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AN. 412.

fut auffi donné à la même héréfie. Il étoit de noble race, eunuque de naiffance; après avoir exercé quelque tems la fonction d'avocat, il entra dans un monaftére, d'où il écrivit à ses parens trois lettres, qui ne contenoient que des exhortations à la vertu. Enfuite il s'attacha à Pelage, & commença Gennad. fcript.c à parler contre le péché originel. Le maître & le difciple avoient tous deux beaucoup d'efprit & de fubtilité : mais Celeftius étoit plus libre & plus hardi. Ils fortirent de Rome un peu avant fa prife, c'eft-à-dire vers l'an 409. Ils pafférent, comme l'on croit, en Sicile, & de-là en Afrique. Pelage arriva à Hippone en 410. Mais il n'y fit que paffer fans dogmatifer. De-là il vint à Carthage, où S. Augustin, qui avoit déja oui parler de fes erreurs, le vit une fois ou deux; mais il étoit tout occupé de la conférence avec les Donatiftes, car c'étoit en 411. Pelage s'embarqua à Carthage, & paffa en Palestine où il demeura long-tems.

Celestius tâcha de fe faire ordonner prêtre à Carthage : mais comme il y enfeignoit ouvertement fon hérésie, il fut accufé devant l'évêque Aurelius, vers le commencement de l'an 412, par le diacre Paulin de Milan; le même qui en ce même tems écrivit la vie de S. Ambroise, à la prière de S. Auguftin. Aurelius affembla donc un concile de plufieurs évêques, où Paulin présenta deux libelles, contenant les erreurs dont il accufoit Ċeleftius réduites à fept articles. Le premier, qu'Adam avoit été fait mortel: enforte que, foit qu'il péchât ou qu'il ne péchât point, il devoit mourir. II. Que le péché d'Adam n'a nui qu'à lui feul, & non au genre humain. III. Que les enfans qui naiffent font au même état, où Adam étoit avant fon péché. IV. Que la mort ou le péché d'Adam n'eft pas cause de la mort de tout le genre humain, ni la réfurrection de J. C. caufe de la réfurrection de tout le genre humain. V. Que la loi envoie au royaume des cieux comme l'évangile. VI. Que même avant la venue de J. C. il y a eu des hommes impeccables, c'est-à-dire fans péché. VII. Que les enfans, fans être baptifés, ont la vie éternelle. Sur le fecond & le troifiéme article, Celeftius dit que c'étoit des questions problématiques, que l'on pouvoit foutenir de part & d'autre ; & qu'il connoiffoit plufieurs prêtres qui nioient le péché originel. Etant preffé par Paulin de les nommer, il ne put nommer que Rufin, qui demeuroit à Rome avec Pammaque. Il ajouta toutefois qu'il avoit toujours

De Geft. Pelag.

C. 22.

II. Celeftius con

damné à Cartha

ge

Mercat. comm. ad imp.c. 1. Aug.cp.157 n 22. epift. ap. Aug. 175.

ad Innoc.

Aug, de pec, orig.

AN. 412.

dit que les enfans avoient befoin du baptême, & devoient être baptifés. Il donna même un petit mémoire, où il avouoit que les enfans avoient befoin de rédemption, & par conféquent de baptême. Toutefois ayant été oui plufieurs fois il en confeffa affez pour être convaincu d'héréfie & d'opiniâtreté dans les erreurs dont il étoit accufé: ainfi il fut condamné & privé de la communion eccléfiaftique, comme il paroiffoit par les actes de ce concile de Carthage. Celeftius appella de cette fentence au faint fiége apoftolique: mais au lieu de poursuivre fon appel, il s'en alla à Ephèse. Ses difAug. ep. 157.7.22 ciples de Carthage, étonnés de cette condamnation, n'ofoient plus attaquer la foi de l'églife, que par de vains difcours & des plaintes femées parmi le peuple.

11. Retra. c. 23.

Serm. 170. 174. 175. a

11. n. 25.

S. Auguftin n'avoit pas affifté à ce concile de Carthage, & il ne fe preffa pas d'écrire contre les Pélagiens : mais lui & les autres évêques catholiques travaillérent à les combattre, dans leurs fermons & leurs converfations particulières. Nous avons plufieurs fermons de S. Auguftin où il traite ce fujet, & exhorte fon peuple à demeurer ferme dans l'ancienne Serm. 176. c. 2. doctrine de l'églife. Il foutient particuliérement le péché originel, & la néceffité du baptême des enfans. Que chacun de vous, dit-il, parle pour ceux qui ne peuvent parler pour eux-mêmes. On recommande aux évêques le patrimoine des De Geft Pelag.c. pupilles : ils doivent avoir bien plus de foin de leur falut. Il commença toutefois à écrire contre eux dès la même année 412. Car le tribun Marcellin qui étoit à Carthage, importuné des difputes qu'il avoit tous les jours avec eux, confultoit S. Auguftin par lettres, & l'obligea de lui écrire fur ces questions, principalement fur le baptême des enfans. Saint Augustin donc, pour fatisfaire aux priéres de Marcellin de faint Auguftin & au devoir de fa charge, écrivit deux livres, qu'il lui adrescontre les Péla- fa, intitulés : du mérite des péchés & de leur rémiffion autrement, du baptême des enfans. Dans le premier, il prouve que l'homme eft devenu fujet à la mort, non par la néceffité de la nature, mais par le mérite du péché; que le péché d'Adam a engagé toute fa race; & que l'on baptife les enfans, afin qu'ils reçoivent la rémiffion du péché originel. Dans le fecond livre, il montre premiérement, que Thomme peut être fans péché en cette vie, par la grace de Dieu & fon libre arbitre: en fecond lieu, que perfonne en cette vie n'est absolument fans péché, puisqu'il n'y a

II

Premiers écrits

giens.
11. Retract. c. 33.

perfonne

(

AN. 411

mer, init.

perfonne qui n'ait befoin de dire: Pardonnez-nous nos péchés. Troifiémement, que cela arrive, parce que perfonne ne le veut autant qu'il faut. Enfin, qu'aucun homme, excepté J. C. feul, n'eft, n'a été, ni ne fera fans péché. Peu de jours Lib. 111. de pee. après qu'il eut achevé ces deux livres, ayant recouvré les expofitions de Pélage fur faint Paul, il y trouva un nouvel argument que Pèlage propofoit comme le fentiment d'un autre contre le péché originel: en difant que, fi le péché d'Adam nuit à ceux qui ne pèchent point, la juftice de J. C. fert auffi à ceux qui ne croient point. Cette objection, que S. Auguftin n'avoit point prévue, lui donna occafion d'ajouter à ces deux livres une lettre à Marcellin, ou plutôt un troifiéme livre, où il montre comment les enfans font comptés pour fidèles, & profitent de la foi de ceux qui les préfen

11. Retract. c. 360

tent au baptême. Dans ces trois livres, S. Auguftin crut de- 11.Retract, c. 334. voir encore taire les noms des nouveaux hérétiques, espérant par-là de les corriger plus facilement; même dans la troifiéme, étant obligé de nommer Pélage, il lui donna quelques louanges, parce que plufieurs vantoient fa bonne vie. Dans Ep.130.adMarcelli, le même tems un ami de faint Auguftin, nommé Honorat, lui envoya de Carthage cinq queftions de l'écriture, auxquelles il le prioit de répondre. S. Auguftin voyant cette nouvelle héréfie qui s'élevoit, y ajouta de lui-même une fixiéme queftion, de la grace du nouveau Teftament, de laquelle il fit un traité fuivi, comprenant les cinq autres questions; & à l'occafion de la premiére, l'explication de tout le pfeaume vingt-uniéme. Ce traité eft compté entre

fes lettres.

Le tribun Marcellin ayant reçu les livres du mérite des péchés, écrivit à S. Auguftin: qu'il s'étonnoit de ce qu'il y difoit, que l'homme pouvoit être fans péché s'il vouloit, avec le fecours de Dieu; & que toutefois perfonne en cette vie n'avoit été, n'étoit, ni ne devoit être à l'avenir d'une telle perfection. Comment, difoit-il, dites-vous qu'une chose eft poffible, dont il n'y a point d'exemple ? Pour répondre à cette question, S. Auguftin écrivit le livre de l'efprit & de la lettre, où il explique ce paffage de l'apôtre: La lettre tue, & l'efprit donne la vie. Il y difpute vivement contre les ennemis de la grace, montrant d'abord, par plufieurs exemples, qu'il y a des chofes poffibles qui n'ont jamais été. Enfuite il explique en quoi confifte le fecours que Dieu. Tome IV.

M

Epift. 140. al. 2203

ad. Honor.

11. Retrath c. 376

2. Cor. 111. 6.

AN. 412.

hæret.

IV.

nous donne pour bienfaire. La loi qui nous inftruit ne fuffit pas, quoiqu'elle foit bonne & fainte: au contraire si elle est feule, elle nous rend plus coupables, puifque nous connoiffons notre devoir fans le pouvoir accomplir. Il faut donc que nous foyons aidés par l'efprit; qui répand la grace dans nos cœurs, & nous fait aimer & accomplir le bien qui nous eft commandé.

On accufoit les Pélagiens de renouveller la doctrine de Loix d'Honorius Jovinien : & en effet ils avoient de commun avec lui le dogme pour l'églife. Hier.in Pelag.dial. de l'impeccabilité; c'eft-à-dire, qu'un homme une fois juf3. init. tifié par le baptême pouvoit conferver toujours la justice Sup.liv.xxx.n.19. s'il prenoit garde à lui, & par conféquent vivre fans péché. L. 53. C. Th. de Ce fut peut-être ce qui renouvella le zèle des évêques contre Jovinien, vingt-deux ans après fa condamnation. Car nous trouvons une loi d'Honorius datée du fixiéme de Mars cette même année 412 qui porte que les évêques fe plaignent des affemblées facriléges que Jovinien tient hors des murs de Rome. C'eft pourquoi l'empereur ordonne qu'il foit pris, battu de laniéres plombées, & envoyé en exil perpétuel avec fes complices: fçavoir, lui dans l'ifle de Boa, & les autres où voudra le préfet Felix à qui la loi eft adreffée, pourvu qu'ils foient feuls & dans des ifles féparées. L'ifle de Boa eft près la côte de Dalmatie. Les évêques dont les plaintes donnérent occafion à cette loi, étoient Genn. de fcript. in peut-être affemblés en concile à Rome. Il n'eft plus parlé depuis de Jovinien, fi-non que l'on dit qu'il continua jusques à la mort fa vie voluptueufe.

Paulo. c. 75.

L. 40. C. Th. de

L'empereur Honorius confirma les priviléges des églifes par deux autres loix de la même année 412. La premiére epifc. 1. 5. C. de fa du vingt-cinquiéme de Mai, qui défend que les terres des erof. eccl. églifes foient fujettes aux charges fordides & extraordinaires: à la réparation des chemins, à la réfection des ponts, au transport des chofes du fifc ou des vivres des troupes, à l'or de la contribution luftrale des marchands. En un mot elles ne doivent payer que la contribution ordinaire nommée canon, ou canonica illatio. L'autre loi de l'onziéme Décembre porte que tous les clercs, évêques, prêtres, diacres & autres, ne doivent être accufés que devant les évêques; que l'accufateur, de quelque condition qu'il foit, fera noté d'infamie, s'il ne prouve pas fa plainte; & que les évêques n'examineront ces caufes qu'en public, & en feront dreffer

L. 41. C. Th. eod. &ib. Gothofr.

per

des actes, c'est-à-dire les caufes qui regardent la religion, AN. 412. laiffant aux juges féculiers la connoiffance des crimes publics, même contre les eccléfiaftiques. On croit que l'occa- L. 23. eod. fion de cette loi, fut la dépofition injufte d'Heros évêque d'Arles, arrivée la même année 412. C'étoit un faint Profp.Chr. an. 4131 fonnage, difciple de S. Martin, que le peuple de la ville chaffa, quoiqu'il fût innocent, & qu'il n'y eût point d'accufation contre lui; & mit à fa place Patrocle, ami particulier de Conftantius maître de la milice, à qui ce peuple vouloit par-là faire fa cour. Ce qui fut le fujet d'une grande divifion entre les évêques du pays. Conftantius étoit de Panese en Illyrie, & avoit fervi dès le tems du grand Théodofe. Il foutenoit en Gaule l'autorité de l'empire contre divers tyrans qui s'élevérent vers ces tems-là, & contre les barbares qui entroient de tous côtés.

Les Goths avec leur roi Ataulphe entrérent en Gaule, au fortir de l'Italie, cette même année 412, fous le neuviéme confulat d'Honorius & le cinquiéme de Théodofe. L'année fuivante 413, fous le confulat de Lucien & d'Heraclien, les Bourguignons s'établirent dans la partie de la Gaule voifine du Rhône; & on raconte ainfi leur converfion. Ils étoient la plupart charpentiers, & vivoient de leur travail. Fatigués par les incurfions continuelles des Huns, & ne fçachant comment s'en défendre, ils réfolurent de fe mettre fous la protection de quelque Dieu : & confidérant que le Dieu des Romains fecouroit puiffamment ceux qui le fervoient, par délibération publique ils fe déterminérent à croire en J. C. Ils allérent dans une ville de Gaule, & prièrent l'évêque de leur donner le baptême. Il les prépara pendant fept jours, pendant lefquels il les fit jeûner & les inftruifit. Le huitiéme jour il les baptifa, & les renvoya. Ils marchérent hardiment contre les Huns, & ne furent pas trompés dans leurs efpérances. Car le roi des Huns, nommé Optar ou O&tar, étant mort la nuit d'indigeftion, les Bourguignons tombérent fur l'armée déftituée de chef, & vainquirent les Huns, nonobftant l'inégalité du nombre; car ils n'étoient que trois mille contre dix mille. Depuis ce tems-là ils furent chrétiens fervens, & tous catholiques. Ils obéiffoient aux clercs qu'ils avoient reçus chez eux, vivoient dans la douceur & l'innocence, & traitoient les Gaulois, non comme leurs fujets, mais comme leurs freres, Les Vandales étoient en

V. Irruptions des barbares.

Soz. 1x. c. 12. 13.

14.15.

Olymp. ap. Pho: cod.

Profp.Chr. an. 413.
Caffiod. Chr Prof
Sor, V11.c.30.

an. 414.

Socrv1.6.30.

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