Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]

tés des Arabes; entre autres la mort d'un jeune folitaire, qui avoit mieux aimé perdre la vie, que de leur obéir en découvrant où étoient les autres moines ou en s'expofant nud à leurs yeux.

AN. 410.

p.87.

!p. 90.

Martyr. R. 14.

La nouvelle de cette incurfion ayant été portée à Pharan, le confeil de la ville réfolut de ne la point paffer fous filence, & en fit avertir le chef de ces barbares. Cependant les moines allérent enterrer leurs freres; qu'ils trouvérent au bout de cinq jours encore entiers, fans mauvaise odeur, fans difformité, ni atteinte de bêtes. Ils en marquérent les noms, pour les honorer comme martyrs; & l'églife célèbre encore leur mémoire le quatorziéme de Janvier. Les moines allérent en- Jan. fuite à Pharan apprendre la réponse du chef des Arabes. Comme ils y entroient, les couriers qu'on lui avoit envoyés, apportérent fes lettres, par lefquelles il mandoit que ceux qui avoient fouffert quelque dommage le vinffent trouver, & qu'il leur feroit juftice: car il ne vouloit pas rompre commerce avec les Romains, qui lui étoit avantageux. On envoya donc de Pharan des ambaffadeurs, pour renouveller la paix; & ils furent accompagnés par les parens des captifs, entre lefquels étoit faint Nil. Après douze jours de chemin étant arrivés au camp du chef des Arabes, qu'ils nommoient l'Amman ou l'Iman, il leur donna audience, & leur fit une réponse favorable.

le

P. 91.

On affura S. Nil que fon fils étoit vivant, & efclave en la ville d'Eluze. Il partit pour y aller, & apprit en chemin que l'évêque de cette ville avoit acheté fon fils, & l'avoit ordonné clerc, & qu'en peu de tems il s'étoit acquis une grande eftime. S. Nil étant arrivé, reconnut fon fils le premier, & tomba en défaillance. Son fils l'embraffa & le fit revenir; puis il lui raconta ainfi fon avanture. Quand l'efcla- p. 110. ve de Magadon fe fauva, tout étoit prêt pour notre facrifice; l'autel, le glaive, la coupe, les libations & l'encens. On avoit réfolu de nous immoler le lendemain au point du jour. J'étois profterné le visage contre terre, priant tout bas avec l'attention que donnent les grands périls. Seigneur, difois-je, ne permettez pas que mon fang foit offert aux malins efprits, ni que mon corps foit la victime du démon de l'impureté. Rendez-moi à mon pere, qui efpére en vous. Je priois encore, quand les barbares fe levérent, troublés · de voir le tems du facrifice déja paffé; car le foleil étoit

P. 117.

AN. 410.

7. 125.

levé. Ils me demandérent ce qu'étoit devenu l'autre captif; je dis que je n'en fçavois rien; & ils demeurérent en repos fans me donner aucun figne d'indignation. Je commençai à Prendre courage, & Dieu me donna affez de force pour leur réfifter lorfqu'ils voulurent m'obliger à manger des viandes impures, & à me jouer avec des femmes. Quand nous fûmes arrivés en pays habité, ils m'expoférent en vente; & comme on ne leur offroit que deux fols d'or, après m'avoir ramené plufieurs fois, ils me mirent enfin à l'entrée du bourg, tout nud, une épée pendue au cou, pour montrer que fi on ne m'achetoit, ils alloient me couper la tête. Je tendois les mains à ceux qui fe préfentoient, & les fuppliois de donner aux barbares ce qu'ils demandoient, promettant de le leur rendre, & de les fervir encore. Enfin je fis pitié, & on m'acheta.

L'évêque d'Eluze traita le pere & le fils avec beaucoup de charité, & les retint auprès de lui quelque tems, pour les remettre de leurs fatigues. Il voulut même récompenfer la vertu de faint Nil, en l'ordonnant prêtre malgré toute fa réfiftance; & quand ils fe retirérent il leur donna de quoi faire leur voyage, qui étoit long. On ne fçait rien du refte de la vie de S. Nil: mais il avoit alors cinquante ans, & on croit qu'il en vécut encore quarante, jufqu'au règne V. Chronol, Suar. de l'empereur Marcien. Nous avons de lui plufieurs traités p. 692. de piété, & mille foixante & une lettres, la plupart courtes, & d'un ftyle vif & concis.

Lib. 1. Epift. 44:

11. Epift. 294.

111. Epift. 243.

ce

Il y parle ainfi de l'euchariftie: Après les invocations terribles, & la defcente de l'efprit adorable & vivifiant qui eft fur la fainte table n'eft plus de fimple pain & du vin commun, mais le corps & le fang précieux de J. C. notre Dieu, qui purifie de toute tache ceux qui le prennent avec une grande crainte & un grand defir. Et dans une autre il dit que S. Jean Chryfoftome a vu fouvent les anges dans l'églife, principalement dans le tems du facrifice non fanglant: que dès que le prêtre commençoit l'oblation, ils entouroient l'autel avec un profond refpect, jufqu'à l'accompliffement du mystére terrible : puis fe répandant par toute l'églife, ils aidoient les évêques, les prêtres & les diacres à diftribuer le corps & le fang précieux. Dans une autre lettre, il reprend un prêtre trop fevére, qui ne comptoit pour rien la confeffion publique du pénitent, fi elle n'étoit fuivie de plu

fieurs auftérités. Vous ne faites attention, dit-il, qu'à une
partie de l'écriture, qui marque la colére de Dieu, & non
à fa miféricorde répandue prefque par-tout. Il est très-utile
à ceux qui le peuvent, de donner des preuves de leur pé-
nitence par les œuvres,
les œuvres, comme les jeûnes, les veilles, le fac,
la cendre, & les aumônes abondantes. Mais il ne faut pas
rejetter la fimple confeffion de ceux qui n'ont pas la force
ou le moyen d'accomplir toutes ces oeuvres. Il fuffit d'être
affuré que la pénitence eft fincére. Les opufcules de S. Nil
traitent tous de la vie afcétique, c'est-à-dire, de la perfection
chrétienne. Dans le premier, il reprend fortement le relâ-
chement qui commençoit à s'introduire chez les moines, &
le plus fameux de tous ces traités eft celui des huit vices
capitaux.

[ocr errors]

Pour revenir aux incurfions des barbares, celles qu'ils firent en Egypte obligérent les moines de Scetis d'abandonner leur folitude, ce qui fit dire à S. Arfene en pleurant: Le monde a perdu Rome, & les moines ont perdu Scetis. Il y eut auffi des moines tués dans ces folitudes d'Egypte, comme rapporte S. Auguftin en déplorant les calamités publiques de ce même tems, & les ravages des barbares en Italie, en Gaule & en Espagne. Il en écrit à un prêtre nommé Victorien, lui marquant ce que l'on doit répondre aux païens fcandalifés de ces malheurs, en quel efprit il faut les fupporter, & même en profiter à l'exemple des Saints.

les

AN. 410.

Rof. 20. p. 564.
Victoriam.

Ep. 111.al. 122.ad

Hier. ep. 8. ad Demetr. c. 3.1

Pall. Lauf. 118. al. 33.

Ep. 130. al. 121.

Entre ceux qui pafférent en Afrique, fuyant Alaric, plus illuftres font Preba, avec Julienne fa bru, & Démétriade Sup.. xx. n. ult. fa petite-fille: & d'un autre côté, Albine, Pinien fon gendre & Mélanie la jeune fa fille. S. Auguftin écrivit quelque tems après à Proba une grande lettre, où il lui montre la maniére de vivre en vraie veuve, au milieu de fa famille & de fes richeffes, & traite principalement de l'oraison. Albine & les fiens, prévoyant la ruine de Rome, avoient vendu leurs biens, & en étoient fortis, quelque tems avant qu'elle fût affiégée. Melanie l'ancienne belle-mere d'Albine, & fon fils Publicola, fortirent avec eux. Rufin d'Aquilée les accompagnoit auffi, & paffa avec eux en Sicile, où il traduifit les homelies d'Origène fur les nombres, dans le tems que les Goths brûloient la ville de Rege. Rufin mourut en Sicile peu de tems après. Albine avec fa fille Melanie & fon gendre Pinien, pafférent en Afrique, arrivérent à Carthage

Praf. ad Urfac ap. Valef. not. ad Euf. vi. 38. Hier. praf. 1. in Ezech. vita Melan. ep Metaphr.31Jan. Aug. ep. 124. ale

237.

AN. 410.

XXIII.

pone pour Pinien. Ep. 126. al. 225.

& de-là à Tagafte voir l'évêque Alypius. Melanie l'ancienne retourna à Jérufalem, avec fon petit-fils Publicola, & y mourut quarante jours après qu'elle y fut arrivée. S. Auguf tin ne put aller à Tagafte, comme il le fouhaitoit ardemment, voir Albine, Pinien & la jeune Melanie étant à Hippone pour le falut de fon peuple. Sans cela, les pluies & la rigueur de l'hyver, auquel il étoit très-sensible, même en Afrique, ne l'auroient pas retenu.

Ils vinrent quelque tems après le voir à Hippone; & comme Tumulte à Hip- ils étoient dans l'églife, le peuple fe jetta fur Pinien, demandant avec grands cris à S. Auguftin de l'ordonner prêtre de leur églife. S. Auguftin dit qu'il ne l'ordonneroit point malgré lui: mais le peuple fe mit à crier plus fort qu'auparavant. Pinien & Melanie fon époufe, avec laquelle il vivoit depuis longtems en continence, prétendoient que le peuple d'Hippone n'agiffoit ainfi que par intérêt, pour acquérir à l'églife & aux pauvres d'Hippone, ces richcffes qu'il diftribuoit avec profufion.

S. Auguftin voyant ce défordre, s'avança, & dit à fon peuple: Si vous prétendez l'avoir pour prêtre, contre la parolę que j'ai donnée, vous ne m'aurez point pour évêque; après quoi il quitta la foule, & revint à fon fiége. Cette réponse furprit le peuple, & le retint un peu: puis ils recommencérent à s'échauffer davantage, croyant forcer S. Auguftin à rompre fa parole, ou faire ordonner Pinien par un autre évêque. S. Auguftin difoit à ceux qui pouvoient l'entendre, c'eft-à-dire aux plus confidérables de la ville, qui étoient montés vers le fanctuaire : Je ne puis manquer à ma parole, & Pinien ne peut être ordonné par un autre évêque dans l'églife qui m'eft confiée, fans mon confentement; fi je le permettois, je manquerois encore à ma parole. Que fi vous le faites ordonner malgré lui, tout ce que vous gagnerez, c'eft qu'il fe retirera après fon ordination. Cependant la multitude qui étoit devant les dégrés du fanctuaire, persistoit dans la même volonté avec des clameurs horribles, & s'emportoit contre S. Alypius qui étoit préfent, comme s'il eût voulu garder Pinien pour fon églife de Tagafte, afin de profiter de fes richeffes. S. Auguftin craignoit qu'il n'arrivât pis, & qu'il ne fe mêlât dans la foule des gens perdus, qui priffent occafion de ce tumulte pour commettre quelque violence par le defir de piller; & il ne fçavoit quel

parti

parti prendre. Il vouloit fortir de l'églife, de peur qu'elle AN. 410, ne fût profanée : & il craignoit que, s'il en fortoit, ce malheur n'arrivât plutôt, le peuple étant encore plus irrité & moins retenu par le refpect. Dailleurs s'il paffoit au travers de cette foule avec Alypius, il étoit à craindre que quelqu'un ne fût affez hardi de mettre la main fur lui : & il n'y avoit pas d'apparence de le laiffer expofé à la fureur de ce peuple.. Comme S. Auguftin étoit dans cet embarras, tout d'un coup Pinien lui envoya dire qu'il vouloit jurer au peuple, que fi on l'ordonnoit malgré lui, il fortiroit abfolument d'Afrique. Il croyoit que le peuple cefferoit d'infifter fur une prétention qui ne pourroit avoir autre effet que de le chaffer car on étoit bien perfuadé qu'il ne fe parjureroit pas; mais S. Augustin, qui craignoit que ce ferment n'aigrît encore plus le peuple, n'en dit mot, & alla auffi-tôt trouver Pinien qui l'avoit demandé. Comme il alloit, Pinien lui fit encore dire qu'il demeureroit, fi on ne l'engageoit point à entrer malgré lui dans le clergé. S. Auguftin commença un peu à refpirer: & fans lui rien répondre, il alla promptement trouver S. Alypius, & lui rapporta ce que Pinien lui avoit dit. S. Alypius, craignant de choquer la famille de Pinien, dit : Qu'on ne me confulte point là-deffus. S. Auguf tin revint au peuple, & ayant fait faire filence, il dit ce. que Pinien promettoit de jurer. Comme ils ne fongeoient qu'à le faire ordonner prêtre, ils n'en furent pas contens mais après avoir un peu confulté entre eux, ils demandérent qu'il ajoutât à fa promeffe, que fi jamais il confentoit à entrer dans le clergé, ce ne feroit que dans l'églife d'Hippone. S.. Auguftin le rapporta à Pinien: il y confentit fans héfiter, &: le déclara au peuple, qui en fut content & qui demanda le ferment qu'on avoit promis.

S. Auguftin retourna trouver Pinien que l'on gardoit dans un lieu féparé, & le trouva embarraffé fur le choix des paroles du ferment, à caufe des néceffités de fortir qui pourroient arriver, comme une incurfion d'ennemis. Sainte Mela-nie fon épouse vouloit ajouter le mauvais air. S. Auguftin crai-gnoit que toute reftriction ne fût fufpede au peuple. On: convint d'en faire l'expérience. Le diacre lut à haute voix: les paroles de Pinien, & le peuple en fut content : mais à Ces mots de néceflité furvenante il fe técria, & recommença à faire du bruit, croyant qu'on le vouloit tromper.. Tome IV. F

,

« AnteriorContinuar »