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Ce que voyant Pinien, il fit ôter le mot de néceffité; & le peuple reprit fa premiére joie. Pinien vint alors trouver le peuple, & confirma ce que le diacre avoit dit de fa part, & le ferment qu'il avoit lu. On demanda qu'il foufcrivît, & il le fit. Quelques-uns des principaux demandérent que les évêques foufcriviffent auffi. S. Auguftin ayant commencé d'écrire, fainte Melanie s'y oppofa. Saint Augustin s'étonna qu'elle s'en avifat fi tard; comme fi, en ne foufcrivant pas, il eût pu annuller le ferment. Toutefois il eut cette complaifance pour elle, il laiffa fa foufcription imparfaite, & perfonne ne le preffa de l'achever. Pinien fortit d'Hippone le lendemain, & retourna à Tagafte; ce qui caufa de l'émotion parmi le peuple: mais il s'appaifa, quand il fçut qu'il conservoit toujours l'intention de revenir.

par

Cependant Albine fa belle-mere, qui apparemment n'étoit pas à Hippone lors de ce tumulte, fe plaignit de la violence qu'on lui avoit faite; foutenant que l'on n'en vouloit qu'à fon bien & le ferment qu'il avoit fait force & par que la crainte de la mort, ne le pouvoit obliger. S. Auguftin en écrivit à Alypius, pour le prier de guérir de ce foupçon Albine & fes enfans, c'eft-à-dire, Pinien fon gendre & fa fille Melanie; car, dit-il, quoiqu'ils ne fe plaignent que du peuple, on voit bien que ces foupçons tombent fur le clergé, & principalement fur les évêques, qui paffent pour être les maîtres du bien de l'églife. Et nous ne devons pas nous contenter du témoignage de notre confcience: mais fi noust avons quelque étincelle de charité, nous devons avoir foin de bien faire, non feulement devant Dieu, mais devant les hommes. Comme Pinien doutoit s'il étoit obligé à garder ce ferment, qu'il n'avoit fait que pour éviter la violence du peuple d'Hippone; S. Auguftin donne ces maximes fur la matiére des fermens. Un ferviteur de Dieu doit plutôt s'expofer à une mort certaine, que de promettre avec ferment une action défendue, parce qu'il ne pourroit accomplir fon ferment que par un crime: mais celui qui a promis une chofe permife, par la crainte d'un mal incertain, comme Pinien, doit accomplir fa promeffe, plutôt que de commetre un parjure certain. On doit obferver le ferment, non felon la rigueur des paroles dans lefquelles il eft conçu, mais felon l'attente de celui à qui on le fait, connue par celui qui jure. Ainfi l'absence de Pinien n'étoit point contraire à fon fer

ment tant qu'il avoit l'efprit de retour.

AN. 407.

fe plaindre

S. Auguftin écrivit auffi à Albine, non pour du foupçon qu'elle avoit de lui, mais pour fe juftifier & la confoler. Il lui rend un compte exact de tout ce qui s'étoit paffé à Hippone au fujet de Pinien. Puis il montre que l'on ne doit pas foupçonner le peuple d'Hippone de l'avoir voulu retenir par intérêt. Ce n'eft pas, dit-il, votre argent qui les a touchés, mais le mépris que vous avez pour l'argent. Ce qui leur a plu en moi, c'est qu'ils fçavoient que j'avois quitté pour fervir Dieu quelques petits héritages de mon patrimoine; & ils ne les ont pas enviés à l'églife de Tagafte où je fuis né mais comme elle ne m'avoit point engagé dans la cléricature, ils m'y ont fait entrer quand ils ont pu. A combien plus forte raifon ont-ils été touchés de voir en notre cher Pinien le mépris de tant de richeffes & d'efpérances? Plufieurs trouvent que, loin de quitter les richeffes, j'y fuis parvenu: mon patrimoine feroit à peine la vingtiéme partie des biens de cette églife. Mais Pinien, quand il feroit évêque en quelque églife que ce foit, principalement d'Afrique, ne fçauroit être que pauvre, en comparaifon des biens qu'il poffèdoit. Le foupçon d'intérêt ne peut donc tomber que fur les clercs, & principalement fur l'évêque; car c'eft nous que l'on regarde comme les maîtres du bien de l'églife. Or Dieu m'eft témoin que loin d'aimer, comme l'on croit, cette administration, elle m'est à charge; & que je ne m'y foumets que par la crainte de Dieu, & la charité que je dois à mes freres enforte que je voudrois m'en pouvoir décharger, fi mon devoir me le permettoit. Il ajoute, en parlant des apôtres: Nous ne pouvons travailler de nos mains comme eux pour notre fubfiftance; & quand nous le pourrions nos grandes occupations, dont je ne crois pas qu'ils fuffent chargés, ne nous le permettroient pas. Il traite enfuite la matiére du ferment prêté par force, comme il avoit fait dans la lettre à Alypius; ne permettant pas de douter qu'on ne doive l'accomplir, & dans le fens de ceux à qui on l'a fait. S. Auguftin avoit encore montré fon défintéreffement en une affaire l'on croit être arrivée quelques années auparavant. Les habitans de Thiave ayant renoncé au fchifme des Donatiftes, il fallut leur donner un prêtre pour les gouverner. Ce fut Honorat, que l'on tira du monaftére de Tagafte. La coutume étoit, que ceux qui entroient dans les monafté

que

Ep. 126.

n. 7.

1.8.

n. 9.

n. 10:

XXV: Défintéreffement de S. Auguftin.

AN. 410.

res, commençoient par fe défaire de tout leur bien au profit des pauvres, ou du monaftére même. Si quelqu'un fe préfentoit qui ne pût encore difpofer de fon bien, on ne laiffoit pas de le recevoir, pourvu qu'il parût fincérement réfolu à le quitter fitôt qu'il pourroit. Honorat étoit dans le cas, & avoit encore fon bien, quand on l'ordonna prêtre de l'églife de Thiave. La question fut à qui ce bien demeureroit. Ceux de Thiave y prétendoient, par la règle de ce temslà, que les biens des clercs appartenoient à l'églife où on les Aug. ep. 83. n.4. ordonnoit. Alypius évêque de Tagafte prétendoit que le bien d'Honorat devoit aller au monaftére de Tagafte, & craignoit que s'il alloit à l'église de Thiave, comme étant encore à Honorat, cet exemple ne fervît d'occafion à ceux qui entreroient dans les monaftéres, pour différer à quitter leurs biens. S. Auguftin croyoit que le bien d'Honorat devoit appartenir à l'églife de Thiave. S. Alypius vouloit partager le différend, garder la moitié pour le monaftére de Tagafte & laiffer l'autre moitié à l'églife de Thiave; à condition que S. Auguftin feroit trouver d'ailleurs au monaftére de Tagaste la valeur de l'autre moitié : & S. Auguftin en convint.

D. ep. 83. al. 239.

11. Retract. c.34. De un. bapt. c. I.

1.9. p. 527.

Depuis y ayant penfé plus à loifir, il écrivit à S. Alypius que ce partage ne lui plaifoit point. Car, dit-il, fi nous leur ôtions le total, ils croiroient que nous l'aurions trouvé jufte fi nous entrons en compofition, il femblera que nous n'aurons regardé qu'à l'argent; & le même inconvénient en arrivera: ceux que nous voulons convertir garderont la moitié de leur bien en entrant dans le monaftére. Il conclut donc de laiffer tout le bien d'Honorat à l'églife de Thiave, fuivant la règle générale, pour éviter le fcandale & le foupçon d'avarice, principalement à l'égard des nouveaux réunis. J'ai conté l'affaire, dit-il, à notre confrere l'évêque Samfucius il a été fort étonné que nous euffions été de cet avis, fans s'arrêter à autre chofe qu'à l'apparence honteufe & indigne, non feulement de nous, mais de qui que ce foit. S. Auguftin convient toutefois de donner au monaftére de Tagafte la moitié qu'il avoit promife. Vers ce tems-là un des amis de S. Auguftin, nommé Conftantin, lui donna, comme ils étoient ensemble à la campagne, un livre de Petilien évêque Donatifte, & le pria inftamment d'y répondre. Le titre étoit du baptême unique; & le fujet, de montrer que le vrai baptême n'étoit que chez eux. Saint Auguftin le ré

futa par un livre du même titre du baptême unique, où il ne dit que ce qu'il dit dans fes autres ouvrages fur ce fujet. Les Donatiftes avoient obtenu une loi, qui permettoit l'exercice de leur religion, & que l'on croit leur avoir été accordée par Honorius du tems que l'on craignoit en Afrique Conftant, que le tyran Attale y avoit envoyé; c'est-àdire, vers le milieu de l'an 409. Encouragés par cette loi ils exerçoient des violences infupportables. Ils pilloient les maifons, diffipoient les fruits, répandoient les vins & les autres liqueurs, brûloient les bâtimens. Quand ils prenoient des clercs catholiques, non contens de leur faire des plaies horribles, ils leur mettoient dans les yeux de la chaux & du vinaigre. S. Augustin apprit un jour, qu'en un feul lieu ils avoient rebaptifé quarante-huit perfonnes, par la terreur de ces cruautés. Un de leurs prêtres nommé Reftitut, dans le territoire d'Hippone, à Victoria, s'étoit rendu catholique de fa pure volonté, avant les loix qui l'ordonnoient les clercs Donatiftes & leurs Circoncellions l'enlevérent en plein jour de fa maison, & le menérent dans un bourg prochain. Là en préfence de tout le peuple, qui n'ofoit réfifter, il fut battu à difcrétion, roulé dans une mare bourbeufe, & revêtu par dérifion d'une natte de jonc. Après s'en être joués autant qu'ils voulurent, ils le menérent à un lieu dont aucun catholique n'ofoit approcher, & ne le renvoyérent que par force, & le douzième jour après. Mais ils le tuérent enfuite & lui coupérent un doigt; & arrachérent un œil à un autre prêtre nommé Innocent.

Pour remédier à ces défordres, les évêques catholiques s'affemblérent à Carthage le dix-huitiéme des calendes de Juillet, après le huitiéme confulat d'Honorius, le troifiéme de Théodofe; c'est-à-dire, le quatorziéme Juin 410. Là il fut réfolu d'envoyer des députés à l'empereur, qui furent les évêques Florentius, Poffidius, Préfidius & Benenatus, pour demander l'abolition de cette liberté d'exercice dont

Donatiftes abufoient. Ils l'obtinrent en effet: n'y ayant plus rien à craindre pour Honorius en Afrique, après la défaite de Conftant & la dépofition d'Attale. Honorius donna donc une loi datée du huitiéme des calendes de Septembre fous le confulat de Varane; c'eft-à-dire, le vingt-cinquième d'Août 410, le lendemain de la prife de Rome par les Goths. Cette loi porte que, fans avoir égard à celle que les hérétiques ont obtenue par fubreption, il leur cft défendu de

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AN. 419.

Pofid. vita c. 3. Aug. 111.cont. Jul.

c. 1. n. 5.

Coll. 1. c. 4.

Hier ep. 82.

Aug. ep. 136.al.

58. &c,

XXVII.

fuivis en Orient.

L. 48. C. Th. de hær.

vie. Il n'étoit pas ordinaire de menacer les hérétiques de peines fi rigoureufes: mais la fureur des Donatiftes le demandoit. Cette loi eft adreffée au comte Heraclien, qui avoit fi bien défendu l'Afrique.

Les députés du concile de Carthage obtinrent encore de l'empereur Honorius un refcrit, pour obliger les Donatiftes à venir à une conférence publique. C'étoit le moyen que les évêques catholiques , principalement faint Auguftin, jugeoient le plus efficace pour défabufer les peuples. Ils ne pouvoient rien faire avec les évêques Donatiftes, qui refufoient de conférer avec eux, quoiqu'ils y euffent été si souvent invités; & les peuples ne fe fouvenoient plus de ce qui avoit été fait contre les Donatiftes fous Constantin, environ cent ans auparavant. Le refcrit de l'empereur Honorius fut adreffé à Flavius Marcellin, tribun & notaire, dignité alors confidérable. C'étoit un homme pieux, & ami de S. Jerôme & de S. Auguftin, comme il paroît par leurs lettres. Le refcrit ordonne que les évêques Donatiftes s'affembleront à Carthage dans quatre mois, afin que les évêques choifis de part & d'autre puiffent conférer ensemble. Que fi les Donatiftes ne s'y trouvent pas après avoir été trois fois appellés, ils feront dépoffédés de leurs églises. Marcellin eft établi juge de la conférence, pour exécuter cet ordre, & les autres loix données pour la religion catholique; & l'empereur lui donne pouvoir de prendre entre les officiers du proconful, du vicaire du préfet du prétoire, & de tous les autres juges, les perfonnes néceffaires pour l'exécution de fa commiffion. Le refcrit eft daté de Ravenne, la veille des ides d'Octobre, fous le confulat de Varane : c'est-à-dire, le quatorziéme d'Octobre 410.

On poursuivoit auffi les hérétiques en Orient. Cette même année 410 le vingt-uniéme de Février, autrement le neuHérétiques pour viéme des calendes de Mars, fous le confulat de Varane, il y eut une loi adreffée à Anthemius, préfet du prétoire d'Orient: qui porte que les Montaniftes & les Prifcillianiftes ne feront point reçus au ferment de la milice, fans être exempts pour cela des charges municipales, & des autres où il fe trouvent engagés par la naiffance. Les Prifcillianiftes ne font pas ici les fectateurs de Prifcillien, mais de Prifcilla, fauffe prophéteffe de Montan. Le premier de Mars L.49.1.50.cod. fuivant, il y eut une autre loi contre les Eunomiens, qui leur

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