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AN. 411.

L. 51. C. Th. de

l'empereur Honorius de ce qui s'étoit paffé dans la conféren-
ce, & les Donatiftes ayant appellé devant lui, il y eut une
loi donnée à Ravenne le troifiéme des calendes de Février, hæret.
fous le neuviéme confulat d'Honorius & le cinquième de
Théodofe, c'est-à-dire le trentiéme de Janvier 412; qui caf-
fant tous les refcrits que les Donatiftes pouvoient avoir ob-
tenus & confirmant toutes les anciennes loix faites contre
eux, les condamne à de groffes amendes fuivant leur con-
dition, depuis les perfonnes illuftres jufques au fimple peu-
ple, & les efclaves à punition corporelle: ordonne que leurs
clercs feront bannis d'Afrique, & toutes les églifes rendues
aux catholiques. La conférence fut le coup mortel du fchif-
me des Donatiftes ; & depuis ce tems ils vinrent ́en foule
se réunir à l'église, c'est-à-dire, les évêques avec les
peu-
ples entiers.

Poffid. vita c. 13:

XLI. Ordination de

Syn. ep. 57.

Dans la partie Orientale de l'Afrique, c'est-à-dire dans la province Cyrenaïque, il y avoit alors un illuftre évêque, le Synefius. philofophe Synefius. Il étoit de la premiére nobleffe du pays, defcendu des Lacedemoniens, qui avoient fondé cette colonie, & remontant fa généalogie jufques à Eurythène, premier roi de Sparte de la race des Doriens. Synefius étudia la philofophie à Alexandrie, fous la fçavante Hypatia, fille du mathématicien Théon. Ce fut auffi à Alexandrie qu'il fe maria, & il y eut des enfans. Il fut député au nom de Cyrène fa patrie vers l'empereur Arcade environ l'an. 397, & lui parla avec plus de liberté qu'aucun Grec n'avoit encore fait. Car il blâma le luxe de la cour de C. P. & le Deregno p. 16.&c; crédit exceffif des Goths qui gouvernoient tout. Retourné chez lui il reprit fes livres & la chaffe, qui étoient toute fa vie : car il la partageoit entre l'étude & le divertissement, pour nourrir fon efprit & entretenir fa fanté par l'exercice du corps.

Il vivoit ainfi en philofophe, s'éloignant autant qu'il pouvoit de tout embarras d'affaires publiques ou domestiques; quand le peuple de Ptolemaide, métropole de la Cyrenaïque, le demanda pour évêque à Théophile d'Alexandrie, de qui ces fiéges dépendoient auffi bien que ceux d'Egypte. Car quoique Synefius ne fût pas encore baptifé, il n'étoit pas moins l'admiration des chrétiens que des païens. Synefius, allarmé de cette nouvelle, écrivit à fon frere Evoptius, qui étoit à Alexandrie, en ces termes : Je ferois infenfé, fi je

Evagr. 1. hift. c.

15.

Ep.105.

AN. 411.

Evag. 1: c. 15.

n'avois beaucoup de reconnoiffance pour les Ptoloméens,
qui m'eftiment plus que je ne m'eftime moi-même. Mais je ne
dois pas regarder s'ils me veulent faire un grand préfent, il
faut voir s'il me convient de l'accepter. Et enfuite : Un évê-
doit être un homme divin; tout le monde a les yeux
que
fur lui; & il ne peut guères être utile aux autres, s'il n'est
férieux & éloigné de tout plaifir. Il doit être communicatif
pour les chofes de Dieu, & toujours prêt à inftruire. Il
doit feul faire autant d'affaires que tous les autres ensemble,
s'il ne veut fe charger d'une infinité de reproches. Il faut
donc une grande ame pour porter un tel fardeau. Il repré-
fente enfuite combien il fe fent éloigné de cette perfection,
& de l'innocence de vie néceffaire à un évêque pour pu-
rifier les autres; puis il ajoute cette proteftation, qu'il prie
fon fiere de rendre publique, afin qu'elle foit fa juftification
devant Dieu & devant les hommes, principalement devant
Théophile.

J'ai une femme, que j'ai reçue de Dieu & de la main sacrée de Théophile. Or je déclare que je ne veux ni me séparer d'elle, ni m'en approcher en cachette comme un adultére mais je fouhaite d'avoir des enfans en grand nombre & vertueux. Voilà une des chofes que ne doit pas ignorer celui qui a le pouvoir de m'ordonner; & il pourra encore l'apprendre de Paul & de Denis, que le peuple a députés pour cette affaire. Cette déclaration de Synefius fait voir combien c'étoit une difcipline conftante, que les évêques devoient garder la continence : puifqu'il propofe fa femme comme le premier obftacle à fon ordination. Il en ajoute d'autres fur la doctrine. Il est difficile, dit-il, pour ne pas dire impoffible, d'ébranler les vérités qui font entrées dans l'efprit par une vraie démonstration; & vous fçavez que la philofophie en a plufieurs, qui ne s'accordent pas avec cette doctrine fi fameufe: il veut dire la chrétienne. En effet, je ne croirai jamais que l'ame foit produite après le corps. Je ne dirai jamais que le monde doive périr en tout ou en partie. Je crois que la réfurrection, dont on parle tant, eft un myftére caché; & je fuis bien éloigné de convenir des opinions du vulgaire. Il marque enfuite la peine qu'il auroit à quitter la chaffe: mais enfin il fe foumet & fe rapporte de tout au jugement de Théophile.

Cette proteftation de Synefius a fait dire à quelques hif

AN. 411. Phot. Cod. 26. Niceph, xiv.c.550

Ep. 11. ep. 95. ad Olymp. ep.57. ep. 194. D.

V. Petav. not, init.

toriens, qu'il avoit été baptifé & ordonné évêque, quoiqu'il ne crût pas la résurrection. Mais il ne le dit pas. Il paroît feulement qu'il y entendoit quelque mystére, peut-être la métemplycofe des Platoniciens, ou la réfurrection des Origeniftes dans une autre chair. Quoi qu'il en foit, il faut v. Holften. Dissert. croire que Théophile & les évêques d'Egypte s'affurérent ap. Vales.in Evag. de fa docilité & de fa foi dans les points effentiels, avant que de lui impofer les mains ; & que fon mérite extraordinaire, joint à la néceffité des tems & des lieux, les obligea de fe difpenfer un peu de la rigueur des règles. Il fut ordonné évêque vers l'an 410, avec une extrême répugnance; & dans une lettre écrite incontinent après à fes prêtres, il témoigne qu'il a fait tous les efforts poffibles pour éviter cette charge, & qu'il eût plutôt choifi la mort. Il met toute son espérance en Dieu, à qui rien n'eft impoffible, & demande leurs priéres & celles de tout le peuple. Il dit encore ailleurs, qu'il pria Dieu plufieurs fois à genoux & profterné, de lui donner plutôt la mort que l'épifcopat, & en prend Dieu même à témoin. Il y avoit déja fept mois qu'il étoit évêque, fans qu'il eût pu fe réfoudre à réfider avec fon troupeau. Il vouloit voir auparavant fi cette charge feroit compatible avec la philofophie: réfolu, fi elle ne s'y accordoit pas, de quitter fa patrie & paffer en Grèce; car il voyoit bien qu'après avoir renoncé à l'épiscopat, il ne pourroit plus demeurer chez lui, fans s'attirer la malédiction de tout le Ep.95: peuple: c'eft ainfi qu'il en parle à fon ami Olympius.

La première année de fon épiscopat, il confulta Théophile d'Alexandrie, au fujet d'Alexandre évêque de Bafinopole en Bithynie. Alexandre, dit-il, Cyrenéen, du rang des fénateurs, s'eft engagé dans la vie monaftique, étant encore très-jeune; y ayant fait du progrès avec l'âge, il a été élevé au diaconat, & même à la prêtrife. Quelque affaire l'obligea d'aller à la cour, & il fut recommandé à Jean d'heureufe mémoire. Permettez-moi d'en parler ainfi, puifqu'il eft mort, & que tous les différends doivent finir avec cette vie. Ces paroles de Synefius font remarquables, puifque c'eft de S. Chryfoftome qu'il parle à Théophile fon grand ennemi. Il continue: Alexandre lui étant recommandé, avant la divifion des églises, il fut ordonné par fes mains évêque de Bafinopole en Bithynie; & la divifion étant furvenue, il demeura ami de celui qui l'avoit ordonné & attaché à son parti. Vous fçavez mieux

XLII. Lettre à Théo

phile fur un ami

de faint Chryfof

tome.

Ep. 66.

AN. 411.

Facund. lib. 6. p. 258.259. &c.

Theod.v.hifi.c. 34
Sup. n. 13.

XLIII. Affaire de Paul d'Erythre.

que perfonne ce qui s'eft paffé en cette affaire; & j'ai vu un écrit très-fage que vous avez adreffé au bienheureux Atticus, ce me femble, pour le porter à recevoir ceux de ce parti.

Voilà ce qu'Alexandre a de commun avec eux tous: voici ce qui lui eft particulier. Cette année eft la troifiéme depuis l'amniftie & l'accommodement: toutefois au lieu d'aller droit en Bithynie & reprendre fon fiége, il demeure parmi nous, content de paffer pour un fimple particulier. Pour moi je n'ai pas été nourri de longue main dans les faintes loix; & je n'en ai encore pu guères apprendre, puisqu'il n'y a pas un an que je fuis évêque. Mais voyant des vieillards, qui dans la crainte de bleffer quelque canon, le traitoient trèsdurement; je ne les ai ni blâmés ni imités. Sçavez-vous donc ce que j'ai fait? Je ne l'ai point reçu dans l'églife, & je ne l'ai point admis à la communion de la fainte table: mais chez moi je l'ai honoré comme un homme fans reproche, le traitant comme j'ai accoutumé de traiter ceux du pays. Il conclud, en priant Théophile de lui répondre avec l'autorité de la fucceffion évangélique, c'eft-à-dire, de la chaire de l'évangélifte S. Marc; & de lui déclarer nettement s'il doit tenir Alexandre pour évêque.

On ne fçait ce que c'eft que cette amniftie & cet accommodement de Théophile avec le parti de S. Chryfoftome: mais il eft certain d'ailleurs que Théophile publia un édit fanglant contre lui, & que, pour le répandre en Occident, il le fit traduire en latin par S. Jerôme. Il nous en refte un fragment, ou plutôt un extrait qui n'est rempli que d'injures, & ne fert qu'à faire voir la paffion de Théophile. Il ne voulut jamais mettre le nom de S. Chryfoftome dans les facrés diptyques, c'est-à-dire, dans les tables où étoient les noms des évêques morts dans la communion de l'églife, pour les réciter pendant le faint facrifice; & ce refus caufa, durant environ vingt ans, une grande divifion dans l'églife, comme il a été dit.

Théophile connoiffant l'habileté de Synefius, lui donnoit quelquefois des commiffions, pour régler les affaires qui Ep. 67. naiffoient dans la Pentapole; & Synefius regardoit comme des oracles divins, les ordres qui lui venoient du fiége d'Alexandrie. Il alla donc vifiter les bourgades de Palebifque & d'Hydrax fur la frontiére des déferts de Lybie, quoi

AN. 411.

qu'il y eût des ennemis en armes, & qu'il ne fît pas sûr y voyager. Ces bourgades étoient ordinairement du diocèfe d'Erythre; mais elles avoient eu, du tems de S. Athanafe, un évê- Sup. l. xv1. n. 23. que particulier nommé Sidère, qui n'eut point de fucceffeur. Théophile vouloit alors leur en donner un, & les tirer de la dépendance de Paul évêque d'Erythre. Synefius étant arrivé fur les lieux, affembla le peuple, leur rendit les lettres que Théophile leur adreffoit, leur lut celles qui s'adreffoient à lui-même, & voulut leur perfuader d'élire un évêque : mais il ne put jamais vaincre l'affection qu'ils avoient pour Paul. Il ufa même d'autorité : il fit prendre par les miniftres de l'églife, ceux qui fe diftinguoient le plus dans la foule, & qui crioient le plus haut: il les fit arrêter comme féditieux & gagnés par argent, & les chaffa hors de l'églife. Il effaya plufieurs fois de calmer l'émotion de ce peuple; & leur représenta avec toute fon éloquence la dignité du fiége d'Alexandrie, & que l'honneur qu'ils lui rendoient ou qu'ils lui refufoient, retournoit fur Dieu même.

Le peuple nommoit Théophile avec de grandes marques de refpect, & fe profternant comme s'il eût été présent, ils le fupplioient avec des cris lamentables de ne leur pas ôter leur pafteur. Les femmes élevant les mains & préfentant leurs enfans, fermoient les yeux pour ne pas voir le fiége épifcopal privé de leur pafteur ordinaire. Synefius fe fentit ému: & craignant d'être entraîné à faire contre fa commiffion, il congédia l'affemblée, & l'affigna au quatrième jour; après avoir prononcé des malédictions terribles contre ceux qui par argent, par faveur, ou par quelque autre intérêt que ce foit, oferoient parler contre l'obéiffance due à l'églife.

Le jour venu, le peuple ne fut pas moins ardent que la premiére fois. Ils n'attendirent pas qu'on les interrogeât: ce ne fut qu'un cri & un mêlange de voix confufes. Les diacres ayant fait faire filence, les cris fe terminérent en pleurs & en gémiffemens lamentables d'hommes, de femmes & d'enfans. Les uns demandoient leur pere, les autres leur frere, les autres leur fils: car l'évêque Paul étoit encore jeune. Comme Synefius vouloit parler, on montra dans la foule un écrit, & on le pria de le faire lire. C'étoit une conjuration qu'on lui adreffoit, qu'il cefsât de faire violence

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