collègue: mais Attale le refufa, & lui ordonna de choisir une ifle ou quelque autre lieu quelque autre lieu pour fe retirer. Honorius avoit déja fes vaiffeaux prêts pour s'enfuir vers fon neveu Théodofe, quand il lui vint d'Orient un fecours inopiné; en même tems il vint nouvelle à Attale, que Conftant avoit été défait par Heraclien, qui tenoit l'Afrique pour Honorius; & qu'Heraclien avoit fi bien fait garder les ports, qu'il ne venoit plus de vivres à Rome, & que la famine y étoit. Il y retourna donc, & continua de fe conduire fi mal, qu'Alaric, de concert avec Honorius, le fit dépofer de l'empire, qu'il ne garda pas un an entier. Les païens & les Ariens furent fort affligés de fa dépofition. Les païens voyant fa conduite, & fçachant comme il avoit été élevé, efpéroient qu'il fe déclareroit païen ouvertement: qu'il rétabliroit les temples, les fêtes & les facrifices. Les Ariens espéroient qu'il les rendroit maîtres des églifes, comme fous Conftantius

Conftantius & fous Valens, parce qu'il avoit été baptifé AN. 410. par Sigefarius évêque des Goths, ce qui l'avoit rendu fort agréable à Alaric & à toute la nation. Il avoit déclaré conful pour l'an 410 un païen nommé Tertullus, dont le nom fut ôté des faftes.

Cependant Alaric étoit venu vers les Alpes, à foixante stades ou trois lieues de Ravenne, & étoit entré en traité avec Honorius; quand Sarus, autre chef des barbares, allié des Romains, craignit que leur union avec les Goths ne lui nuisît, parce qu'il étoit fufpect à Alaric. Il fit donc infulte à fes troupes avec trois cens hommes qu'il avoit, les furprit, & en tua quelques-uns. Alaric, irrité & allarmé de cet exploit, revint fur fes pas, affiégea Rome pour la troifiéme fois, & la prit par trahifon le neuviéme des calendes de Septembre l'an 1164 de fa fondation, fous le confulat de Varanes feul; c'eft-à-dire, le vingt-quatrième d'Août, l'an de J. C. 410. Il l'abandonna au pillage; ordonnant toutefois, par refpect pour l'apôtre S. Pierre, que fon églife du Vatican fût un lieu de fureté. Ce qui empêcha l'entiére deftruction de Rome: car comme l'églife étoit grande, & avec les bâtimens qui en dépendoient, occupoit beaucoup de place, il s'y fauva tant de gens, qu'ils repeuplérent la ville.

Dans ce faccagement plufieurs palais & plufieurs autres édifices publics furent brûlés, quantité de gens tués; plufieurs femmes déshonorées, même des vierges confacrées à Dieu. Une femme mariée, d'une excellente beauté, & catholique, tomba entre les mains d'un jeune Goth Arien, qui voyant qu'elle résistoit à fon mauvais defir, tira fon épée pour lui faire peur, lui effleura la peau, peau, & lui mit la gorge en fang. Elle préfenta hardiment fa tête à couper; & le barbare, touché de fa vertu, la mena lui-même à l'église de S. Pierre, la recommanda aux gardes, & leur donna fix piéces d'or pour fa nourriture, afin qu'on la rendît à fon mari. Un autre Goth des principaux, & chrétien, trouva dans une maifon d'une églife une vierge confacrée à Dieu, & avancée en âge : il lui demanda honnêtement fon or & fon argent; & elle lui dit avec fermeté qu'elle en avoit quantité, & qu'elle alloit lui montrer. En effet elle expofa à fes yeux de fi grandes richeffes, que le barbare fut étonné du nombre, du poids & de la beauté de tant de vafes dont il ne fçavoit pas même les noms. Ce font, lui dit-elle, les Tome IV.

E

Orof. VII. c. 42.

XXI. Rome prife & pillée.

Hift. Mifc. lib. 13. in fine. Prop. Chr. 411.

Marcell. 410.

Soz. 11. c. 10,

Oroj. VII. c. 39.

AN. 410.

Hier. ep. 16. ad Princip. c. 6.

vafes de l'apôtre faint Pierre; prenez-les fi vous ofez, vous en répondrez comme je ne puis les défendre, je n'ofe les retenir. Le barbare, touché de refpect, l'envoya dire à Alaric, qui commanda qu'auffi-tôt on reportât tous les vafes, comme ils étoient, à la bafilique de S. Pierre ; & que l'on menât auffi avec escorte la vierge facrée, & tous les chrétiens qui s'y joindroient. Cette maifon étoit loin de l'églife de S. Pierre, enforte qu'il falloit traverser toute la ville. Ainfi ce tranfport des vafes facrés fut un fpectacle & une pompe magnifique. Ils étoient portés un à un fur la tête à découvert ; & des deux côtés marchoient des foldats l'épée à la main. Les Romains & les barbares chantoient ensemble des hymnes à la louange de Dieu. Les chrétiens accouroient de tous côtés: plufieurs païens firent femblant d'être chrétiens en cette occafion; & plus il s'amaffoit de Romains pour se fauver, plus les barbares s'empreffoient à les entourer pour les défendre. Les barbares étant entrés chez fainte Marcelle, lui demandoient fon or & fes richeffes cachées. Elle leur dit qu'elle n'en avoit point, montrant pour preuve la pauvreté de fes habits mais ils ne la crurent pas; ils la tourmentérent à coups de fouet & de bâton. Elle fe jettoit à leurs pieds & leur demandoit avec larmes de ne point féparer d'elle fa fille Principia, pour laquelle elle craignoit l'infulte dont ellemême étoit à couvert par fon âge avancé. Les barbares en furent touchés, & les conduisirent toutes deux à l'églife de S. Paul. Car Alaric avoit ordonné qu'elle fervît d'afyle, auffi bien que celle de S. Pierre. Sainte Marcelle remercioit Dieu d'avoir fauvé l'honneur de fa fille, & de l'avoir ellemême préfervée du pillage par la pauvreté 'volontaire. Elle mourut peu de jours après entre les bras de fa fille; & l'illuftre Pammaque mourut auffi vers le même tems. Un diaEpitaph. ap. Bar. cre nommé Denis, qui fçavoit la médecine & l'exerçoit gratuitement, fut emmené par les Goths: mais il fe rendit fi aimable & fi vénérable parmi eux, qu'ils le regardoient comme leur maître.

an. 410.

Hier. praf. lib. 1. in Ezech.

Crof. vii. c. 39.

Id. c. 41.

:

Un grand nombre de chrétiens fortit de Rome à cette occafion; & on regarda comme un effet de la providence, que le pape S. Innocent en fût forti quelque tems auparavant, pour aller en députation vers l'empereur Honorius: car il étoit encore alors à Ravenne. Les barbares laifférent fortir ceux qui voulurent, leur donnérent escorte, & leur

AN. 410.

Orof. VII. c. 39. Marcel, Chr. 401.

aidérent à emporter leur bien, moyennant une petite récompenfe. Le pillage de Rome ne dura que trois jours, & Alaric en fortit le fixiéme jour après qu'il y fut entré fans y laiffer de garnifon. Il paffa dans la Campanie où fes troupes pillérent Nole; & en cette occafion S. Paulin fit cette priére Seigneur, que je ne fois & de l'argent; car vous fçavez où font tous mes biens. En Hift. Mifc. l. 13. effet, il avoit tout donné aux pauvres. Alaric ayant ravagé toute cette partie de l'Italie, mourut l'année suivante à Cofecomme il fe préparoit à paffer en Sicile.

.ne ,

pas tourmenté

pour de l'or

XXII. Romains difper

fes.

Rutil. Itiner. l. 1.

Hier. præf. in 1. in

3.7. lib. in Ezech.

cip. c. 5.

De ceux qui fe fauvérent du fac de Rome, plufieurs fe retirérent dans les ifles voifines de la Tofcane: d'autres en Sicile & en Afrique : d'autres en Egypte, en Orient & en Palestine. S. Jerôme en reçut plufieurs à Bethléem; & cette occupation charitable, jointe à la douleur qu'il fentoit d'une fi grande calamité, retardoit fes travaux, ne lui laiffant pour étudier que la nuit la nuit, où fa vue affoiblie par fon grand âge étoit fatiguée des lettres hébraïques. Après le commentaire fur Ifaïe, qu'il avoit fait à la prière d'Euftochium, elle l'avoit encore engagé à celui d'Ezechiel & puis Epift. 16.ad.Prinde Jeremie. D'abord il fut fenfiblement touché de la nouvelle des deux fiéges de Rome, qui fe fuivirent de fi près, & de la famine qui y régnoit, jufques à manger la chair humaine. La nouvelle de la prife l'accabla, jointe à la mort de Pammaque & Marcelle : mais quand il vit chez lui tant de nobles fugitifs de l'un & de l'autre fexe, réduits tout d'un coup à la mendicité, après leurs richeffes immenfes, qui cherchoient le vivre & le couvert, nuds, bleffés & expofés encore aux infultes de ceux qui les croyoient chargés d'or toutes ces miféres le faifoient fondre en larmes, & chercher tous les moyens de les foulager. Il regardoit la fin du monde comme proche, & voyoit cependant en ce terrible événement la main de Dieu & l'accompliffement des prophéties. Car il avoit fouvent dit que Rome, encore attachée à l'idolâtrie & remplie de vices étoit la Babylone & la femme proftituée de l'Apocalypfe ; & que la révolte prédite par S. Paul avant la venue de l'ante-chrift, étoit la chute de l'empire Romain , que l'apôtre n'avoit pas voulu marquer plus clairement pour ne pas attirer la perfécution.

Dans le même tems, les barbares firent de grands ravages en Orient, en Syrie, en Phénicie, en Palestine, en Ara

Praf. 8. in Ezech.
Ep. 17. ad Mar.
cell. c. 7. in Ifaï
XLVII. lib. 2. in

Jovin. in fine.

Ep. 15. ad Algaf.

Pult.

AN. 410. Nil. Narr. 1. p.27. Boll. 14.

Januar. p. 958.

bie, en Egypte. S. Jerôme dit qu'à peine avoit-il pu luimême échapper de leurs mains. S. Nil décrit ainfi les défordres que firent dans le défert de Sina les Arabes, qui ne vivoient que de chaffe & de brigandage. Il étoit defcendu de la montagne avec fon fils, pour vifiter à l'ordinaire les moines qui demeuroient au Buiffon c'est-à-dire apparemment au lieu où Moïfe vit le buiffon ardent. Le quatorze de Janvier dès le grand matin, comme ils venoient de finir l'office, les barbares accoururent en criant, & prirent tout ce qui reftoit aux moines de provifions pour leur hyver; fçavoir des fruits fauvages defféchés. Ils en chargérent les moinęs mêmes, après les avoir fait fortir de l'églife, dépouillérent les plus vieux, & les rangérent tout nuds en file pour les égorger. Ils commencérent par le prêtre nommé Théodule, à qui ils coupérent la tête, fans qu'il fit autre chofe que P. 50. le, figne de la croix, en difant: Dieu foit béni. Enfuite ils tuérent un vieillard qui demeuroit avec lui, & un jeune homme qui les fervoit ; & firent figne aux autres de la main de s'enfuir. S. Nil ne pouvoit fe réfoudre à quitter fon fils, que l'on emmenoit captif: mais fon fils lui fit figne des yeux de fe fauver comme les autres. Il gagna donc la montagne, tournant tant qu'il put les yeux vers fon fils, qui le regardoit auffi à la dérobée.

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Les moines étant fur la montagne, & s'entretenant de cet accident, il vint un efclave de Magadon fénateur de Pharan qui étoit la ville la plus proche de ce défert. Cet esclave venoit du camp des barbares, encore tout effrayé & hors d'haleine. On lui demanda comment il s'étoit fauvé, & adreffant la parole à S. Nil, il dit: Les barbares, s'entretenant pendant leur foupé, dirent que le lendemain matin ils nous immoleroient votre fils & moi à l'aftre qu'ils adorent. C'étoit l'étoile de Venus. Ils drefférent l'autel, & y mirent le bois fans que nous fçuffions pourquoi, n'entendant pas leur langue. Mais un des captifs, qui la fçavoit, me le dit en fecret. J'en avertis votre fils, & que fi nous ne fuyions, nous ne ferions pas en vie le lendemain. Il craignit d'être découvert, & aima mieux demeurer, [s'abandonnant à la providence. Pour moi, voyant tous ces barbares pleins de vin & endormis, je me fuis d'abord traîné contre terre à la faveur de la nuit puis étant un peu loin de leur camp, j'ai couru de toute ma force. Il leur raconta auffi plusieurs cruau

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