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AN. 412.
Prof. an. 410.

trés en Efpagne dès l'an 409, fous le huitiéme confulat d'Honorius, & le troifiéme de Théodofe. Les Alains & les Caffiod. Chr. Suèves y entrérent auffi, & ils partagérent ainfi le pays. Les Alains prirent la Lufitanie & la province de Carthage; les Vandales la Bétique; les Suèves, la Galice. Dans ces ravages, quelques évêques s'enfuirent d'Efpagne, ayant perdu leurs peuples, dont une partie étoient difperfés par la

Orof. VII. c. 40. Ifidor, hift Vand. ar. 446.

Aug. ep. 228. n. 5. al. 180. ad Honor.

VI.

Concile de Bra

gue.

1508.

fuite d'autres avoient été tués ou confumés de mifére dans les villes affiégées, ou emmenés en captivité. Il y eut toutefois un bien plus grand nombre d'évêques qui demeurérent, ayant encore quelque refte de leur troupeau, quoiqu'expofés avec eux à des périls continuels.

On rapporte à ce tems-là un concile de Brague ou Braccara en Lufitanie, auquel préfidoit l'évêque Pancratien, qui T. 2. conc. p. parle ainfi : Vous voyez, mes freres, comme les barbares ravagent toute l'Espagne; ils ruinent les églises, ils tuent les ferviteurs de Dieu; ils profanent les mémoires des faints, leurs os, leurs fépulcres, les cimetières. Excepté la Celtiberie & la Carpetanie, tout le refte eft fous leur puiffance, vers les Pyrenées. Et parce que ce mal est prêt à fondre fur nos têtes, j'ai voulu vous affembler, afin que chacun pourvoie à fes affaires, & que tous enfemble nous puiffions remédier à la défolation de l'églife. Prenons garde, mes freres, au falut des ames, de peur que la grandeur de ces miféres ne les entraîne dans la vie des pécheurs, & ne les faffe renoncer à la foi : & pour cet effet, mettons devant les yeux de nos ouailles l'exemple de notre conftance, en fouffrant pour J. C. quelque partie de tant de tourmens qu'il a foufferts pour nous. Et parce que quelques-uns des Alains, des Suèves & des Vandales font idolâtres, d'autres Ariens; je fuis d'avis, fi vous l'approuvez, que nous déclarions notre foi contre ces erreurs, pour plus grande fureté.

Tous les évêques ayant approuvé cette propofition, Pancratien commença à déclarer en abrégé la créance de l'églife catholique; & à chaque article les évêques répondoient : Nous croyons ainfi. Pancratien ajouta : Ordonnez maintenant ce qu'il faut faire des reliques des faints. Elipand de Conimbre dit: Nous ne pourrons tous les fauver de même maniére; chacun faffe felon l'occafion. Les barbares font chez & preffent Lisbone: ils tiennent Merida & Aftorga; au premier jour ils viendront fur nous. Que chacun sen

que

nous,

aille chez foi, qu'il confole les fidèles, qu'il cache doucement les corps des faints, & nous envoie la relation des lieux & des cavernes où on les aura mis, de peur qu'on ne les oublie avec le tems. Tous les évêques ayant approuvé cet avis, Pancratien ajouta : Allez tous en paix; que notre frere Potamius demeure feulement, à caufe de la deftruction de fon églife d'Eminie que les barbares ravagent. Potamius dit: Que j'aille auffi confoler mes ouailles, & fouffrir avec elles pour

que pour être dane. C. je n'ai pas reçu la charge d'évê

la profpérité,

Pan

cratien dit: C'est très bien dit; votre deffein eft jufte j'approuve votre départ, Dieu vous conferve. Tous les évêques dirent Dieu vous conferve dans cette bonne réfolution; nous l'approuvons tous, retirons-nous avec la paix de Jefus-Chrift.

C'est ce que nous avons de ce concile, avec les foufcriptions de dix évêques, fçavoir, Pancratien de Brague, Gelafe de Merida, Elipand de Conimbre, Pamerius d'Egitave ou Idagna, Arisbert de Porto, Deusdedit de Lugo, Pontamius ou plutôt Potamius d'Eminie ou Agueda, Tiburce de Lamego, Agathius d'Iria, Pierre de Numance ou Camota. Arisbert écrivit vers le même tems à Samerius, archidiacre de Brague, en ces termes : Je vous plains, mon frere, je plains notre évêque & notre chef Pancratien, je plains votre exil; que Dieu regarde notre mifére des yeux de fa miféricorde. Conimbre eft prife; les ferviteurs de Dieu ont paffé par le fil de l'épée; on emmène Elipand captif. Lisbone a racheté fa liberté avec de l'or; Egitave eft affiégée; tout eft plein de miféres, de fanglots, d'angoiffes. Vous avez vu ce que les Suèves ont fait en Galice: jugez de ce que les Alains font en Lufitanie. Je vous envoie les décrets de la foi que vous demandez: car j'ai emporté mes écrits avec moi. J'attends tous les jours d'être frappé d'un femblable coup.Je vous enverrai tout, fi je fçais le lieu où vous ferez caché. Dieu veuille nous regarder en pitié.

Cette inondation des peuples barbares, & principalement la prise de Rome par les Goths, fut une occafion aux païens de renouveller avec plus d'aigreur leurs plaintes & leurs calomnies contre la religion chrétienne; fuivant leur ancienne coutume, de lui attribuer tous les malheurs qui arrivoient dans le monde. Depuis que cette impiété a paru, difoient

AN. 412.

VII. Reproches des païens.

43.

Aug. 11. Retr. c. Sup. l. v. n. 9. Tertull, apol.c.40.

AN. 412.

Ap. Aug. ep. 136.

n. 2.

Ep. 138. n. 20. Sup. xx11. n. 50.

Ep. 102. al. 4. 11. Retr. c. 31.

VIII.

Cité de Dieu de S. Augustin,

ils, la puiffance Romaine n'a fait que baiffer. Les dieux fon dateurs & protecteurs de cet empire ont retiré leurs fecours, à mesure qu'on a négligé de les fervir: & quand on a 'ceffé entiérement, quand on eft venu jufques à fermer leurs temples, défendre par des loix & fous des peines rigoureufes les facrifices, les augures, & les autres moyens de fe les rendre propices ils nous ont abandonnés ; & Rome, autrefois victorieufe, eft devenue la proie des barbares.

Les chrétiens font enveloppés comme nous dans les calamités qu'ils nous ont attirées; leur Dieu ne les a point diftingués ils ont été pillés, maffacrés, emmenés en captivité leurs femmes & leurs vierges n'ont pas été épargnées plus que les nôtres. Tels étoient les reproches des païens.

Le tribun Marcellin, écrivant à S. Auguftin fur ce fujet, l'avoit prié d'en compofer des livres, qui feront, difoit-il, extrêmement utiles à l'églife, principalement en ce tems. S. Auguftin crut d'abord qu'une lettre fuffiroit, & lui écrivit la grande lettre fur la politique, dont j'ai rapporté la fubftance. Mais enfuite il vit bien qu'un fujet fi vafte & fi important méritoit un plus grand ouvrage ; & il commença à en compofer un, qui eft le plus long de tous les fiens, & qui comprend toute la controverfe contre les païens, dont il avoit déja traité quelques points aux occafions: comme dans l'expofition des fix questions adreffées à Deo-gratias, prêtre de Carthage, vers l'an 408.

Le titre de ce grand ouvrage eft de la Cité de Dieu; parce que le deffein eft de défendre la fociété des enfans de Dieu, c'est-à-dire l'églife, contre la fociété des enfans du fiécle. Tout l'ouvrage eft divifé en vingt-deux livres, dont les dix premiers font employés à réfuter les païens: cinq contre ceux qui croyoient que le culte des dieux étoit né ceffaire pour la profpérité profpérité temporelle de ce monde : cinq contre ceux qui vouloient que l'on fervît les dieux , pour être heureux dans une autre vie. Les douze derniers livres établiffent la vérité de la religion chrétienne, & font divifés en trois: quatre qui montrent l'origine des deux cités ou fociétés, quatre pour leur progrès, quatre pour leurs fins différentes. S. Auguftin fut environ treize ans à compofer ce grand ouvrage, étant de tems en tems obligé de l'inter

rompre, pour plufieurs autres qu'il ne pouvoit différer. Il le commença vers l'an 413, peu de tems avant la mort de Marcellin, à qui il adreffe la parole dans le premier & le fecond livres feulement; & il l'acheva vers l'an 426, avant fes rétractations. Il fait paroître en cet ouvrage fa grande érudition & fa profonde connoiffance de l'hiftoire & des lettres humaines, parce que le fujet le demandoit.

AN. 412.

1. Civ. c. 12: 34.

35.

v. Civ. c. 23.

1. Civ. c. 8.

D'abord il relève l'injuftice des païens, qui accufoient la religion chrétienne du fac de Rome; dont ils ne s'étoient Sup. l. xx11. n. 21. fauvés qu'à la faveur de cette même religion, dans les bafiliques des apôtres & des martyrs, que les Goths avoient refpectées. Il marque comme un effet particulier de la providence, la défaite de Radagaise, autre roi des Goths, mais Sup.liv. xix.n.15. païen. Car s'il eût pris Rome, il n'eût épargné perfonne, & n'eût eu aucun refpect pour les faints lieux : & les païens auroient attribué fa victoire aux faux dieux, auxquels il offroit tous les jours des facrifices. Dieu vouloit feulement châtier Rome, mais non pas la perdre. Il dit qu'en cette vie les biens & les maux font communs aux bons & aux méchans: parce que, fi tout péché étoit puni en ce monde, on ne craindroit point le dernier jugement; fi aucun péché n'étoit puni manifeftement dès à préfent, on ne croiroit point la providence. Si Dieu n'accordoit aucun des biens fenfibles à ceux qui les lui demandent, on diroit qu'il n'en feroit point le maître s'il les donnoit à tous ceux qui les lui demanderoient, on ne le ferviroit que pour ces fortes de biens. La ́ différence eft feulement dans l'ufage que les bons & les mauvais font des biens & des maux de cette vie. Les bien commettent toujours beaucoup de fautes ici bas méritent des punitions temporelles; ne fût-ce que la foibleffe à fupporter les méchans, & la négligence à les corriger. Mais tout leur tourne à bien, & les vrais chrétiens ne regardent point comme des maux la perte des biens temporels, les tourmens, ni la mort même, ni la privation de fépulture, ni la captivité, ni les violences qu'ont fouffert les femmes & les vierges; puifqu'il n'y a de mal que le péché, & point de péché fans volonté. Ici S. Auguftin combat l'erreur des païens, qui croyoient permis & même louable de fe tuer, pour éviter la douleur ou l'infamie; & montre combien la patience des martyrs & des vierges chrétiennes eft au-deffus du courage de Caton & de Lucrèce, fi vantés par les Ro

gens

de

qui

c. 9.

c. 10.

C. II.

c. 12. 13. 14. 15.

c. 16.

c. 17. 18. &c.

AN. 412.

1.29.

mains. Ainfi les chrétiens fe confoloient des maux que Dieu avoit permis qu'ils fouffriffent, pour les corriger ou les éprouver mais il n'y avoit point de confolation pour les païens, qui ne fervoient leurs dieux que pour la profpérité tempoc. 30. relle; c'est-à-dire, pour vivre en fureté dans le luxe & l'affluence de tous les plaifirs, qui avoient attiré la corruption des mœurs, & par conféquent l'affoibliffement & la ruine de l'empire. Cette corruption étoit telle, que ceux qui s'étoient fauvés du pillage de Rome, étoient tous les jours dans les théâtres à Carthage, tandis que les villes d'Orient déploroient publiquement la prife de Rome.

11. Civ. c. 19. 20.

6.33.

IX. Réfutation de l'idolâtrie. 11. Civ. c. 3. c. 4. 6. 7. 26.

C: 11. c. 18. 19.

Pour montrer l'injuftice d'imputer à la religion chrétienne les maux de l'empire, il montre que ces maux ont régné long-tems auparavant, & que les faux dieux n'en ont jamais garanti leurs adorateurs. Il commence par les mœurs. Vos dieux, dit-il, ne vous ont jamais donné des préceptes; au contraire ils vous donnent l'exemple de toutes fortes de crimes & d'infamies. Il s'étend fur les jeux & les fpectacles, c. 5. 8. 27. qui faifoient tous partie de la religion, & que les Romains avoient jugés fi honteux, qu'ils notoient d'infamie ceux qui les repréfentoient; au lieu que les Grecs les honoroient, fuivant mieux en cela les principes de leur religion. Auffi les historiens, particuliérement Sallufte, témoignoient que les mœurs des Romains étoient déja très-corrompues incontinent après la ruine de Carthage, & plus d'un fiècle avant l'avé nement de Jefus-Chrift: & Ciceron, dans fon traité de la République écrit foixante ans avant Jefus-Christ, comptoit l'état de Rome pour déja ruiné, par la chute des anciennes mœurs. Ici S. Auguftin oppofe au culte impur & profane des faux dieux, l'honnêteté & l'utilité des affemblées eccléfiaftiques, où les hommes étoient féparés des femmes où l'on écoutoit les inftructions pour les mœurs, tirées de l'écriture fainte, & [propofées avec autorité à tout le monde.

6. 21.

111. Civit. c. 2.3. &c.

c. 19.
C. 24.

c. 27.
c. 29.

&

Il vient enfuite aux maux fenfibles & corporels, & mon tre aisément en parcourant l'hiftoire depuis la prise de Troie, que les dieux n'en ont point délivré leurs adorateurs. Il infifte principalement fur les malheurs de la feconde guerre Punique, fur les féditions des Gracques, & les guerres civiles de Marius & de Sylla, & montre que ce dernier a été bien plus cruel que les Goths. D'où il conclud que

c'est

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