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d'avoir agi par malice. Car pour les fentimens des Occidentaux à l'égard de l'évêque Jean, vous les verrez par ces deux lettres, que j'ai choisies entre toutes celles qu'ils m'ont écrites, & qui valent toutes les autres: fçavoir, celles de l'évêque de Rome & de l'évêque d'Aquilée. Mais je vous prie fur-tout de faire trouver au concile Théophile d'Alexandrie, même malgré lui: car on l'accufe d'être le principal auteur de tous ces maux.

AN. 405.

Quoique la lettre marque cinq évêques, il n'en paroît que quatre chargés de cette députation; fçavoir, Emilius évêque de Benevent, Gaudence de Breffe, Cythegius & Marien, dont on ne fçait pas le fiége. Ils étoient accompa- p. 32. gnés des prêtres Valentinien & Boniface, & chargés des let- P.31. tres de l'empereur Honorius, du pape Innocent, de Chromace d'Aquilée, de Venerius de Milan, & des autres évêques d'Italie; avec une inftruction du concile de tout l'Occident. Ils prirent le chemin de C. P. par les voitures que fourniffoit l'empereur, & furent accompagnés de quatre évêques Orien taux, qui retournérent avec eux; fçavoir, Cyriaque, Demetrius, Pallade & Eulyfius. L'inftruction des députés portoit, que Jean ne devoit point paroître en jugement, qu'il n'eût été auparavant rétabli dans fon églife & dans la communion, afin qu'il n'eût, aucun fujet de refufer d'entrer au

concile.

IV.

Décrétale à S.

Exupére.

C. I.

Sup. liv.xv111. n. 34-35Decr. Sir. c. 7.

Vers le même tems, le pape S. Innocent étant confulté par S. Exupére évêque de Toulouse, fur divers points de discipline, lui répondit par une lettre décrétale. Sur la continence des clercs, il renvoie à la décrétale de S. Sirice donnée vingt ans auparavant : & veut que les diacres & les prêtres, qui ayant ignoré cette loi auront habité avec leurs femmes, gardent leur rang; à la charge de vivre déformais en continence, & de ne pouvoir monter à un dégré plus élevé : mais pour ceux qui ont eu connoiffance de la décrétale, il veut qu'ils foient dépofés. Quant à ceux qui après leur baptême ont toujours vécu dans l'incontinence, & demandent la communion à la mort, S. Innocent dit que l'ancienne discipline étoit plus févére, & qu'on leur accordoit feulement la pénitence, & non la communion; c'est-à-dire, qu'on leur impofoit la pénitence, & qu'on les abandonnoit enfuite 3. ex Cypr, ad à la miféricorde de Dieu, fans leur donner l'absolution. Mais à préfent, dit S. Innocent, on leur accorde l'un & l'autre.

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Decr. Innoc. c. 2.

V. fup. liv. v11.

n.

Anton.

AN. 405.

3.

C. 4.

Ambr. ep. 25. 26.
Sup. liv. xv111.

n 57.
Decr. Inn. c. 6.

c. 4.

c. 7.

Paul, ep. 21. al. 12. ad. Amand. Hier. ad Ruff.

Il rend raison de cet adouciffement. Du tems que
les perfé-
cutions étoient fréquentes, on craignoit que la facilité d'être
reçu à la communion, & l'affurance d'être réconcilié, ne
détournât pas affez de la chute. Mais depuis que l'églife eft
en paix, on a eu plus d'égard à la miféricorde divine, &
on n'a pas voulu paroître imiter la dureté des Novatiens.
Il eft remarquable que la difcipline étoit plus févére fous
les perfécutions; & en général, qu'elle peut changer felon
les tems.

On doutoit fi les chrétiens après leur baptême pouvoient
exercer des jugemens criminels, ou même donner des re-
quêtes pour demander une peine fanglante. S. Innocent ré-
pond, que puifque la puiffance publique portant le glaive
pour la vengeance des crimes, eft établie de Dieu, il est
permis aux chrétiens de l'implorer, & même de l'exercer.
S. Ambroife étant confulté fur ce point, avoit répondu de
même. Le pape S. Innocent déclare adultéres ceux qui,
après le divorce, contractent un nouveau mariage, & les
perfonnes qu'ils époufent: enforte que les uns & les autres
doivent être exclus de la communion des fidèles. C'est que
les divorces étoient permis par les loix civiles. Il marque que
les hommes faifoient plus rarement pénitence pour adultére,
que les femmes; non que la religion chrétienne ne condamne
également ce crime en l'un & en l'autre : mais parce que
les femmes accufoient plus rarement leurs maris, & que l'é-
glife ne punit point les crimes cachés. A la fin de fa dé-
crétale, il met le catalogue des livres facrés
tels que
nous l'avons aujourd'hui, & marque quelques livres apo-
cryphes & condamnés. La décrétale eft datée du dixiéme
des calendes de Mars, fous le confulat de Stilicon & d'An-
temius, c'est-à-dire, le vingtiéme de Février 405.

Saint Exupére, à qui cette décrétale eft adreffée, étoit un des plus illuftres évêques des Gaules. On croit que c'eft ep. 4. c. 10. in fin, le même qui eft nommé par S. Paulin comme prêtre de l'églife de Bourdeaux. S. Jérôme relève fa charité, en difant qu'étant évêque, il jeûnoit pour nourrir les autres. Rien n'eft plus riche, dit-il, que celui qui porte le corps du Seigneur dans un panier d'ofier, & fon fang dans du verre : c'est-à-dire, qu'il Ep 1 ad Age avoit vendu les vafes facrés pour affifter les pauvres. Il le loue d'avoir purgé l'églife de fimonie, & attribue à ses mérites la confervation de la ville de Touloufe, au milieu des

ru.h.c.6.

ravages

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ravages des barbares. Vers ce même tems S. Exupére envoya en Orient le moine Sifinnius, avec une fomme d'argent pour foulager les moines de Palestine & d'Egypte. Sifinnius rendit à S. Jerôme une lettre de S. Exupére, des moines Minerius & Alexandre, & de plufieurs perfonnes pieufes, qui lui propofoient des queftions fur l'écriture. A cette occafion S. Jerôme envoya à S. Exupére fon commentaire fur le Prophète Zacharie, qu'il compofa en même tems fous le confulat d'Arcade & d'Anicius Probus, c'est-à-dire en 406 il envoya auffi le commentaire fur Malachie à Minerius & à Alexandre, avec une grande lettre fur le jugement dernier & la réfurrection.

Par le même moine Sifinnius, S. Jerôme envoya en Gaule fon traité contre Vigilance, aux prêtres Riparius & Defiderius, qui l'en avoient prié. Vigilance étoit Gaulois de la ville de Convenes, c'est-à-dire de Comminges.. Il paffa en Espagne & vendit du vin: puis il fut prêtre de l'église de Barcelone. Ce fut là apparemment qu'il fit connoiffance avec S. Paulin qui en parle dans fes lettres comme d'un ami, & le recommanda à S. Jerôme quand il alla en Palestine. Car Vigilance fit ce voyage, & demeura quelque tems à Jérufalem. Il y étoit du tems du tremblement de terre qui arriva en 394. Il paffa en Egypte & en d'autres pays, & commença à enfeigner des erreurs. Il attaqua même S. Jerôme, l'accufant d'Orig nifme, parce qu'il lui avoit vu lire des livres d'Origène. S. Jerôme lui écrivit fur ce fujet, vers l'an montrant qu'il ne le lifoit que pour profiter de ce qu'il avoit de bon, & exhortant Vigilance à s'inftruire ou à fe taire.

397;

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In Vigil. c. 43

Environ sept ans après, & vers l'an 404, le prêtre Riparius écrivit à faint Jerôme que Vigilance recommençoit à dogmatifer; qu'il parloit contre les reliques des martyrs, & contre les veilles dans les églifes. S. Jerôme lui répondit fommairement; ajoutant que, fi on lui envoyoit le livre de Ep. 53. ad Rip, Vigilance, il y répondroit plus amplement. On le lui envoya en effet. Le moine Sifinnius, envoyé par S. Exupére, fut auffi chargé par les prêtres Riparius & Defiderius de l'écrit de Vigilance ; & S. Jerôme l'ayant lu, y répondit par In Vigil. c. 21 un écrit très-véhément, qu'il dicta en une nuit, parce que Sifinnius étoit preffé d'aller en Egypte.

Saint Jerôme y réfute toutes les erreurs de Vigilance, qu'il dit être fucceffeur de l'hérétique Jovinien, en ce qu'il

Tome IV.

B

AN. 405.

blâmoit la profeffion de la continence. Il condamnoit le refpect que l'on rendoit aux reliques des martyrs, & nommoit cinéraires & idolâtres ceux qui les honoroient. Il traitoit de fuperftition païenne l'ufage d'allumer en plein jour des cierges en leur honneur. Il foutenoit qu'après la mort on ne pouvoit plus prier les uns pour les autres, s'appuyant d'un paffage du livre apocryphe d'Efdras. Il difoit que les miracles, qui fe 4. Efdr. VII. 45. faifoient aux fépulchres des martyrs, n'étoient que pour les infidèles. Il condamnoit les veilles publiques dans les églifes, excepté la nuit de Pâques; & vouloit que l'on ne chantât alleluia qu'à cette fête. Il blâmoit la coutume d'envoyer des aumônes à Jérufalem, & de vendre fon bien pour donner aux pauvres difant qu'il valoit mieux le garder, & leur en diftribuer les revenus. Il blâmoit en général la vie monastique, difant que c'étoit fe rendre inutile au prochain. Telles étoient les erreurs de Vigilance: il y avoit même des évêques qui les fuivoient, principalement celle qui regardoit la continence fous prétexte qu'elle étoit une occafion de débauche. Ils n'ordonnoient point de diacres qui ne fuffent mariés ; & ce fut peut-être la caufe des confultations des évêques d'Espagne au pape S. Sirice, & des évêques de Gaule au pape S. Innocent.

VI.

Ecrit de S. Je.

lance.

C. 2.

S. Jerôme répond fur ce point: Que feront les églifes rôme contre Vigi- d'Orient, d'Egypte & du fiége apoftolique, qui prennent les clercs vierges ou continens, ou s'ils ont des femmes, ils ceffent d'en être les maris? Quant à l'honneur des martyrs, il répond que perfonne ne les a jamais adorés, ni cru les hommes des dieux; mais il ajoute: Il fe plaint que les reliques des martyrs foient couvertes d'étoffes précieuses, & qu'on ne les jette pas fur un fumier. Nous fommes donc facriléges, quand nous entrons dans les bafiliques des apôtres. L'empereur Conftantius fut un facrilége, quand il transféra à C. P. les faintes reliques d'André, de Luc & de Timothée, devant lefquelles les démons rugiffent? Il faut encore maintenant traiter de facrilége l'empereur Arcade, qui, après un fi long-tems, a transféré de Judée en Thrace les os du bienheureux Samuel. Tous les évêques doivent paffer non seulement pour facriléges, mais pour infenfés, d'avoir porté dans un vafe d'or & dans de la foie des cendres méprifables. Les peuples de toutes les églifes étoient infenfés, d'aller audevant des faintes reliques, & de recevoir avec tant de

AN. 405

Chr. Pafch. p. 308.

Theod. left. lib. 2. ad fin.

joie le prophète, comme s'ils l'avoient vu préfent & vivant : enforte que leurs troupes fe joignoient depuis la Palestine jufques à Calcédoine, & louoient Jefus-Chrift tout d'une voix. Adoroient-ils Samuel, ou plutôt Jefus-Chrift, dont Samuel a été le lévite & le prophète ? En effet, les reliques du prophète Samuel furent apportées à C. P. du tems de l'évêque Atticus, au mois Artemifius, le quatorziéme des calendes de Juin, fous le confulat d'Arcade & de Probus c'eft-à-dire le dix-neuviéme de Mai 406. L'empereur Arcade marchoit devant, avec Anthemius préfet du prétoire & conful de l'année précédente, Emilien préfet de la ville, & tout le fénat. Les faintes reliques furent dépofées pour un tems dans la grande églife, & enfuite mifes en une église bâtie en l'honneur du prophète près de Hebdomon. Pour montrer que les faints prient pour nous, S. Jerôme In Vigil, c. 3. dit: Si les apôtres & les martyrs, étant encore dans leurs corps, peuvent prier pour les autres, combien plus après leurs victoires? Ont-ils moins de pouvoir depuis qu'ils font avec Jefus - Chrift? Et enfuite : Nous n'allumons point de cierges en plein jour, c'eft une calomnie. Si quelques féculiers ou quelques femmes le font par ignorance, ou par fimplicité, quel mal cela vous fait-il? Ils reçoivent leur récompenfe felon leur foi: comme la femme qui parfuma Jefus-Chrift, quoiqu'il n'en eût pas befoin. Sans parler des reliques, par toutes les églifes d'Orient, quand on va lire l'évangile, on allume le luminaire en plein jour en figne de joie. L'évêque de Rome fait donc mal, lorfque les os vénérables, felon nous, & la vile pouffiére, felon toi, de Pierre & de Paul, hommes morts, il offre à Dieu des facrifices, & prend leurs tombeaux pour des autels; non feulement l'évêque d'une ville,'mais tous les évêques du monde font donc dans l'erreur? I accufe Eunomius d'être l'auteur de cette héréfie.

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Sur les veilles dans les églifes, il dit : Que ce n'eft pas une raifon de les abolir parce qu'elles donnent occafion à quelques défordres entre de jeunes gens & de miférables femmes; autrement, dit-il, il faudroit auffi abolir la veille de Pâques. Il infifte fur les miracles qui fe faifoient communément aux tombeaux des martyrs ; & ajoute : Quand j'ai été troublé de colére, de quelque mauvaise penfée, ou de quelque illufion nocturné, je n'ole entrer dans les bafiliques des martyrs. Tu t'en moqueras peut-être comme d'un fcru

C. 4.

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